Rapport Vigano: Tosatti mis en cause

Marco Tosatti

Mais il sait comment se défendre, et fait une mise au point (29/8/2018)

 

Nicole Winfield, correspondante à Rome d'Associated Press, a interrogé Marco Tosatti sur la genèse du document-témoignage de Mgr Vigano, et en a tiré un article (www.apnews.com) relativement équilibré (bien que le parti-pris de la dame - on se doute de quel côté elle penche! - ne fasse aucun doute), forcément très lu étant donné l'influence énorme du média pour lequel elle travaille. Et qui dit "très lu" dit aussi "très copié", avec les interprétations et inévitables distorsions inhérentes à la copie.
Voici ma traduction de son article, dont j'ai laissé tomber la partie concernant le contenu du rapport proprement dit, qui n'apporte rien de nouveau.

Rome (AP)
Un journaliste italien qui dit avoir aidé un ancien diplomate du Vatican à écrire son accusation explosive contre le pape François pour avoir couvert des abus sexuels, affirme qu'il a persuadé [!!!] l'archevêque de s'exprimer publiquement après le bouleversement de l'église américaine provoqué par les révélations du rapport du grand jury de Pennsylvanie.
Marco Tosatti explique qu'il a aidé l'archevêque Carlo Maria Vigano à écrire, réécrire et éditer son témoignage de 11 pages, expliquant que tous deux se sont assis côte à côte pendant trois heures le 22 août à une table en bois dans le salon de Tosatti. Tosatti, un critique italien majeur de François, a déclaré à Associated Press que Vigano l'avait appelé à l'improviste il y a quelques semaines pour lui demander de le rencontrer, et qu'il lui a ensuite communiqué les informations qui sont devenues la base du témoignage.
Le document de Vigano affirme que François connaissait l'inconduite sexuelle de l'ex-Cardinal Theodore McCarrick depuis 2013, mais qu'il l'a réhabilité des sanctions imposées par le Pape Benoît XVI. Des affirmations qui ont ébranlé les cinq ans de pontificat de François.(...)

Vigano est resté en grande partie silencieux depuis le témoignage explosif de dimanche, et on ne sait pas où il se trouve. La reconstruction de Tosatti fournit donc le seul aperçu de la genèse du document.
Tosatti, correspondant de longue date du quotidien italien La Stampa, mais qui écrit désormais essentiellement pour des blogs et des journaux plus conservateurs, a déclaré qu'après leur première rencontre il y a quelques semaines, Vigano n'était pas prêt à s'exposer publiquement. Ils étaient des connaissances, pas des amis, et Vigano a expliqué qu'il avait besoin de régler certaines questions personnelles avant de se décider.
Mais Tosatti affirme qu'il l'a appelé après la publication du rapport du grand jury de Pennsylvanie, le 15 août, et qu'il lui a dit: "Je pense que si vous voulez dire quelque chose, c'est le moment, parce que tout est sens dessus dessous aux États-Unis". Vigano a répondu "OK." Ils se sont ensuite rencontrés à l'appartement de Tosatti à Rome. Au début, Tosatti pensait que Vigano lui accorderait une interview, mais Vigano a décidé de mettre ses pensées sur papier.
"Il avait préparé une sorte d'ébauche d'un document et il s'est assis ici à mes côtés", déclare Tosatti à AP, assis derrière son bureau, montrant du doigt la chaise en bois à sa droite. "Je lui ai dit que nous devions travailler dessus parce que ce n'était pas écrit dans un style journalistique."
Tosatti affirme qu'il a persuadé Vigano de couper les allégations qui ne pouvaient pas être justifiées ou documentées "parce qu'elles devaient être absolument inattaquables". Il dit aussi que Vigano était "mortellement sérieux" tout le temps, et que tous deux deux ont émergé physiquement et émotionnellement épuisés.
Tosatti ajoute que Vigano était bien conscient des implications du document, et de ce qu'il fallait pour qu'un diplomate du Saint-Siège révèle des secrets qu'il avait gardés pendant des années. "Ils sont élevés pour mourir en silence", explique-t-il à propos des diplomates du Saint-Siège. "Alors ce qu'il faisait, ce qu'il allait faire, était absolument contre sa nature."
Mais il affirme que Vigano se sentait obligé de publier le document par sens du devoir envers l'Église catholique et pour avoir une conscience pure. "Il jouit d'une bonne santé, mais 77 ans, c'est l'âge où l'on commence à se préparer... il n'aurait pas la conscience tranquille s'il ne parlait pas", explique le journaliste.
Document en main, Tosatti s'est alors mis à la recherche de publications prêtes à publier le document dans son intégralité: le petit quotidien italien La Verita, le National Catholic Register et LifeSiteNews pour l'anglais, et le site en ligne espagnol InfoVaticana. Tous sont des médias conservateurs ou ultraconservateurs [!!!] qui ont été très critiques à l'égard de la miséricorde du pontificat de François sur les questions morales.
Les publications anglaises et espagnole ont traduit le document italien et tous se sont mis d'accord pour un embargo jusqu'au dimanche matin, coïncidant avec le deuxième et dernier jour du voyage de François en Irlande, dominé par les abus sexuels de l'église catholique et le scandale du camouflage.

