Danneels: mort d'un faiseur de Pape

Deux articles pour faire le point sur la mort d'un grand ami de François, membre de la mafia de Saint-Gall, grand "saboteur" de l'Eglise en Belgique. (18/3/2019)


La bonne éducation voudrait que l'on ne dise pas de mal d'un mort. "Cela ne se fait pas", nous a-t-on appris.
Mais la mort ne pare pas automatiquement d'une auréole de sainteté, et cet homme, si encensé par la presse catholique progressiste, a fait tellement de mal, et a eu un tel rôle dans le sabotage du pontificat de Benoît XVI, dans la destruction de l'Eglise en Belgique et dans la "fabrication" de François, que son influence néfaste rique de se faire sentir encore des années après sa mort. On a alors moins de scrupules à enfreindre cette règle d'or.
Voici donc deux articles qui dressent un tableau sans complaisance du "palmarès" de l'ex-primat de Belgique, qu'Isabelle a bien voulu traduire: ceux de l'allemand Giuseppe Nardi et du canoniste américain Phil Lawler.

Mais d'abord, je laisse la parole à Isabelle:

L’archevêque de Malines-Bruxelles Joseph De Kesel, absent de tous les débats publics, trop heureux d’y déléguer un de ses confrères ou son porte-parole le jésuite Tommy Scholtes, vient d’annoncer la mort de son mentor, le cardinal Godfried Danneels.
Dans la déclaration de l’archevêque, les fidèles de Belgique auront été émus d’apprendre, avant toute chose, que celui-ci allait tous les samedis « prendre l’apéritif » chez l’ancien primat. Comme si le chef d’une Eglise à l’agonie n’avait rien de mieux à faire qu’à se comporter en parfait quidam. À sa décharge, il faut tout de même préciser que, sitôt émérite, Danneels s’était établi en face du palais archiépiscopal de Malines. Une position stratégique, qui lui permit un sabotage redoutablement efficace de Mgr Léonard : les affidés de Danneels travaillant à la chancellerie n’avaient qu’à traverser la rue pour l’informer dans le détail des faits et gestes de son successeur direct. Quant à Joseph De Kesel, cardinal sans mérites connus, gageons qu’avec son porto, il buvait aussi les conseils de son maître. Sa discrétion à toute épreuve (souvenons-nous de son inertie dans l’affaire du professeur Mercier), bel hommage à la devise de « non polarisation » chère à Danneels, montre qu’il a su profiter des leçons reçues. Il devra maintenant compter sans la main protectrice de celui qui fut l’artisan et l’avocat de sa carrière ecclésiastique.
(Isabelle)

Godfried Danneels in memoriam
La mort d’un faiseur de pape

Le maître d’œuvre du changement de paradigme n’est plus


15 mars 2019
Par Giuseppe Nardi
katholisches.info
Trduit de l'allemand par Isabelle

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(Bruxelles) Le cardinal Joseph De Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles, primat de Belgique et président de la Conférence Episcopale Belge, avait hier « le triste devoir » d’annoncer la mort du cardinal Godfried Danneels. Membre du « Cercle secret de Saint-Gall » et du « Team Bergoglio », Danneels fut un maître d’œuvre déterminant du pontificat du pape François.


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Le cardinal Danneels fut, jusqu’en 2010, archevêque de Malines-Bruxelles et figurait au nombre des prélats progressistes contrariés par la « phase de restauration » des papes Jean-Paul II et Benoît XVI, qu’ils ne digéraient pas. Il faisait partie d’un groupe, constitué au sein de l’Eglise, que lui-même, en 2015, désigna comme la « Mafia » de Saint-Gall : un cercle secret réunissant les plus hauts prélats, convoqué dans les années 90 par le cardinal jésuite Carlo Maria Martini, pour saboter le pontificat de Jean-Paul II. Objectif principal de la « Mafia » : empêcher que le cardinal Joseph Ratzinger succède au pape polonais et faire élire son propre candidat ; lequel, à l’origine, devait être Martini lui-même. Suite à son échec au conclave de 2005, celui-ci désigna son confrère jésuite Bergoglio comme candidat alternatif.

