Récit de l'Angelus

D I M A N C H E   2 2   J U I L L E T ,   D É B U T   D ' U N   J O U R   D E   F Ê T E 

Il y aura 6000 personnes pour assister à l'Angelus, ce qui est considérable, dans un aussi petit village!
Le ciel est d'un bleu limpide.
Prévoyants, nous sommes sur place à 7h30. La rue principale du village est déjà noire de monde.
Dès 8 heures, les routes d'accès sont barrées - par des services de sécurité "bon-enfant", malgé ce qui a pu être dit ici ou là - et une foule de pélerins courageux attend déjà de prendre sa place (debout...) dans les secteur réservés.
Avant de pénétrer sur la place, on doit se soumettre au détecteur de métaux portatif (comme celui qui est utilisé dans les aéroports, mais pas en France!), et je dois dire que le contrôle est assez évasif. Le détecteur sonne en frôlant mon sac (sans doute à cause de mes clés), mais le carabiniere préposé à la "fouille" ne me demande même pas de l'ouvrir, malgré mon empressement.


A T T E N T E 

Derrière le podium, dressé sur la Place Calvi, devant l'Eglise, les façades à l'architecture cadorine typique sont pavoisées aux couleurs du Vatican et de la Bavière, et arborent les armoiries du Saint-Père. Des grandes banderoles proclament: "Comme un écho, tes prières résonneront parmi nos monts"...
Les cloches sonnent à la volée (j'aime l'expression italienne: le campane suonanno a festa), actionnées manuellement avec une joyeuse ardeur, au milieu d'un brouhaha sympathique. Le spectacle de la foule qui s'installe, la reconnaissance des langues et surtout des différents dialectes italiens, meublent la longue attente. S'y ajoute l'appréhension de voir s'installer dans le secteur situé entre nous et le podium un mur compact de géants!
Ce qui n'empêche pas la station verticale prolongée de devenir pénible. Impossible d'étirer les muscles des jambes, il n'y a pas de place, on frôle l'engourdissement, ou la crampe.


U N   V É L O   À   Q U A T R E   R O U E S ! 

Moment d'hilarité: nos craintes se confirment, un "gros bonhomme" (pardon si ce n'est pas gentil), dont le gabarit doit avoisiner les 120 kg pour 1m85, s'installe juste devant nous, et nous masque évidemment la vue au moins dans deux dimensions. Il a à peu près la silhouette de Depardieu, quand celui-ci n'est pas en période de régime! Il est boudiné dans une combinaison de cycliste en lycra fluorescent qui lui va comme un tutu à un sumo, effet comique garanti!! Michelle manque de peu de me faire étouffer peu charitablement de rire en insinuant que son vélo a probablement quatre roues! Je ris d'ailleurs encore en écrivant ces mots... Heureusement, il ne doit pas comprendre le français, mais il s'éloigne, libérant un peu notre champs de vision.


L A   M E S S E 

La messe commence vers 10h. Elle est célébrée par Mgr Andrich, évêque de Belluno, le diocèse hôte du Pape.
L'ambiance est très recueillie. Les gens suivent la liturgie, et récitent les prières en italien. A côté de moi, un couple fait les 'répons' avec zèle, la jeune femme en costume folklorique, et leur petit garçon de 5 ou 6 ans, installé à mes pieds, sur une boîte de chaussures transformée en petit banc. A ma grande surprise, il restera très tranquille pendant près de 4 heures, et, au moment où l'on échange le geste de paix, il se tournera vers moi, pour me dire très gentiment "La pace", ce qui m'a beaucoup touchée...


L A   B I E N V E N U E   D E S   P R É L A T S 

Mgr Bagnasco, archevêque de Gênes, président de la Conférence Episcopale Italienne, et deux cardinaux, le patriarche de Venise, Mgr Angelo Scola, et l'archevêque de Hong-Kong, Mgr Zen sont venus spécialement pour assister à l'Angelus. Au moment des salutations, Mgr Bagnasco s'agenouillera profondément pour baiser l'anneau papal. Et plus tard, Mgr Zen viendra spontanémént lui embrasser les mains. A ce geste, on mesure sa gratitude envers l'auteur de la "lettre à l'Eglise qui est en Chine".