Selon Tosatti, Vigano ne lui a pas dit où il allait après la publication de l'article, sachant que les médias du monde entier le réclameraient à grands cris pour lui parler.
Alors qu'il accompagnait Vigano à sa porte, il s'est penché pour baiser la bague de Vigano - un signe de respect pour les évêques catholiques. "Il a essayé de dire 'non'. Je lui ai dit: 'Ce n'est pas pour vous, c'est pour le rôle que vous (jouez) que je le fais". Il [Vigano] n'a rien dit. Il est parti, mais il pleurait."

Cet article a bien ententendu été récupéré par la garde rapprochée de François, et certains sites, en Italie et ailleurs (en particulier un blog francophone auquel je ne souhaite pas faire de pub) ont insinué que le rapport Vigano avait en réalité été suscité, voire écrit, par le journaliste lui-même, présenté comme "ultra-conservateur" (lire: un réac de la pire espèce), grand spécialiste du "François bashing", et qu'il aurait réussi à "convaincre" l'ex-nonce d'y mettre sa signature. De là à imaginer un complot de l'"ultra-droite"...
Marco Tosatti, sur son blog (www.marcotosatti.com), a tenu à mettre les choses au point, d'autant plus qu'une "collègue" du Corriere della Sera a vraiment écrit n'importe quoi en brodant autour de l'article de Nicole Winfield. Je lui laisse la parole (j'ai laissé tomber la partie qui évoque l'article du Corriere, qui ne nous concerne pas directement):


Je n'ai convaincu personne de faire quoi que ce soit. Mgr Viganò m'a contacté parce qu'il voulait faire connaître les choses au public, et il voulait le faire - dans un premier temps - avec une interview. Après le premier contact, je me suis limité à lui faire remarquer que la publication du rapport du Grand Jury de Pennsylvanie allait aborder les questions dont il voulait parler, et que c'était peut-être le bon moment pour son initiative.
Je ne l'ai pas non plus persuadé de rendre le document public. Et ma contribution a été celle d'une révision professionnelle, c'est-à-dire que nous avons travaillé sur le projet, dont le matériel était intégralement du Nonce, pour vérifier qu'il était fluide et utilisable sur le plan journalistique.

Je crains de devoir démentir que ma participation ait quelque chose de sensationnel. Il est probable que si nous avions décidé de faire une interview, ma contribution aurait été encore plus grande, parce que j'aurais posé des questions, ce qui ne pouvait évidemment pas se produire dans un document-témoignage.

Le choix de l'heure de diffusion a été influencé par le fait que Mgr Viganò voulait que le document soit publié non seulement en italien, mais aussi en espagnol et en anglais. Cela a nécessité quelques jours d'attente pour les traductions; et depuis mercredi - date à laquelle le texte italien de base a été terminé - jusqu'au dimanche matin, seuls trois jours se sont écoulés.

Il est extraordinaire que cette circonstance - le fait que la personne qui devait faire l'interview ait contribué à l'édition du témoignage - soit instrumentalisée par certains pour tenter de discréditer cette opération de clarté et de courage menée par Mgr Viganò. Je dirais que cela peut être interprété comme un signe de désespoir de la part de ceux qui essaient de détourner l'attention d'un silence et d'un refus de donner des réponses, qui deviennent très lourds pour beaucoup de catholiques.

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