"Eglise où vas-tu?"

Marcello Pera, proche de Benoît XVI et l'un des participants au congrès organisé aujourd'hui à Rome à la mémoire du cardinal Caffara: "'don' Francesco construit des murs". Article de Marco Tosatti (7/4/2018, mise à jour le 8/4)

RVC, dont Marco Tosatti cite ici une lettre à lui adressée, est l'un de ses intervenants récurrents - sous pseudo, mais bien réel, cela ne fait aucun doute.
Marcello Pera a accordé une interview au journal La Verità, que je n'ai malheureusement pas touvé en ligne pour le moment.

>>> Où va l'Eglise

 

Lisez l'interview de Pera pour comprendre l'Eglise


Marco Tosatti
Stilum Curiae
7 avril 2018
Ma traduction

* * *

Romana Vulneratus Curia (RVC pour les amis, les ennemis et les habituels trolls qui infestent Stilum Curiae et qui sont désormais légion) nous a adressé un bref commentaire de la belle interview de Marcello Pera à la veille de la Conférence «Église catholique, où vas-tu?» qui a lieu cet après-midi à Rome.
RVC nous a envoyé l'interview au format PDF; nous en publions des extraits particulièrement significatifs, après le préambule de notre RVC.


Cher Tosatti, je joins l'interview de Marcello Pera (par Lorenzo Bertocchi, qui collabore aussi à La Bussola) publiée dans La Verità. Il y a deux soupçons qui émergent entre les lignes, en plus du déséquilibre d'ensemble évident. Don Francesco «divise», il n'unit pas, le monde catholique. Don Francesco construit des murs, tandis qu'il déclare vouloir construire des ponts. Serait-il maçon?

- Président, le sous-titre de la conférence du samedi à laquelle vous participerez est une phrase du regretté cardinal Carlo Caffarra: «Seul un aveugle peut nier qu'il y a une grande confusion dans l'Église». Certains pourraient dire que ce sont là des phrases d'un prophète de malheur.

- Non, c'est la phrase de quelqu'un qui regarde. Le Cardinal Caffarra savait bien qu'on ne fait pas de prophétie au sujet de l'Église du Christ, parce que la prophétie, c'est le Christ lui-même et que la foi dans le Christ réalise la prophétie. Avec ces mots, Caffarra voulait dire qu'aujourd'hui la foi vacille, soumise comme elle l'est à des interprétations qui lui semblaient contraires au dépôt de la foi de la tradition. En d'autres termes: Caffarra s'inquiétait que le message chrétien fût interprété non pas dans le sens eschatologique du salut, mais dans le sens politique de la libération. A mon avis, il avait raison: c'est précisément ce que fait le Pape François, en le masquant sous une lutte contre la curie.

- Et pourtant, le pape François a été élu pour mener à bien une réforme de la curie , mais elle avance difficilement.

- Pour moi, c'est le dicton "curia nunquam reformanda" [la Curie ne sera jamais réformée] qui s'applique. Le pouvoir est toujours le pouvoir, et une réforme n'est qu'une redistribution et un transfert de pouvoir d'un côté à l'autre. Pour quoi d'autre inventerait-on des Offices, fusionnerait-on des fonctions, certaines renforcées, d'autres éliminées? Pour quoi d'autre ferait-on des nominations? Seulement pour le pouvoir. La réforme de la curie est une fausse cible, elle sert à rendre indolore la réforme de la doctrine. Les péchés, dans la curie, existent, et ils font scandale, mais disparaîtraient-ils si une réforme administrative est faite? Si vous mettez X à la place de Y? Non, X à la place de Y signifie cette interprétation de la doctrine à la place de cette autre.

- Politiquement, il semble que l'Église navigue à vue, surtout après la victoire de Donald Trump. Que pensez-vous de ceux qui disent que l'Église penche trop à "gauche" ?

- Je pense que l'église de François n'est pas déséquilibrée à droite ou à gauche, elle est déséquilibrée, c'est tout. Elle est déséquilibrée en faveur du sécularisme, de la justice sociale, des droits de l'homme, des pauvres, des immigrants et de l'égalité économique. L'Église de François a chargé le siècle sur ses épaules et pense qu'en le portant avec elle, en se l'appropriant, elle réalisera le royaume du Christ sur terre. C'est là, à mon avis, la principale rupture avec la doctrine et la tradition. Je n'ai pas de compétences techniques et je ne m'exprime pas de façon formelle, mais je pense qu'il s'agit d'une hérésie pélagienne: le siècle non pas comme chute et condamnation, mais comme élévation et opportunité. Le pape François n'est pas le seul à le penser. En plus des jésuites sud-américains, des théologiens de la libération et de l'émancipation sociale, des évêques et des prêtres "de rue", Jean XXIII le pensait également dans son encyclique Pacem in Terris, et aussi, en grande partie, le Concile Vatican II, avec Gaudium et Spes.

Mise à jour


Je lis parmi des commentaires de lecteurs du blog <Chiesa e post-concilio>:

STILUM CURIAE n'a rapporté que la première partie de l'excellente interview réalisée par Bertocchi et publiée en entier dans La Verità du 5/4/2018. Il manque trois questions/réponses, voici la plus courte:

- Quatre cardinaux, dont Caffarra, ont présenté au Pape les fameux Dubia au sujet d'Amoris Laetita. Ils ont demandé à François si, dans la morale catholique, les actes intrinsèquement mauvais existent toujours, ou si tout doit être pondéré par les circonstances. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi le Pape n'a pas répondu et ne leur a pas accordé d'audience ?

- D'un point de vue strictement personnel, je crains malheureusement que le Pape n'ait pas répondu par arrogance et manque de miséricorde. D'un point de vue doctrinal, il n'a pas répondu par manque de bonnes raisons. Il voulait émettre un diktat, pas discuter, ce pour quoi il n'était peut-être même pas équipé, malgré onze fascicules théologiques en sa faveur.

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