Une différence de principe dans la conception de l’Eglise séparait Danneels de Benoît XVI. De plus, l’archevêque de Malines-Bruxelles vécut comme un affront personnel impardon-nable la nomination, en 2010, de son successeur : Benoît XVI, en effet, ne désigna pas De Kesel, le candidat souhaité par Danneels.

Bien caractéristique aussi de rapports conflictuels au sein de l’Eglise fut la résolution – tout à fait ciblée – du parlement belge adressant un blâme public à Benoît XVI pour une déclaration, déformée par les médias, à propos des préservatifs. Du jamais vu dans l’histoire de ce pays, jadis catholique, et sans précédent dans l’histoire parlementaire tout court. Danneels, encore primat à l’époque, garda le silence. Le seul à défendre le pape fut celui qui était alors évêque de Namur, Mgr André Léonard, dont Benoît XVI fit ensuite le successeur de Danneels. La clique Danneels s’employa à contrecarrer et à isoler Mgr Léonard dès son entrée en charge. Avec l’élection du pape François, celui-ci se vit en plus privé du soutien de Rome. Le pape François lui refusa la dignité cardinalice qu’il accorda par contre au nonce de l’époque, un proche de Danneels. Ainsi était-il bien clair que Léonard était indésirable et seul contre tous.

Un fait précis permet de jeter un regard derrière les coulisses : durant les cinq courtes années de son mandat, Mgr Léonard fut plusieurs fois la cible d’attaques des brigades politiques des Femen. Ni son prédécesseur Danneels, ni son successeur De Kesel ne furent jamais inquiétés par les Femen [ni par d’autres adversaires de l’Église catholique, ndt].

Danneels faisait aussi partie du « Team Bergoglio », un « comité exécutif » à quatre têtes, issu du Cercle secret de Saint-Gall, qui devait préparer l’élection d’un successeur de Benoît XVI conforme au souhait de la « Mafia ». La « bande des quatre » (les cardinaux Kasper, Lehmann, Murphy O’Connor et Danneels), avec son candidat le cardinal Bergoglio, réussit en 2013 ce qui avait échoué en 2005.

Avec la mort de Danneels, il ne reste plus en vie qu’un seul des membres de la « bande des quatre », nom par lequel Austen Ivereigh, l’ancien porte-parole du cardinal Murphy O’ Connor désignait le « Team Bergoglio », par allusion aux auteurs de la révolution culturelle communiste dans la République Poulaire de Chine.

Le cardinal Cormac Murphy O’Connor, ancien archevêque de Westminster, est mort le 1er septembre 2017 ; le cardinal Lehmann, ancien évêque de Mayence, le 11 mars 2010 ; et maintenant, le cardinal Godfried Danneeels, le 14 mars 2019.

L’unique membre encore vivant du « Team Bergoglio » est le cardinal Walter Kasper, qui vient de fêter ses 86 ans. Au conclave de 2013, deux membres seulement du « Team Bergoglio » auraient dû, en raison de leur âge, avoir le droit de vote : les cardinaux Danneels et Lehmann. Murphy O’Connor, qui avait atteint les 80 ans le 1er septembre 2012, était exclu du collège électoral et le cardinal Kasper avait eu 80 ans, huit jours avant l’élection du pape François. Une exception, prévue par le règlement pour la période de vacance du siège pétrinien, lui permit tout de même de prendre part au vote. Ce fait mérite d’être mentionné parce que Kasper est devenu le théologien le plus influent du pontificat actuel. Une situation qui se prolonge, puisqu’il est le dernier survivant du groupe.

Il faut noter en plus la présence allemande majoritaire dans le Team avec les cardinaux Lehmann et Kasper. Et cela ne fait que se confirmer : c’est d’Allemagne que viennent les pressions les plus fortes et la plupart des revendications et propositions pour une transformation de l’Eglise dans un sens progressiste. C’est du monde germanophone que proviennent les fondements théoriques du changement de paradigme que le pape François impose à l’Eglise. Et c’est dans ce monde qu’il est accompli de la manière la plus radicale, voire même anticipé. La ville épiscopale suisse de Saint-Gall, lieu de rencontre de la « Mafia ecclésiastique » se trouve dans l’espace germanophone. C’est en Allemagne que fut envoyé le jésuite Bergoglio sous le prétexte d’y écrire une thèse qui ne vit jamais le jour. A la faculté jésuite de Francfort, aujourd’hui encore, de jeunes jésuites de tous pays viennent apprendre l’allemand pour faire leurs études de philosophie dans la langue des « penseurs ». Ce n’est pas sans raison que la rupture progressiste du Concile Vatican II a été résumée par le dicton : « Le Rhin se jette dans le Tibre ».

