Les protecteurs de Cesare Battisti

Ce "fil rouge" qui, passant par l'Abbé Pierre, figure trouble mais intouchable icône du catholicisme de gauche à la française, jusqu'à un "mauvais prêtre" italien, et au président actuel de la CEI, court du terroriste d'extrême-gauche au pape. Article de Roberto de Mattei (9/4/2019)

Certains diront sans doute que le "fil rouge" est un peu tiré par les cheveux. Mais à y regarder de près, les soutiens de Battisti et ceux de François se recoupent trop largement pour que ce soit un simple hasard.

>>> Voir aussi sur ce site:
¤ beatriceweb.eu (sur la mort de l'Abbé Pierre)
¤ benoit-et-moi.fr/2014-I (le pape baise la main du "mauvais prêtre" don De Paolis)

 

Le terroriste rouge Cesare Battisti et ses protecteurs

Roberto de Mattei
www.corrispondenzaromana.it
27 mars 2019
Ma traduction

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Interrogé à la prison d'Oristano par le parquet de Milan, le terroriste rouge Cesare Battisti, a «admis toutes les charges, autrement dit les quatre meurtres [dans lesquels sa responsabilité est impliquée]...». C'est ce qu'a dit le procureur de Milan Francesco Greco lors d'une conférence de presse.

Quatre de ces délits ont été commis matériellement par Battisti: celui du maréchal de la police pénitentiaire Antonio Santoro, tué à Udine le 6 juin 1978 pour «persécution de prisonniers politiques»; celui du bijoutier Pierluigi Torregiani et du commerçant Lino Sabbadin, qui militaient au sein du Mouvement social italien, tous deux tués le 16 février 1979, le premier à Milan et le second à Mestre, «car eux, ils étaient armés contre les bandits, donc des miliciens du côté de l'État, et devraient être punis»

Enfin, celle de l'agent de la DIGOS (Divisione Investigazioni Generali e Operazioni Speciali), Andrea Campagna, sur lequel Battisti a tiré à Milan le 19 avril 1978.
Le représentant des Prolétaires armés pour le communisme (PAC) a également admis trois blessures. Giorgio Rossanigo, médecin à la prison de Novara qui était «trop sévère à l'égard des prisonniers politiques», Diego Fava, médecin d'Alfa Romeo qui «délivrait avec parcimonie des certificats aux travailleurs politisés», et Antonio Nigro, gardien à la prison de Verona, sont aujourd'hui infirmes.

Au Parquet, qui lui demande qui l'a aidé à fuire, Battisti répond qu'à l'étranger, c'étaient «des partis, des intellectuels et le monde de l'édition» qui lui ont donné «un soutien idéologique et logistique. Ils l'ont fait pour des raisons idéologiques et de solidarité. Je ne sais pas si ces gens se sont jamais demandés si j'étais responsable de ce pour quoi j'étais condamné». «Pour beaucoup, le problème ne se posait pas», mais «j'ai aussi été soutenu parce que je me déclarais innocent, parce que dans beaucoup de pays une sentence par contumace n'est pas concevable et parce que je donnais l'idée d'un combattant de la liberté».

Quand le Ministère Public lui demande s'il a autre chose à dire, Bapttisti répond: «Je m'excuse [!!] auprès des familles des gens que j'ai tués ou blessés. La lutte armée a été désastreuse et a détruit la révolution sociale et culturelle positive commencée en 1968. Pour moi et pour les autres c'était une guerre juste, aujourd'hui je me sens mal à l'aise quand je reconstruis des moments qui ne peuvent que provoquer ma propre révision. Parler aujourd'hui de lutte armée est pour moi quelque chose qui n'a pas de sens» (Corriere della Sera, 25 mars 2019).

Cette "auto-absolution" n'a rien à voir avec le repentir. Celui-ci présuppose en effet un jugement sur ses propres actes à la lumière du bien et du mal, et le sentiment de douleur et de contrition qui s'ensuit, tandis que le critère de jugement de Battisti reste le critère gramscien de la philosophie de la praxis: ses actes sont mauvais, parce que la lutte armée a été incapable de réaliser la révolution communiste en Italie.
Mais le plus grave qui ressort de l'entretien, c'est l'admission de l'existence d'un réseau de couverture idéologique, composé d'hommes qui occupent encore aujourd'hui des postes clés et qui ne seront jamais condamnés publiquement.

Parmi les personnages qui ont affirmé l'innocence de Cesare Battisti figurent Gabriel Garcia Marquez et Bernard Henry Levy et de nombreux intellectuels de différents pays, qui excluaient a priori que Battisti puisse être un meurtrier et accusaient l'État italien de violence et de répression. Leurs opinions étaient diffusées par les médias qui, contraints d'admettre les preuves, ont cependant évité de mettre en accusation les 1500 signataires de la demande de libération de Battisti, après son arrestation en France en 2004.

