L'un des rares à bien s'en sortir...

après le rapport Vigano, c'est Benoît XVI! C'est le "Corriere", le temple du politiquement correct à l'italienne, qui l'admet enfin. Mieux vaut tard que jamais... (27/8/2018)

Benoît XVI recevant une victime américaine lors de son voyage aux-Etats-Unis en 2008

Pour voler au secours du pape, les habituels pompiers tentent de discréditer Mgr Vigano. Manoeuvre classique: la théorie du complot fonctionne à plein régime, sur les réseaux sociaux et dans la presse "alignée", mais cette fois du "bon" côté! C'est un peu court, comme défense, comme l'est la réponse du pape au journaliste qui l'interrogeait dans l'avion de retour vers Rome: «Jugez par vous-même». Et de toute façon, le problème n'est pas là: «Viganò était considéré comme l'un des porte-parole du front conservateur, hostile à François. Mais le tableau, s'il était confirmé, serait quand même dévastateur. Le pontife argentin a essayé d'endiguer, en Irlande, la colère contre l'Église pour des cas de pédophilie. Le "Rapport Viganò" vise à saper sa crédibilité» écrit l'éditorialiste du grand quotidien turinois.
Je pense pas qu'il "vise à". Mais c'est l'effet qu'il aura indubitablement.

L'autre point à souligner, c'est que les médias qui jusqu'à présent soutenaient le pape et essayaient encore récemment de l'épargner sont peut-être en train de le lâcher. La sortie de François, toujours dans l'avion de retour de Dublin, disant que l'homosexualité, lorsqu'elle se déclarait dans l'enfance, relevait de la psychiatrie , ne risque certes pas d'inverser cette tendance.

Mgr Vigano et le rapport qui accuse le Pape: «Il a couvert les abus, à présent, qu'il démissionne». La réponse: «Jugez vous-mêmes»


Massimo Franco
www.corriere.it
27 août 2018
Ma traduction

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Demander la démission de François pour avoir couvert des cas de pédophilie est plus qu'une attaque: cela sent la provocation s'inscrivant dans le conflit violent qui se déroule au sein de l'Église catholique. Mais on ne peut ignorer la nouveauté: c'est maintenant le Pape lui-même qui est accusé. Un rapport de l'ancien nonce apostolique à Washington, Carlo Maria Viganò, soutient que Jorge Mario Bergoglio aurait ignoré les abus sexuels du cardinal américain Theodore McCarrick, depuis au moins juin 2013. A cette occasion, c'est Viganò qui l'aurait informé que l'ancien archevêque de Washington avait commis ces crimes pendant des décennies. Selon le nonce, François n'a pas écouté les accusations parce que McCarrick avait favorisé, de l'extérieur, son élection au Conclave. Même si, en juillet, le cardinalat lui a été retiré: une décision sans précédent.

L'attaque, publiée par le quotidien La Verità, jette une lumière inquiétante sur la nomenklatura du Vatican. Et il ne sert à rien de se demander dans quelle mesure les motifs en sont nobles ou mesquins. Viganò était considéré comme l'un des porte-parole du front conservateur, hostile à François. Mais le tableau, s'il était confirmé, serait quand même dévastateur. Le pontife argentin a essayé d'endiguer, en Irlande, la colère contre l'Église pour des cas de pédophilie. Le "Rapport Viganò" vise à saper sa crédibilité.

Ce qui le rend insidieux, ce n'est pas tant l'auteur, personnage controversé (?), mais profond connaisseur du Saint-Siège. Le problème est que s'insinue l'image d'un Pape au courant des abus; et enclin à les sous-évaluer pour des raisons de realpolitik. Ce qui s'est passé ces derniers mois au Chili en a amplifié l'écho. Bergoglio a défendu les évêques coupables d'abus sexuels, liquidant les accusations comme "calomnie". Puis, face à la réaction de l'archevêque de Boston, Patrick O'Malley, il a admis qu'il avait été mal informé et a ouvert une enquête. Et l'épiscopat chilien a démissionné en masse.

Toutefois, pendant trois ans, il y a eu des fuites, disant que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dirigée jusqu'en 2017 par le Cardinal Gerhard Muller, avait signalé dans certains rapports écrits la situation au Chili ; et que Bergoglio les aurait sous-estimés, se fiant aux assurances de certains cardinaux chiliens. Mais du rapport Viganò, un peu tout le monde sort délégitimé. Angelo Sodano et Tarcisio Bertone, secrétaires d'État avec Jean Paul II et Benoît XVI, sont les premiers à être montrés du doigts.

Et des dizaines de prélats hauts apparaissent en cascade : confirmation d'une épreuve de force qui s'aggrave. Au-delà de l'éventuel désir de vengeance d'un nonce mis à la retraite par François [c'est du moins ce que tentent d'insinuer entre autres amabilité les "pompiers", ndt], le problème de la sélection des ecclésiastiques, qu'ils soient accusés ou accusateurs, se pose à nouveau. Peu d'entre eux se sortent bien de ce rapport: parmi eux le Pape Benoît XVI, qui a tenté d'isoler McCarrick, sans pouvoir imposer sa volonté au Vatican et aux évêques américains.
Mais cela nous incite peut-être à nous demander à nouveau quelles étaient les véritables raisons du renoncement de Joseph Ratzinger en 2013.

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