On ne compte plus les indices qui montrent que l’espace germanophone forme depuis les années 60 un puissant bélier dans l’Eglise universelle. Il y a 500 ans, partit de là le schisme provoqué par la soi-disant Réforme, qui coupa en deux l’espace germanophone, affaiblit jusqu’à la rendre insignifiante l’antique idée impériale et, en dernière instance, favorisa la diffusion de l’Aufklärung et des idéologies antichrétiennes. Tout aussi nombreuses sont les indications que le pontificat argentin est bel et bien « allemand » quant à son contenu.

Mais c’est aussi du monde germanique que sont issues les résistances les plus claires et les plus intellectuellement solides à la fronde progressiste, comme l’ont montré le pontificat de Benoît XVI et l’influence du cardinal Ratzinger sur le pontificat de Jean-Paul II, mais aussi la résistance de cardinaux comme Brandmüller, Meissner et Müller, en plus de l’évêque Athanasius Schneider. À ces noms s’ajoutent ceux de penseurs comme Robert Spaemann, décédé récemment, et Josef Seifert, qui dans une analyse perspicace a dénoncé le « Document pour la fraternité humaine » d’Abu Dhabi, signé par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar. Le philosophe Seifert a qualifié d’« hérésie des hérésies » le passage le plus controversé du texte, où il voit le relativisme poussé à l’extrême, dans la mesure où Dieu lui-même y est dégradé au rang de relativiste.

Le mandat de Danneels comme archevêque de Malines-Bruxelles fut assombri par des scandales d’abus sexuels. À Danneels lui-même, on a d’ailleurs attribué certaines tendances au sujet desquelles on ne veut (ou on n’ose plus) parler aujourd’hui dans l’Eglise, par crainte de déplaire à un lobby homosexuel influent et bien organisé.

Danneels avait protégé l’évêque de Bruges, un homme qui partageait ses idées et qui avait abusé sexuellement de son propre neveu. Jamais, ni pour cela ni pour d’autres complicités dans le scandale d’abus dans son propre archidiocèse, Danneels n’eut à rendre des comptes. Au cours des enquêtes, la police alla jusqu’à fracturer les tombes des archevêques dans la cathédrale métropolitaine. Une violation de sépulture sans exemple.

Malgré cela, en 2013, Danneels put exercer une influence déterminante sur le choix du nouveau pape et sur l’orientation de l’Eglise universelle. À la première occasion, le pape François envoya Mgr Léonard à la retraite ; il fit du favori de Danneels, Mgr De Kesel, le nouvel archevêque de Malines-Bruxelles et se hâta d’élever celui-ci au cardinalat. Une nouvelle humiliation pour Mgr Léonard. De fait, en octobre 2015, ce ne fut pas ce dernier, pourtant primat de Belgique, qui fut appelé à participer au synode sur la famille ; c’est Danneels dont le pape François fit son invité spécial au synode.

Le cardinal Godfried Danneels acquit à partir de ses 80 ans, alors qu’il était déjà émérite depuis trois ans, la plus grande influence qu’il ait eue dans sa vie. Le vent avait bel et bien tourné : cela se révéla déjà discrètement, le soir après le conclave, quand Danneels apparut à la loggia centrale de Saint-Pierre, où le pape François fraîchement élu se présentait à la foule. Depuis, le prélat flamand avait un accès direct à François au Vatican. On cherchera en vain du positif dans l’influence qu’il a exercée.

Requiescat in pace.

