Le Pape au Chili

Les raisons d'un fiasco, vues par un journaliste argentin (24/1/2018)

Rencontre avec les jeunes, le 17 janvier, au sanctuaire de Maipu (Chili): une foule très, très claisemée... Et pas à cause des propos sur la pédophilie

Sur sa page Facebook, Antonio Socci renvoie au dernier article de Sandro Magister, évoquant le flop de la conférence de presse en avion, point d'orgue d'un voyage qui de l'avis presque unanime (voir ICI ce qu'écrit Jean-Marie Guénois, du Figaro) s'est signalé par la désertion des foules et les contradictions du Pape. Un Pape sommé de s'expliquer, notamment sur les affaires de pédophilie (alors que rien ne devrait l'y obliger, mais c'est lui-même qui a choisi de se soumettre à ce rituel, que d'ordinaire il maîtrise - grâce surtout à la complaisance de l'auditoire -, et qui pour la première fois s'est retourné contre lui) et incapable de le faire sans tomber dans d'insolubles contradictions.

Bergoglio en énorme difficulté dans l'avion s'empêtre dans de spectaculaires contradictions

Voici sur la Bussola l'analyse de Josè Arturo Quarracino (ici sa page Facebook) -un journaliste originaire de Buenos Aires, qui connaît donc mieux que les européens la situation en Amérique latine, et plus spécialement dans le pays natal du Pape.
Il souligne en particulier l'attitude des journalistes "sympathisants", qui tout en reconnaissant le fiasco papal au Chili, lui trouvent toutes sortes d'excuse où bien entendu il n'est pas impliqué, mettant en cause, comme d'habitude, et selon les procédés classique de la théorie du complot, des "salles vaticanes secrètes" qui oeuvrent en coulisse pour "paralyser les vents réformistes ayant porté Bergoglio au Vatican"... Mais bien sûr! Du temps de Benoît XVI, les excuses n'avaient pas cours, ou se transformaient purement et simplement en autant d'actes d'accusation.

Notons en passant que la relation plus que cordiale du Pape avec Michelle Bachelet, et le refus «de recevoir le nouveau président chilien Sebastian Piñera, catholique et pro-vie» sont une confirmation éclatante du billet que j'ai traduit ce matin (Le retard de 200 ans).

Le Pape et le Chili. Les raisons d'un rapport difficile


Josè Arturo Quarracino
24 janvier 2018
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

Il y a un accord unanime parmi les journalistes "sympathisants" de François à propos de sa récente visite en République du Chili, qui s'est déroulée du 15 au 18 janvier. Pour tous, le résultat du voyage apostolique de ces jours a été concrètement un échec par rapport aux attentes.

Comme par exemple, le 21 janvier, le correspondant à Rome du journal argentin Clarin, Julio Algañaraz, pour qui le voyage de François au Chili «a été le pire voyage en cinq ans de pontificat», compromis en grande partie par le scandale de la pédophilie autour du cas de l'évêque chilien Juan Barros, qui, selon son interprétation, a été mis en branle par les salles secrètes du Vatican poussées par des groupes qui «veulent paralyser les vents réformistes» ayant probablement porté Bergoglio au Vatican.

L'opération a consisté à rendre publique la lettre que François a envoyée à l'épiscopat chilien en 2015, justifiant la nomination de Barros comme évêque d'Osorno, une fuite qui selon le journaliste est le fait des mêmes salles vaticanes avec l'intention d'«accroître la vague grandissante du scandale et de mettre le pape argentin en difficulté», un objectif qui a été atteint en forçant Bergoglio à défendre publiquement l'évêque Barros disant que les accusations contre lui étaient toutes des calomnies

Cette lettre a été publiée le 16 janvier dans le blog <Settimo Cielo> du vaticaniste Sandro Magister. Selon Algañaraz, l'objectif ultime de l'opération était «de gâcher au Pape un voyage destiné à rétablir la confiance entre l'Église et la multitude des catholiques désabusés par l'Église»; objectif qui a été atteint.

Mais d'autres, bien que d'accord dans leurs évaluations finales - c'est-à-dire l'échec du voyage -, attribuent les causes du désastre à d'autres raisons. Selon la reconstruction du journaliste chilien Juan Paulo Iglesia dans le quotidien La Tercera, «les vaticanistes s'étonnent du manque d'enthousiasme deurant la visite du Pape». C'est le cas d'Andrea Tornielli, de Vatican Insider, qui formule l'hypothèse que le peu d'enthousiasme suscité par la présence de François est due au fait que «les gens n'ont pas une opinion très haute de l'Église», «loin de celle qu'ils avaient à l'époque de la dictature de Pinochet, quand il y avait de grands évêques».

Pour Elisabetta Piquè, correspondante en Italie du journal argentin La Nación, ce qui a compromis le parcours papal, c'est «la blessure des fidèles» dont souffre depuis quelque temps l'Église chilienne, «élitiste et cléricale» cohabitant avec «des scandales d'abus sexuels».

Pourtant, s'il était vrai que l'Église chilienne avait de grands évêques et n'en a plus aujourd'hui, et qu'en plus c'est une Église "élitiste et cléricale", qui serait responsable de ce qui lui est arrivé? Plusieurs journalistes pro-François semblent ignorer le fait qu'une grande partie de l'Eglise chilienne a résisté jusqu'au bout et avaec beaucoup de fermeté et de conviction à l'assaut et à l'avancée de l'anticulture de mort, dont les initiatives en faveur de la décriminalisation de l'avortement ont reçu une impulsion législative et l'approbation présidentielle de la présidente sortante Michelle Bachelet.

Ces journalistes, donc, rejoints par l'envoyé argentin Sergio Rubin, biographe de Bergoglio et correspondant de Clarin pour ce voyage, affirment que, malgré tout, la présence de François a servi à donner un élan au renouveau dont, selon eux, l'Église chilienne a besoin, et à mettre en évidence la forte condamnation qui a été faite des cas d'abus sexuels et de pédophilie.

Mais ce que les partisans de François ignorent (ou cachent?), c'est que c'est François lui-même qui a commencé à être un problème pour l'Église à cause de ses gestes contradictoires et de son double langage. On sait qu'il a commencé sa visite au Chili en condamnant les abus sexuels commis par des prêtres, mais il a terminé sa visite en défendant l'évêque Juan Barros et en disqualifiant les victimes (chose par ailleurs également confirmée, malgré les apparences, lors de la conférence de presse sur le vol de retour en Italie). Il a condamné "officiellement" l'avortement comme un crime, mais il a traité la Présidente Bachelet et la Ministre néerlandaise Lilianne Ploumen, fervente partisane de l'avortement, avec beaucoup de cordialité, de déférence et de gratitude, alors qu'il refusait de recevoir le nouveau président chilien Sebastian Piñera, catholique et pro-vie, mais avec des idées libérales en économie, ce qui explique pourquoi il est aux antipodes de François.

Il ne faudrait pas que «dans le peuple des fidèles de Dieu» - comme aime à le dire François - ces attitudes accommodantes, presque conformes aux définitions contraires au dogme et à la foi chrétienne, soient mal perçues et rejetées. Ceci à cause du "sensus fidelium" que le peuple de Dieu garde inné dans sa conscience et son âme, quelque chose que François connaît très bien, mais qu'il semble oublier dans des moments comme celui-ci, pour mener des jeux politiques qui n'ont jamais réussi: de son travail comme provincial de la Compagnie de Jésus jusqu'à aujourd'hui, sous le signe de la division de l'Église.

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