A   V O S   P I E D S ,   " C O M M E   M A R I E ,   L A   S O E U R   D E   M A R T H E " 

Le sympathique évêque de Belluno, Mgr Andrich adressera au Saint-Père des mots de bienvenue venus vraiment du coeur (ce sont les propres mots du Pape):
J'ai beaucoup aimé en particulier la référence à l'Evangile de ce dimanche:
"Au cours de ce séjour parmi nous, vous avez pu voir la roche des Dolomites, si cristalline, avec ses coraux de couleur changeante, surtout le soir, quand elle prend des teintes délicates. Nous la regarderons, je la regarderai, en pensant au roc de Pierre, en pensant à votre simplicité et à votre douceur que nous avons senties en ces jours. A présent, nous allons faire comme Marie, la soeur de Marthe. A vos pieds, pour vous écouter."


L E   S A I N T - P È R E   A R R I V E 

Il est presque midi... Sur le podium, les prélats se lèvent. Le Saint-Père arrive enfin; après un bain de foule, il paraît qu'il s'est arrêté pour prier à l'église toute proche, mais, là où nous nous tenons, nous n'en sommes avertis que par une sorte de grondement d'allégresse. Des pancartes et des banderoles sont agitées devant nous, et des "giù la bandiera" agacés... mais savoureux, résonnent à plusieurs reprises.
Il met un certain temps à saluer les personnes en fauteuil roulant, placées juste devant nous, et nous apercevons par moments la calotte blanche, émergeant d'une forêt de têtes. Difficile de prendre des photos.
Il monte enfin sur le podium, souriant, les bras grands ouverts en un geste désormais familier, fragile silhouette immaculée, vraiment "un homme de cristal", comme je l'ai déjà lu. Et donne une accolade chaleureuse à ceux qu'il nomme ses "confrères dans l'épiscopat".


D I S C O U R S   E T   I M P R O V I S A T I O N S 

Accueilli par des cris de joie, il répond à l'enthousiasme populaire par un discours d'Angelus fort, dont une partie a été prononcé 'a braccio', comme on dit ici, c'est-à-dire improvisé, ce qui le rendait intensément personnel. Je n'ai jamais aussi bien compris l'expression italienne! Car le Pape allemand sait aussi parfaitement s'exprimer avec les mains -et les bras!!
La relative exiguïté de la place, et la proximité du podium, me permettent de suivre avec attention son discours, parfaitement articulé, et d'en comprendre chaque mot! Je dois souligner que c'est beaucoup plus difficile Place Saint-Pierre, en dépit des haut-parleurs et des écrans géants, parce que l'attention y est captée --malgré soi-- par la rumeur ambiente, et le spectacle de la foule. Ici, il y a aussi la foule, mais avec un caractère de proximité et d'intimité quasi familiale.


C E   B E A U   J A R D I N   D E   D I E U 

Il a renouvelé cet appel pressant "Jamais plus la guerre", faisant référence à la "Note aux puissances belligérantes" écrite par le Pape Benoît XV en août 1917, qu'il a qualifiée de courageuse, et "prophétique".
Il a su toucher le coeur des habitants du Cadore, très fiers, à juste titre, de la beauté de leurs montagnes: "La beauté de la nature nous rappelle que nous avons été placés par Dieu pour cultiver et garder ce jardin qui est la terre; et je vois comment vous cultivez et gardez ce beau jardin de Dieu, un vrai paradis..."


L ' H O S P I T A L I T É   B É N É D I C T I N E 

Lors du "post-Angelus", après avoir renouvelé ses remerciements "aux habitants de ce beau pays, qui m'ont accueilli avec tant d'affection... au maire (Mario Tremonti, ndr) et l'administration communale pour leur hospitalité" il ajoute non sans malice: "aujourd'hui, la première lecture, et l'évangile (il d'agit du récit sur "Marthe et Marie", ndr) parlent de l'hospitalité, et les paroles de Saint-Benoît me sont revenues en mémoire: "Acceptez l'hospitalité comme le Christ". Il me semble que vous êtes tous des bénédictins, car vous m'avez accepté ainsi!"
L'allusion à l'hospitalité bénédictine a été perçue comme un trait d'humour, et particulièrement acclamée par l'assistance.


L A   F Ê T E   S ' A C H È V E 

Après avoir longuement salué les nombreux groupes présents, le Saint-Père descend du podium vers 12h40, et échappe à notre vue. La fête s'achève dans une cohue joyeuse, une ambiance de kermesse, parmi les groupes folklorique, en costume traditionnel, et les fanfares. La foule s'écoule dans le calme, et nous rejoignons l'entrée de la place juste à temps pour voir le cortège pontifical s'éloigner lentement sous les applaudissements, escorté par les motards et la garde à cheval.


Les photos de cette page sont de Stefano Spaziani, à l'exception de la photo du sonneur de cloches, capturée sur la video publieé par la ville de Lorenzago pour relater l'arrivée du Saint-Père.