Le pape François ne montre pas de regret à propos d’une nomination choquante


Phil Lawler
15 mars 2019
www.catholicculture.org
Traduction d’Isabelle

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Le pape François aurait-il envoyé un message subtil à ses détracteurs cette semaine ? Ou suis-je devenu un peu paranoïaque quand il s’agit de déclarations pontificales ? À vous de décider.
Dans un message de condoléances après la mort du cardinal Godfried Danneels, le pape François a résumé la carrière ecclésiastique du prélat belge en deux phrases. Soyez particulièrement attentifs à la deuxième phrase:

Ce pasteur zélé a servi l'Église avec dévouement, non seulement dans son diocèse, mais aussi au niveau national en tant que président de la Conférence des évêques de Belgique, tout en étant membre de divers dicastères romains. Attentif aux défis de l’Église contemporaine, le cardinal Danneels a également joué un rôle actif dans plusieurs synodes des évêques, notamment ceux de 2014 et 2015 sur la famille.
Le cardinal Danneels a été archevêque de Malines-Bruxelles pendant plus de 30 ans.


Durant tout ce temps, n’a-t-il rien fait de plus mémorable que de présider la conférence des évêques de son pays et de participer à des synodes ? Et pourquoi le pape mentionne-t-il spécialement les synodes très controversés de 2014 et 2015 ? Si vraiment le cardinal Danneels a fait une déclaration notable au cours de ces sessions, cela a dû m’échapper.
Le service de presse « Vatican News », dans son compte rendu sur la mort du cardinal, a souligné sa participation aux synodes, en inventoriant méthodiquement les onze (!) assemblées synodales auxquelles il a assisté. Mais « Vatican News », lui aussi, a insisté particulièrement sur les deux synodes de 2014 et 2015 dédiés au thème de la famille, en leur consacrant un paragraphe séparé et en spécifiant que, dans ces deux derniers cas, il n’était pas là comme évêque délégué par ses confrères, mais en tant qu’« invité du pape François lui-même ».

Voilà qui est – ou devrait être – le point essentiel. Le pape a choisi le cardinal Danneels pour participer au synode sur la famille, alors qu’on savait par un enregistrement vocal [publié dans la presse, ndt] que le cardinal avait recommandé à une personne ayant été sexuellement abusée par un autre évêque [Mgr Vangheluwe, évêque de Bruges, ndt] de garder le silence sur le crime commis. Il était choquant (et il est toujours choquant aujourd’hui) que pour débattre des problèmes liés à la famille le pape ait sorti de sa retraite un prélat exposé au déshonneur public. Tout en exigeant haut et fort que les évêques soient tenus responsables de l’étouffement des affaires d’abus, le pape a tenu à honorer personnellement un cardinal reconnu par tous comme l’un de ses principaux partisans et membre de la « mafia de Saint-Gall » qui avait soutenu son élection.
Et aujourd’hui, à la mort du cardinal Danneels, le pape François a choisi d'attirer l’attention sur cette nomination choquante. Et « Vatican News », qui vraisemblablement cherche à rencontrer les souhaits du pape, a fait de même. Une fois de plus, notez que ni le message du pape, ni le texte de « Vatican News » n’indiquent que le cardinal Danneels ait apporté une contribution significative aux discussions des synodes ; ils ont seulement mentionné qu’il était là, à l’invitation du pape.

En lisant d’abord le message du pape, puis le texte du « Vatican News », j’ai eu l'impression qu’ils avaient été conçus comme un défi implicite aux détracteurs du pape, pour affirmer avec arrogance que le pape n’avait aucun regret, aucun scrupule à récompenser un vieil allié.
Peut-être que ce message a été envoyé sans arrière-pensée. Toutefois, même dans le cas d’une lecture plus innocente, les déclarations de Rome montrent que les cris de protestation qui se sont élevés contre la nomination de Danneels n’ont laissé aucune impression durable sur le pape et son équipe de relations publiques.
En d’autres termes, les messages de Rome pourraient être interprétés de l’une des deux manières suivantes:
« Nous savons que vous avez été scandalisés par la nomination et nous n’en avons rien à faire »
ou
« Vous avez été scandalisés et nous ne l’avons même pas remarqué ».
Je ne sais pas laquelle de ces interprétations est la pire.

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