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A un mois du voyage de Benoît XVI aux Etats-Unis, John Allen dresse un état des lieux du catholicisme américain.
Il semble que la Catholic League ait vu juste... (Couverture médiatique du voyage aux Etats-Unis )
Article original en anglais sur le site de NCR:
Eight questions American Catholics are asking

Ma traduction (voir aussi: 8 questions de catholiques américains )

John Allen raconte qu'il rentre d'une tournée de conférences à travers les Etats-Unis: le thème général en était ce qu'il nomme "Mega-trends in catholicism", autrement dit les grandes tendances du catholicisme pour tenter d'identifier les principales forces qui façonnent l'avenir catholique, et / ou la visite imminente du pape Benoît XVI, du 15 au 20 Avril aux États-Unis".

Il présente dans son billet hebdomadaire "huit questions qui ont surgi à maintes reprises au cours de différentes sessions de questions/réponses", et qui, selon lui, "offrent une idée de ce que pensent au moins certains catholiques américains à un mois de la visite du pape.."
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1. Relations avec les musulmans

- La montée du fondamentalisme musulman fanatique, n'est-elle pas la force la plus dangereuse à laquelle l'église doit faire face?
- Bien sûr, c'est un réel danger, et un de ceux qui attirent manifestement l'attention de Benoît XVI.
En un mot, la montée du fondamentalisme islamique fut le sujet de la désormais célèbre conférence de Benoît à l'université de Ratisbonne le 12 septembre 2006, avec son avertissement que la foi sans la raison devient l'intolérance, le fanatisme et la violence.
D'autre part, l'intolérance n'est pas le seule aspect du monde islamique. Il y a quelques 56 pays à majorité musulmane, et dans beaucoup d'entre eux, les chrétiens et les musulmans vivent cheek-by-jowl (ensemble) sans grande difficulté. Les conflits frappent toujours plus que la paix. Le récent livre de Zachary Karabell 'La Paix soit avec vous: Quatorze siècles de coexistence entre musulmans, chrétiens, et juifs au Moyen-Orient est à cet égard un bon correctif.
Si vous regardez aujourd'hui, il existe des signes encourageants: par exemple, une toute nouvelle église catholique, Notre-Dame du Rosaire, sera consacrée le 15 mars à Doha, au Qatar, dans la péninsule arabique. C'est la première église chrétienne consacrée au Qatar depuis l'arrivée de l'islam il y a 1400 ans, et elle a été construite sur un terrain donné par l'Emir du Qatar, Sheikh Hamad bin Khalifa al-Thani.
Un autre signe d'espoir est venu avec une lettre, à l'automne dernier, de 138 juristes musulmans, savants et clercs, intitulée "A Common Word between Us and You" .
Adressée à Benoît XVI et à 25 autres dirigeants chrétiens, elle propose l'amour de Dieu et l'amour du prochain comme le fondement théologique d'un terrain commun entre le christianisme et l'islam. Cette semaine, un groupe de signataires de cette lettre se sont rendus à Rome pour rencontrer le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, dans le but de planifier une session impliquant le Pape Benoît XVI en novembre. Les participants ont convenu de mettre en place un forum permanent "entre catholiques et musulmans", afin de garder les lignes de communication ouvertes.
Ceci dit, il existe de réelles difficultés dans l'ensemble du monde islamique. L'Arabie saoudite offre un exemple classique: Il s'agit d'une pays de trois fois et demie la taille du Texas où il est illégal de construire des églises, d'importer des bibles, d'utiliser des croix ou d'autres symboles chrétiens, et de pratiquer le culte tant public que privé. Ceci malgré le fait qu'il y a environ un million de catholiques, en Arabie saoudite, pour la plupart des Libanais, des Indiens, des Philippins et des travailleurs invités.
Une variable importante dans l'évolution de cette équation sera vraisemblablement la mesure dans laquelle la liberté religieuse deviendra une priorité de la politique étrangère des gouvernements occidentaux - parce que jusqu'à ce que les Saoudiens réalisent qu'il y a un vrai "prix" à payer politique et économique, il n'est pas évident qu'il y aura beaucoup de changement.

2. Evolution et créationisme

- Le pape semble avoir un "problème d'image" auprès des scientifiques avec les dernières manifestations contre son apparition à l'université La Sapienza à Rome, qui en offre un exemple. Où en est-il exactement avec le créationnisme?
- Benoît XVI n'est pas un Créationiste, c'est-à-dire un bibliste "littéraliste" qui insiste sur le fait que la création s'est produite exactement comme elle est décrite dans les récits poétiques qui ouvrent le livre de la Genèse. Benoît n'est pas non plus un partisan de ce que les Américains appellent "Intelligent Design" (dessein intelligent), compris comme une hypothèse scientifique rivale de l'évolution. Bien entendu, le pape est un fervent adepte de la doctrine de la Création, et il insiste sur le fait que finalement la vie humaine n'est pas simplement le résultat d'une évolution aléatoire des forces.
Le meilleur résumé de la pensée de Benoît provient de son propre livre écrit en 1990 'In the Beginning: A Catholic Understanding of the Story of Creation and the Fall'. (ndt: ce doit être l'ouvrage traduit en français sous le titre: Au commencement, Dieu créa le Ciel et la Terre)
Voici le passage concerné:
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"Quelle réponse pouvons-nous apporter à ce point de vue [l'évolution]? C'est l'affaire des sciences naturelles d'expliquer comment l'arbre de vie, en particulier, continue de croître, et comment il a donné de nouvelles branches. Ce n'est pas une affaire de foi .… Nous sommes confrontés ici à deux voies complémentaires - plutôt que mutuellement exclusives - les réalités. "
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Il convient de rappeler que le Cardinal Joseph Ratzinger était encore à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi en 2004 lorsque son principal organe consultatif, la Commission théologique internationale, a publié un document intitulé "Communion et 'stewardship': les êtres humains créés à l'image de Dieu ". Pour résumer, ce texte dit que, alors que l'église ne peut pas régler le débat entre "dessein intelligent" et évolution sur le plan scientifique, comme théorie philosophique elle est parfaitement compatible avec la notion de la providence de Dieu et la doctrine chrétienne sur la création. Citant Thomas d'Aquin, la commission a jugé que Dieu peut travailler à travers des mécanismes qui nous semblent aléatoires et contingents tout aussi facilement qu'il peut travailler à travers le strict lien de causalité physique.
Je soupçonne qu'une bonne partie de la confusion sur cette question découle d'une incapacité à maintenir clairement la distinction entre l'évolution comme une hypothèse scientifique, et "l'évolutionnisme" comme un système philosophique qui exclurait tout rôle pour Dieu. Benoît considère la première comme un sujet de sciences naturelles, mais de toute évidence tire un trait sur le second.

