Démission de Mgr Vigano

Auto-satisfecit tous azimuts, et surtout , aucune excuse adressée à la principale victime, Benoît XVI lui-même. Les analyses complémentaires de Ricardo Cascioli et d’Edward Pentin (22/3/2018)

>>> Le fusible

>>> Texte (en italien) de la lettre de Vigano et de la réponse du Pape: magister.blogautore.espresso.repubblica.it

Vigano, démission soft, le vrai objectif est Benoît XVI


Ricardo Cascioli
lanuovabq.it
22 mars 2018
Ma traduction

* * *

Vigano démissionne, mais aucune excuse à Benoît XVI
.

Après le scandale de la lettre manipulée de Benoît XVI, Mgr Dario Viganò a démissionné mais le Pape lui a demandé d'épauler le nouveau Préfet de la Communication. Et pendant ce temps, le cercle magique vient à la rescousse en tirant sur Papa Ratzinger.


Finalement, la lettre de démission de Mgr Dario Edoardo Viganò de sa fonction de Préfet du Secrétariat pour la Communication est arrivée ; mais après avoir convenu avec le Pape lui-même (comme on peut le voir dans la lettre de Viganò et dans la réponse de François) une exit strategy. Le Pape a en effet créé ad hoc pour Monseigneur Viganò le poste d'Assesseur pour le Dicastère de la Communication afin que l'ancien Préfet puisse «donner sa contribution humaine et professionnelle au nouveau Préfet», afin de compléter le projet de réforme de l'ensemble du système médiatique du Vatican qui, dit le Pape François, «a maintenant atteint sa dernière ligne droite».

Il faudra donc attendre la nomination du nouveau Préfet et ses premiers pas pour mieux comprendre s'il ne s'agit que d'une sortie «en douceur» ou d'un simple changement de poste pour calmer la polémique et remédier à une piètre figure planétaire mais en laissant Mgr Viganò diriger dans les coulisses. Pour l'instant, le ton des deux lettres nous fait pencher vers la deuxième hypothèse. Pour expliquer sa décision de «se tenir à l'écart», Viganò fait référence aux «nombreuses polémiques sur mon action», une synthèse décidément bienveillante et auto-absolutive.

En résumé, l'action en question inclut: tentative de machination contre le Pape émérite, tromperie de l'opinion publique, atteinte à la vie privée par la diffusion de lettre confidentielle, falsification de lettre et de photo, mensonges répétés. Face à tout cela, dire que le problème se réduit à des polémiques est pour le moins réducteur, d'autant plus que dans la lettre il n'y a aucune trace d'excuses: seulement un long éloge au Pape François et à son projet de réforme qui ne doit pas être arrêté par des contretemps de ce genre.

La réponse du Pape François est en parfaite harmonie et clarifie immédiatement qu'il a accepté sa démission «non sans difficulté», ce que l'on peut comprendre à partir des éloges intarissables qu'il a réservés à Monseigneur Viganò. D'où l'invitation à rester à la disposition du Dicastère de la communication dans le nouveau poste mentionné plus haut.
En somme, l'imbroglio créé avait causé des torts si graves pour l'image du Saint-Siège auprès du monde qu'il fallait faire quelque chose, mais de toute évidence, on a choisi le minimum. Du reste, rappelons que la lettre par laquelle Viganò avait demandé à Benoît XVI une contribution à la série "La Théologie de François" n'a jamais été rendue publique, chose qui ferait pourtant la pleine lumière sur la réponse du Pape émérite.

L'histoire personnelle de Mgr Viganò risque cependant de cacher la vraie question en jeu, que ce scandale a révélée avec clarté et qui concerne le Magistère de l'Église. Et surtout, elle a bien d'autres protagonistes en plus de Viganò.

Quelle est en effet la source de l'imbroglio? C'est la tentative d'affirmer une lecture théologique du pontificat de François en opposition ouverte au magistère de Benoît XVI et de Jean-Paul II en le faisant parrainer par le Pape Ratzinger lui-même, au nom d'une prétendue continuité. Un projet pervers, que le Pape émérite a immédiatement démasqué en refusant de se prêter à l'opération et en faisant clairement référence à l'un des protagonistes des «fascicules» incriminés, Peter Hünermann. Mais il n'est certainement pas le seul : il suffit de rappeler que parmi les auteurs appelés à célébrer le pontificat de François, il y a aussi l'Italien Aristide Fumagalli, connu pour ses positions pro-gender.

Tout avait donc été construit pour pouvoir annoncer au monde que Benoît n'était pas seulement le premier soutien du Pape François, mais qu'il en partageait les lignes théologiques selon l'interprétation donnée par les théologiens ayant contribué à la collection de 11 fascicules au centre de l'affaire.
Ç'aurait été le crime parfait: Benoît XVI qui soutient une vision de la morale et des sacrements en contradiction ouverte avec ce qu'il a soutenu pendant des décennies, d'abord comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et ensuite comme Pape. S'il avait signé un écrit selon les intentions de Viganò, Benoît XVI se serait discrédité tout seul.

