Questions autour d'une rencontre

Après que des éveques américains aient été reçus par le pape, le commentaire réservé d'AM Valli à l'annonce de la convocation de tous les présidents des conférences épiscopales au Vatican en février 2019 (16/9/2018)

Le temps des mots et le temps des faits


Aldo Maria Valli
www.aldomariavalli.it
14 septembre 2018
Ma traduction

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«Longue, fructueuse et bonne» C'est en ces termes que les responsables de la Conférence épiscopale des Etats-Unis ont défini la rencontre qu'ils ont eue au Vatican avec François sur la crise des abus. Ils ne sont pas entrés dans les détails, ils ont simplement parlé d'«échange» avec le pape et l'ont remercié de les avoir reçus.

Présents à la rencontre, le cardinal Daniel DiNardo, président de la Conférence épiscopale des États-Unis, et le cardinal Sean O'Malley de Boston, également président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs.

«Nous avons hâte de poursuivre activement notre discernement ensemble, identifiant les prochaines étapes les plus efficaces», lit-on dans la déclaration; mais il n'est pas fait mention de la demande de visite apostolique avancée il y a quelques jours par les évêques américains.

Le climat a dû être très cordial, du moins à en juger par la photo publiée par le Vatican, dans laquelle tous les présents semblent souriantes et ont l'air de bien s'amuser (peut-être aurait-il été préférable de choisir une autre photo, vu le caractère dramatique du thème au centre de la réunion).

Le Pape a convoqué tous les présidents des Conférences épiscopales du monde, plus de cent prélats, pour un sommet qui se tiendra au Vatican du 21 au 24 février 2019. La mesure est d'une portée exceptionnelle, tout comme la crise actuelle est d'une gravité exceptionnelle.

Par sa décision, François entend éviter de répéter les erreurs commises dans le cas du Chili, où l'affaire des abus a longtemps été confiée à la gestion, qui s'est avérée catastrophique, de l'Église locale, intervenant ensuite en personne, mais avec retard et non sans contradictions.

Le tournant que François veut imprimer est clair: passer d'une situation où le pape semble faire partie du problème à une situation où son leadership est fort et autoritaire.

Bergoglio joue gros: son charisme et sa crédibilité sont en jeu. Cependant, il n'est pas certain que la formule de la rencontre avec les responsables des Conférences épiscopales puisse garantir les résultats souhaités. Le risque est qu'on finisse par produire plus ou moins le document habituel, mais les mots ne suffisent plus. En outre, février semble un peu loin. Certes, les chefs des épiscopats de toutes les parties du monde ne peuvent pas être convoqués à Rome du jour au lendemain, mais une date plus proche aurait peut-être donné un signal plus efficace.

Et d'ici à février? Tout va-t-il rester comme avant? Aucune réponse sur l'affaire McCarrick? Aucune réponse aux évêques qui, après le rapport du grand Jury de Pennsylvanie, ont dit que le temps des mots est révolu et qu'il faut des interventions concrètes, qui mettent en lumière toute la pourriture et révélent toutes les couvertures et les connexions?

Le choix de février peut être dû aussi à la nécessité de donner du temps aux Conférences épiscopales pour se doter de politiques adéquates, mais alors les cinq mois qui nous séparent du sommet semblent peu.

Quant à la durée de la rncontre, que dire? Est-il vraiment pensable qu'en trois jours, plus de cent prélats provenant de situations aussi différentes puissent se confronter sérieusement et conclure quelque chose qui ne soit pas le document plein de bonne intentions habituel?

Après le mémorandum de Viganò, plus rien ne peut être comme avant. Il y a là des accusations auxquelles il faut donner des réponses. La manœuvre initiale, centrée sur la tentative de discréditer l'ex-nonce, ne semble pas avoir donné les résultats escomptés. Quand l'évêque de Grand Rapids, David Walkowiak, dit que le témoignage de l'archevêque Carlo Maria Viganò doit faire l'objet d'une enquête approfondie et attend des réponses, il ne fait qu'exprimer une idée répandue parmi de nombreux pasteurs.

Dans ce contexte complexe, la pièce représentée par le cas du cardinal Donald Wuerl de Washington soulève d'autres interrogations. De plusieurs côtés, sa démission a été demandée et une école catholique américaine a même retiré son nom de celui de l'institut. Wuerl a annoncé qu'il se rendrait bientôt à Rome pour demander au pape François d'accepter sa démission en raison de son âge. Le fait est qu'il a eu 75 ans il y a trois ans et que sa demande de démission, envoyée au Vatican comme d'habitude, n'a pas été acceptée. Pourquoi?

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