Peine de mort: changement du catéchisme

Deux réactions intéressantes: Aldo Maria Valli, par principe opposé à la peine de mort pense que le Pape a péché par imprudence et ouvert la boîte de Pandore. Blondet, qui la défend, pense que plus personne ne prend pas François au sérieux et que le changement aura un impact limité (6/8/2018)


Nouvelle rédaction du n.2267 du CEC sur la peine de mort (press.vatican.va)

Ce n'est pas un hasard si la communauté dite LGBT s'est déjà déclarée satisfaite de la décision du Pape. Si, en effet, les présupposés du changement de doctrine deviennent «la conscience toujours plus vive» d'un phénomène ou d'une condition déterminés et «la nouvelle compréhension» enregistrée dans le monde concernant ce phénomène ou cette condition, il est évident que l'appareil doctrinal tout entier de l'Église peut être facilement changé et éventuellement démonté.
(AM Valli)

L' autorité pontificale, que François a traînée et piétinée sous ses pieds, est désormais nulle et non avenue. Il n'en reste plus rien, au point de rendre insignifiante même cette dernière intervention.
Y a-t-il quelqu'un qui comprenne qu'il est obligé de faire quoi que ce soit, venant d'un Pape qui a remis en question tant de points fixes?
(M Blondet)

Le Catéchisme changé et le manque de prudence


Aldo Matria Valli
4 août 2018
Ma traduction

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Comme il était facile de le prévoir, après que François ait changé le texte du Catéchisme sur la peine de mort, un large débat a été entamé. Qui présente au moins deux fronts: d'une part, la question de la peine de mort elle-même; de l'autre, la question concernant la doctrine de l'Église catholique et ses possibles modifications face aux changements qui se produisent dans le monde.

En ce qui concerne le premier front, puisque je n'aime pas me cacher, j'ai déjà déclaré mon opposition à la peine de mort. Une opposition basée sur le cinquième commandement, «tu tueras point». Il est vrai que, comme le souligne le Catéchisme (n. 2261) l'Écriture introduit une importante précision lorsqu'elle rappelle que le sens de l'interdiction est celui de «ne pas faire mourir l'innocent et le juste» (Exode 23,7), et il est également vrai que deux mille ans de pensée et de doctrine chrétienne (il suffit de rappeler saint Augustin et saint Thomas) ont soutenu la légitimité de la peine de mort dans certaines circonstances comme extrema ratio (dernier recours) face à l'agresseur injuste qui ne peut être neutralisé d'aucune autre manière (et c'est essentiellement la raison pour laquelle le Magistère catholique n'a jusqu'à présent jamais appelé à l'abolition inconditionnelle de la peine de mort). Cependant, je considère que la peine de mort est, comme l'avortement et l'euthanasie, une violation du droit à la vie qui s'exerce par l'oppression intolérable du fort sur le faible. Dieu nous dit que la vie humaine, toute vie, est toujours sacrée et inviolable. La vie est un don divin dont l'homme ne peut disposer. Seul Dieu peut en disposer. En outre, puisqu'aucune justice humaine ne peut être considérée comme parfaite et exempte d'erreurs d'appréciation, il y a toujours le risque que la peine de mort soit infligée à une personne innocente ou, en tout cas, à quelqu'un qui ne la mérite pas. Et comme il n'y a pas de retour de la mort à la vie, le risque est vraiment trop grand pour qu'il soit permis de le courir.

Toutefois, il y a aussi l'autre question, celle de la motivation utilisée par François pour exprimer l'inadmissibilité de la peine de mort. En effet, pour justifier sa décision, le pape ne s'est pas inspiré du patrimoine de foi et de doctrine conservé et transmis par l'Église, mais il a considéré ce qui se passait dans le monde. Il a écrit qu'il y a trois conditions préalables au changement: la «conscience toujours plus vive» de la dignité de la personne, la «nouvelle compréhension de la signification des sanctions pénales par l'État« et, enfin, les nouveaux «systèmes de détention plus efficaces». Comme on le voit, rien qui concerne l'Écriture, l'enseignement de l'Église et le Magistère.


Lettre d'accompagnement, de la CDF (press.vatican.va)