C'était une véritable embuscade. Et en effet, dans la lettre de démission de Mgr Viganò, pas un mot d'excuses à l'adresse de Papa Ratzinger, qui a été honteusement entraîné contre sa volonté dans cette tempête médiatique. Au contraire, le «cercle magique» est immédiatement descendu dans l'arène pour soutenir Mgr Viganò et surtout l'opération qui vise à déformer la doctrine. D'Alberto Melloni à Andrea Grillo (grand admirateur de Hünermann), ce fut une vraie partie de tir sur Benoît XVI ; les notes précises du Pape émérite sur l'activité anti-magistère de Hünermann réduites à une diatribe théologique, les mensonges de Viganò promus en acte de charité envers Benoît XVI. Un mensonge après l'autre. Le problème va bien au-delà de Viganò.

Cinq grandes leçons à tirer de la démission de Mgr Viganò


Edward Pentin
www.ncregister.com
21 mars 208
ma traduction

* * *

Bien que la démission ait ses lacunes, les retombées du «Lettergate» ont finalement conduit à une certaine admission des méfaits du Vatican.


La nouvelle, aujourd'hui, de la démission de Mgr Dario Edoardo Viganò de son poste de préfet du Secrétariat de la Communication du Vatican est remarquable à plusieurs égards.

Tout d'abord, il est extrêmement rare qu'un haut fonctionnaire du Vatican, à l'époque moderne, et surtout pendant ce pontificat, remette sa démission ou se tienne responsable d'un scandale public ou d'une polémique dont il est accusé.

Il suffit de penser à quelques exemples récents où cela ne s'est pas produit: les responsables de la nomination d'universitaires pro-avortement ou pro-contraception à l'Académie pontificale pour la vie, le fonctionnaire responsable du protocole qui a donné un titre de chevalier pontifical à une politicienne néerlandaise militante pro-avortement; ou le prêtre du Vatican surpris en train d'organiser des fêtes homosexuelles avec consommation de drogues au Saint-Office (certains pourraient bien sûr soutenir qu'il s'agit d'infractions moins graves, d'autres pourraient dire qu'elles sont aussi déplorables, voire pires).

Mgr Viganò sera donc félicité pour avoir fait la chose honorable après le fiasco du "Lettergate", et le Saint-Père aussi, pour avoir accepté sa démission.

Mais malgré la gravité de l'infraction - falsifier des photographies et changer le sens d'une lettre confidentielle de Benoît XVI en la publiant sélectivement - ce cas est extraordinaire pour une deuxième raison: l'absence presque totale d'aveu de culpabilité ou de remords. Mgr Viganò met plutôt le blâme sur les "controverses" qui, dit-il, déstabilisent et pourraient potentiellement bloquer les réformes des communications qu'il menait, et nuire à ses collaborateurs.

Un troisième point d'intérêt est que le Saint-Père n'a ostensiblement sanctionné Mgr Vigano qu'en acceptant sa démission. En réalité, il lui a demandé de rester en tant qu'assesseur (consultant) du dicastère afin de contribuer à apporter une «contribution humaine et professionnelle» au nouveau préfet et à la réforme des médias. Certains y voient donc davantage une «rétrogradation» qu'une démission, et une sanction inadéquate et inadaptée, tandis que d'autres peuvent la considérer comme raisonnable et appropriée étant donné que les réformes sont maintenant dans leur phase finale.

Quatrièmement, la démission souligne ce que beaucoup considèrent aujourd'hui comme une administration arbitraire de la justice au Saint-Siège. L'un des premiers actes du pape François a été de faire de la fuite de documents confidentiels à la presse un délit punissable (ce dont a témoigné ultérieurement le procès Vatileaks II en 2016), et pourtant l'utilisation abusive de la lettre confidentielle du pape émérite aboutit à ce que Mgr Vigano a qualifié aujourd'hui de "recul" par rapport au précédent rôle de direction.

De la même manière,au Vatican, les responsables de crimes financiers ou de conduite scandaleuse sont censés faire face à des sanctions plus sévères après les réformes récentes, mais personne n'a encore été jugé pour blanchiment d'argent, malgré de nombreux cas révélés, tandis que ceux qui poussent à la réforme financière sont contrecarrés. De même, les fonctionnaires du Vatican qui ont un passé douteux sont souvent promus, tandis que ceux qui s'accrochent à l'enseignement de l'Église sont ostracisés ou renvoyés.

Mais enfin, la très exceptionnelle démission d'aujourd'hui, bien qu'imparfaite et une tragédie (????) pour Mgr Vigano, pourrait encore être un signe d'espoir : que les lueurs d'un authentique sens de la responsabilité et de la justice puissent enfin se manifester, éclipsant la mentalité de courtisan au Vatican qui existe depuis si longtemps.

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.