La plupart des terroristes, condamnés ou faisant l'objet d'une enquête par la justice italienne au cours des "années de plomb", ont trouvé un accueil de l'autre côté des Alpes, grâce à la "doctrine Mitterand" (1982), par laquelle le président français d'alors leur accordait le statut de réfugié politique. Cette reconnaissance les soustrayait aux enquêtes et bloquaient toute demande d'extradition.

La seule condition était que les gens concernés ne soient pas recherchés pour des actes dirigés contre l'État français et qu'ils aient renoncé (du moins en paroles) à toute forme de violence politique. L'inspirateur de la "doctrine Mitterrand" est un célèbre prêtre français, Henri Antoine Grouès, dit l'Abbé Pierre (1912-2007), militant politique proche de l'extrême-gauche, fondateur en 1949 des Compagnons d'Emmaüs, organisation fondée sur le mythe de l'accueil des exclus. Parmi eux se trouvaient les terroristes rouges, dont l'abbé Pierre était le protecteur (cf. Silvano De Prospo et Rosario Priore, Chi manovrava le Brigate Rosse).

L'Abbé Pierre a souvent critiqué Jean Paul II et Benoît XVI, s'exprimant en faveur de la possibilité d'ordonner prêtres des femmes et des hommes mariés et soutenant le droit des homosexuels à avoir des relations stables et à élever des enfants. Avant de mourir, il a avoué avoir eu des relations sexuelles avec des femmes, même si elles n'étaient pas stables.

Dans le livre autobiographique, Mon Dieu... pourquoi?, parlant de la force du désir", il affirme : «Il m'est arrivé d'y céder d'une manière passagère. Mais je n'ai jamais eu de liaison régulière, parce que je n'ai pas laissé le désir sexuel prendre racine» (La Repubblica, 27 octobre 2005).

En Italie, l'abbé Pierre s'est arrêté plusieurs fois dans la province d'Arezzo, où prospéraient quatre communautés d'Emmaüs, et il rencontrait souvent les évêques du diocèse, qui le protégeaient, parmi lesquels le cardinal Gualtiero Bassetti, évêque d'Arezzo de 1998 à 2009 et actuellement président de la Conférence épiscopale italienne.

Dans un récent entretien, le Cardinal Bassetti a pris ses distances du Congrès de Vérone sur la famille, affirmant que l'unique famille humaine est celle composée des migrants qui «sont les derniers, les petits et les pauvres de ce monde et comme Paul VI le disait, les pauvres appartiennent à l'Église par "droit évangélique". Avec la même fermeté, je voudrais réitérer un concept qui dérange peut-être les bien-pensants: pour un catholique, il est absolument immoral de voir dans le migrant un ennemi à combattre ou à haïr».

L'abbé Pierre mourut le 22 janvier 2007, à l'âge de 93 ans. «Merci l'abbé Pierre de nous avoir donné un tel exemple», a déclaré dans son homélie funèbre à Notre-Dame le Cardinal Philippe Barbarin, condamné le 19 février 2019, au premier degré, à six mois de prison avec sursis pour avoir couvert l'agression sexuelle d'un prêtre français. «Vous disparaissez - dit-il alors - et nous, comme les compagnons d'Emmaüs, nous repartons d'un bon pas, aujourd'hui, pour témoigner de cet amour et servir les autres, jusqu'à notre dernier souffle».

«Merci à l'abbé Pierre de nous avoir donné un tel exemple», commente le journal des évêques italiens, annonçant le «départ» de l'abbé Pierre «pour les Grandes Vacances», ainsi qu'il nommait la mort (Avvenire, 21 janvier 2017).

En Italie, le message de l'abbé Pierre a été recueilli par don Michele De Paolis, prêtre salésien qui, parmi ses nombreuses déclarations, a également déclaré: «Aujourd'hui, l'attitude de l'Église envers les homosexuels est sévère, inhumaine et crée beaucoup de souffrance, en affirmant que l'homosexualité est un péché. (...) Certains ecclésiastiques disent : "C'est bien d'être homosexuel, mais ils ne doivent pas avoir de relations, ils ne peuvent pas s'aimer! C'est la plus grande hypocrisie". C'est comme dire à une plante qui pousse: "Tu ne dois pas fleurir, tu ne dois pas porter de fruit!". C'est cela qui est contre nature!».

Le 6 mai 2014, don Michele De Paolis a concélébré la messe avec le Pape François à Sainte Marthe, émerveillé par la réaction du Saint-Père qui, après un bref dialogue, s'est incliné et lui a baisé la main. Le Pape avait promis une audience au groupe d'Emmaüs, mais don Michele est parti pour les "Grandes Vacances" le 30 octobre 2014.

Dans son testament, il demande à être incinéré et ses cendres, comme il le souhaite, sont conservées dans une urne dans la chapelle de la Communauté d'Emmaüs.

Le Pape François ignore naturellement le fil rouge qui, à travers Don De Paolis et l'abbé Pierre, le relie à Cesare Battisti

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