Et là s'ouvre un énorme problème car, de ce pas, n'importe quel point de la doctrine peut être changé en s'inspirant des nouvelles sensibilités qui se répandent dans le monde et des nouvelles techniques que le monde lui-même, sous différentes formes, est capable de promouvoir et d'appliquer
. Ce n'est pas un hasard si la communauté dite LGBT s'est déjà déclarée satisfaite de la décision du Pape. Si, en effet, les présupposés du changement de doctrine deviennent «la conscience toujours plus vive» d'un phénomène ou d'une condition déterminés et «la nouvelle compréhension» enregistrée dans le monde concernant ce phénomène ou cette condition, il est évident que l'appareil doctrinal tout entier de l'Église peut être facilement changé et éventuellement démonté.
L'outil (j'étais sur le point d'écrire le pied de biche) qui semble le plus disponible pour cette opération de forçage doctrinal est le concept de dignité. Au nom d'une «dignité» non spécifiée davantage, tout peut être permis. Et il est significatif que c'est précisément à la dignité que le Pape fait appel pour le changement introduit dans le Catéchisme. Il en aurait été autrement s'il avait fait appel à l'inviolabilité de la vie humaine. La dignité, en revanche, est un terme plus indéterminé, qui se prête à ouvrir d'autres perspectives («initier des processus», comme aime à le dire le Pape) et surtout à bloquer dans l'oeuf toute tentative de jugement moral.
C'est pourquoi je maintiens que le Pape, en motivant ainsi le changement de doctrine sur le n. 2267 du Catéchisme de l'Église catholique, n'a pas fait usage de la première des vertus cardinales, qui est la prudence, appelée auriga virtutum, le cocher de toutes les autres vertus. Et ne pas utiliser la prudence est très grave, parce que c'est la vertu de l'âme rationnelle, qui sait reconnaître en toute circonstance le vrai bien et guide l'utilisation des principes moraux dans différentes situations.
Certains commentateurs soutiennent que ce n'est qu'un début et qu'à l'avenir, il y aura d'autres changements dans la doctrine catholique, motivés génériquement par les nouvelles sensibilités répandues dans le monde entier. Je n'ai pas de dons prophétiques et donc je me limite à dire: à Dieu ne plaise (Dieu nous en garde).

Y a-t-il quelqu'un qui croit encore qu'il reste une once d'autorité à "cette" (nouvelle) Église!?


Maurizio Blondet
4 août 2018
Ma traduction (partielle)

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«Mais regardez, y a-t-il quelqu'un qui croit encore qu'il reste une once d'autorité à "cette" (nouvelle) Église!»
C'est ce que je me suis dit en recevant des lettres irritées et peinées, et quand des amis m'ont envoyé vers des articles critiques sur la dernière de Bergoglio: la correction du Catéchisme sur la peine de mort. Pendant deux mille ans, l'Église, ses saints et ses docteurs ont justifié la peine de mort: Jésus, qui l'a acceptée pour lui-même. "François" change la tradition et dit que la peine de mort est illicite, et même que c'est un péché, étant donné la nouvelle sensibilité du peuple chrétien, et blablabla.

Je renvoie à des confutations et critiques intéressantes, authentiques et intelligentes [que j'ai pu lire] (ICI et ICI ...).
Mais quel gaspillage d'intelligence, oserais-je dire; El Papa n'en mérite pas tant. Il suffit d'observer que son autorité pontificale, qu'il a traînée et piétinée sous ses pieds, est désormais nulle et non avenue. Il n'en reste plus rien, au point de rendre insignifiante même cette dernière intervention.

L'ÉGLISE N'A PLUS UNE ONCE D'AUTORITÉ.
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Il suffit de voir cela: la modification du Catéchisme «oblige» tout chrétien à l'accepter. Y a-t-il quelqu'un qui comprenne qu'il est obligé de faire quoi que ce soit, venant d'un Pape qui a remis en question tant de points fixes? De la communion aux divorcés adultères, à la condamnation de Luther qu'il proclame "une grâce pour l'Église"; qui à Scalfari a confié que les âmes des méchants seront simplement annihilées et donc qu'il n'y a pas d'Enfer; qui montre de la sympathie pour la «nouvelle sensibilité» envers le "mariage gay" et les prêtres qui peuvent vivre avec leur amant et continuer à célébrer l'Eucharistie dans leur paroisse? (...)

Il a lui-même détruit son autorité, en détruisant l'autorité bimillénaire de l'Église. Même Il Foglio, l'organe des néoconservateurs israéliens, l'a noté avec inquiétude il y a quelques jours:


Il y a un problème avec le Pape François.
«Selon Bergoglio, les jeunes chômeurs n'ont que trois options : le suicide, la cocaïne ou l'enrôlement avec le calife. Pourquoi le pape banalisateur est un problème. Qu'il soit pris au sérieux, ou, surtout qu'il nne soit plus pris au sérieux lorsqu'il parle».


Le fait est là: El Papa n'est plus pris au sérieux, et le néoconservateur s'inquiète: il ne sert plus le grand projet d'établir la religion générale et générique de l'Humanité, sans autres dogmes que l'humanitarisme, et sans autres rituels que les apparitions à l'ONU sur le réchauffement climatique.

Aujourd'hui, le Pape décrète que la peine de mort est illégitime, que c'est un péché de la soutenir et de l'appliquer. Pensez-vous qu'un chef d'Etat, un gouvernement, une nation chrétienne, se sente obligé? Ait répondu par oui ou non ? Personne n'a tiqué, et déjà le simple vocable de «nation chrétienne» fait rire.... Ceux qui pratiquent la peine de mort continueront, et ceux qui l'ont abolie ne se réjouiront pas d'être en harmonie avec "François". Fin. Insignifiant, comme une couverture de Famiglia Cristiana ou un titre d'Avvenire contre Salvini. Un sujet de polémique qui sera oublié demain [cf. Vade retro Salvini].
(...)

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