Un 'timing' parfait

Concomitamment avec sa préface à l'ouvrage collectif pour fêter les 70 ans du cardinal Müller, deux signataires de la correctio s'attaquent frontalement à Benoît XVI, l'accusant d'hérésie!! (3/1/2018)

>>> L'introduction au christianisme (1968) a fait l'objet d'une réédition en français, sous le titre " La foi chrétienne hier et aujourd'hui"

 

Juste au moment où était publiée la lettre de Benoît XVI au cardinal Müller, en un timing aussi étrange que providentiel, on annonçait la parution (qui logiquement aurait dû rester confidentielle) d'un ouvrage écrit par un théologien italien, E.M Radaelli, et préfacé par Mgr Livi (tous deux signataires de la Correctio au Pape François) dénonçant vigoureusement les prétendues hérésies du théologien Ratzinger (remontant à 1968, et même avant!), allant jusqu'à exiger de lui une rétractation de propos tenus par lui il y a un demi-siècle. On trouvera des détails chez Sandro Magister (dont on ne perçoit pas bien la position dans cette affaire: quelle mouche l'a piqué?).
L'ouvrage, de par son sujet, était voué à avoir un écho infime dans un microcosme de spécialistes, mais certaines personnes ont tout de suite vu le parti qu'elles pouvaient en tirer. En somme, la divine surprise, permettant de rassembler dans le même opprobre les "ennemis de Bergoglio" et les "adversaires de Ratzinger" idenfiés comme les habituels "conservateurs" (alors que ce vocable recouvre des réalités très diverses, et que, sous le Pontificat de Benoît, les plus irréductibles et les plus acharnés de ses adversaires ne se recrutaient pas dans leurs rangs, c'est le moins que l'on puisse dire), et donc de confirmer la filiation entre les deux papes.
Andrea Tornielli a été le premier à saisir la perche, écrivant dès le 2 janvier:

DES ACCUSATIONS CONTRE FRANÇOIS À CELLES CONTRE RATZINGER
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Un livre de E. M.. Radaelli, avec la préface du théologien Livi, critique l'"Introduction au christianisme" du futur Benoît XVI et confirme que beaucoup des "corrections" à Bergoglio concernent aussi ses prédécesseurs et ont comme véritable cible Vatican II.
Le philosophe Rocco Buttiglione l'avait dit, après avoir commenté la "correctio filialis" qui accusait le pape François de propager des enseignements hérétiques: à l'origine de nombreuses critiques doctrinales contre le Souverain Pontife actuel, il y a aussi l'opposition à ses prédécesseurs et finalement au Concile. Et maintenant cette observation trouve une confirmation supplémentaire dans un livre signé par Enrico Maria Radaelli qui critique la pensée théologique de Joseph Ratzinger et son ouvrage fondamental "Introduction au christianisme" avec l'approbation du théologien Antonio Livi, ex-professeur à l'Université du Latran et signataire de la "correctio".
(...)
Le livre de Radaelli rassemble en un seul fil rouge Joseph Ratzinger, le Cardinal Carlo Maria Martini et le Pape François.


Je connais mes limites, et mes connaissances théologiques rendraient ridicule toute prétention de ma part d'argumenter contre deux théologiens aussi éminents (qui confirment à leur insu ce qu'écrivait Benoît XVI au cardinal Müller: "Le sentiment que l'Eglise nous charge d'un fardeau de choses incompréhensibles, qui finalement ne peuvent intéresser que les spécialistes, est le principal obstacle à la proclamation du 'oui' au Dieu qui nous parle en Jésus-Christ").

Que Joseph Ratzinger ait été un théologien "progressiste" à une certaine époque de son long chemin, c'est bien possible (certains diront même que c'est une évidence), et franchement, peu me chaut. Cela ne m'intéresse pas. Ce n'est pas le théologien que j'aime et que j'admire, mais d'abord l'homme, le penseur génial, ensuite le pasteur délicat et ferme qu'il a su être une fois pape, et enfin l'ermite en prières de Mater Ecclesiae.
Je me range donc sans hésitation à l'avis de ce lecteur du site Chiesa e post Concilio, qui écrit:

Le risque pour un simple fidèle comme moi, qui lit ces choses, apparaît comme celui de sombrer dans le découragement et de perdre tout espoir et tout point de référence. En outre, pour la plupart des gens, ce sont des discussions théologiques et dogmatiques incompréhensibles, même avec toute la bonne volonté et l'engagement possibles, car elles supposent une connaissance des catégories logiques et philosophiques non négligeableses. Ce qu'un simple croyant perçoit, cependant, c'est une attaque directe contre Ratzinger. Etrangement, le 2 Janvier 2018, le Turiferario Maximo [l'auteur du commentaire confond ici, semble-t-il, Sandro Magister et Andrea Tornielli, ndt], nous informe de la façon dont les hérésiologues d'aujourd'hui ont commencé l'attaque sur Ratzinger, en partant de la célèbre Introduction au christianisme. En plus de l'acuité de l'analyse, il faut admirer la rapidité de l'intervention, qui nous parvient seulement 50 ans après la publication de ce livre! Bigre.....
Il convient également de noter qu'il existe une authentique demande de rétractation dans la présentation du livre. Je dirais qu'il faut du courage pour l'adresser maintenant à un homme qui n'est probablement plus en mesure de la lire......
Enfin, je voudrais rappeler à tout le monde que Sa Sainteté BXVI dès qu'il a été élu pape, a ordonné que tous les livres écrits avant son élection au trône papal, restent sous la signature de Ratzinger, justement pour souligner la différence avec l'enseignement pétrinien.


A quoi j'ajoute le sobre commentaire teinté d'humour de Denis Crouan, sur son site Pro Liturgia:

Dans [sa préface d']un livre, Mgr Livi, doyen de la Faculté de théologie du Latran, soutient que Joseph Ratzinger et sa théologie ont contribué de façon notable à la montée en puissance de ce qu’il appelle « la théologie moderniste et sa dérive hérétique évidente » qui, depuis Vatican II, a pris de plus en plus de place dans les séminaires...
Il semblerait que Mgr Livi ne soit pas vraiment au courant de ce qui s’est passé dans les séminaires. On ne voit pas, en effet, comment Ratzinger aurait pu influencer une “théologie moderniste” dans les séminaires puisqu’il était - au moins en France - fortement déconseillé de lire ses ouvrages, l’auteur étant considéré comme un dangereux crypto-traditionaliste fermé aux évolutions de l’Eglise post-conciliaire...

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