3. Un Pape du Tiers-Monde

- Que signifierait l'élection d'un pape du Tiers-Monde pour l'Eglise?

- En premier lieu, ce serait mettre un visage sur les endroits où la population catholique vit aujourd'hui. Parmi les 1,2 milliard de catholiques romains du monde, près de 750 millions vivent en Afrique, en Asie et en Amérique latine, ce qui signifie que les deux tiers des catholiques vivent aujourd'hui dans le Sud du monde. L'élection d'un pape venant du sud serait une manière spectaculaire de souligner l'universalité de l'église catholique. Ce pape pourrait peut-être aussi de donner une voix aux aspirations et aux luttes, du monde en voie de développement.
Au-delà de cela, cependant, l'impact que cela pourrait avoir dépendra de la personnalité du pape, et sur ce qui se passera dans le monde au moment où il sera élu. Le fait que Jean-Paul II était polonais a eu clairement d'énormes conséquences pour l'histoire de son temps, le fait que Benoît XVI soit bavarois en lui-même n'a pas généré un drame semblable. (Avec Benoît, le point le plus marquant est la référence occidentale à la "dictature du relativisme».) Tout dépend des circonstances et du sens des priorités d'un pape donné.

4. L'état du catholicisme aux Etats-Unis

- Le récent sondage
(*) sur la religion aux Etats-Unis contient-il des conclusions troublantes pour l'Eglise catholique?
- D'une certaine façon, oui. Les résultats montrent que près d'un dixième de la population adulte des États-Unis est composée d'anciens catholiques. Un peu plus de 31 pour cent des Américains disent qu'ils ont été élevés dans le catholicisme, tandis que un peu plus de 24 pour cent disent qu'ils sont catholiques aujourd'hui. Sans l'impact de l'immigration hispanique, la part catholique de la population américaine serait en déclin. Tout cela donne à penser que l'Église catholique a du travail à faire en termes d'évangélisation et de mantien.
Par ailleurs, le catholicisme conserve environ 70 pour cent de ses membres, selon le sondage, ce qui signifie que son taux de perte n'est pas parmi les plus élevés des confessions en Amérique. Et le taux élevé de l'immigration hispanique dans le même temps signifie que le catholicisme est susceptible d'acquérir, plutôt que de perdre, de «parts de marché» aux Etats-Unis.
Plus fondamentalement, le sondage confirme ce que toute personne qui s'intéresse à la religion en Amérique savait déjà: que les États-Unis demeurent une société religieuse intense, avec même un pourcentage important de pratiquants non affiliés professant une certaine forme de «croire sans appartenir». En d'autres termes, nous sommes un marché religieux très concurrentiel. Cela veut dire qu'aucune institution religieuse, dans cette culture, ne peut s'endormir - si vous omettez de fournir des soins pastoraux satisfaisants à vos ouailles, quelqu'un d'autre le fera pour vous.
Fondamentalement, toutefois,la concurrence est saine dans la religion comme dans tout autre secteur de la vie. Elle maintient les institutions religieuses honnêtes, les oblige à s'activer, et élève le niveau général de l'activisme religieux dans la culture. Après tout, quelques 44 pour cent des Américains n'auraient pas changé d'appartenance religieuse à un moment donné de leur vie s'ils n'étaient pas la recherche de quelque chose.

5. Mariage des prêtres
- Compte tenu de la pénurie de prêtres, le Vatican va-t'il porter un autre regard sur les prêtres mariés?

- En principe, le célibat sacerdotal n'est pas une question doctrinale et, par conséquent, pourrait être reconsidéré. Pourtant, en Occident, il est devenu un révélateur des profondes divisions au sein de l'église, de l'identification du sacerdoce à l'autorité de la tradition.
Cette polarisation, toutefois, n'est pas partagée par le Sud du monde, où les évêques et les théologiens abordent souvent la question de façon plus concrète. Aux prises avec une grave pénurie de prêtre, leur principale préoccupation est de savoir comment fournir des soins pastoraux, en particulier dans les zones rurales isolées ou dans la périphérie des grandes métropoles.
En 2005, lors du Synode sur l'Eucharistie, par exemple, plusieurs évêques de l'hémishère Sud ont mentionné des régions dans les pays en voie de développement, dont l'Amérique latine et les îles du Pacifique, où les communautés isolées s'étendant sur de vastes distances, ont été sans prêtres pendant de longues périodes de temps... En privé, plusieurs évêques suggèrent que l'église pourrait envisager l'ordination des viri probati, c'est-à-dire des hommes mariés ayant fait leur preuves, au service de ces communautés. Dirigé en grande partie par les évêques du Nord, toutefois, le Synode a réaffirmé la place de la discipline du célibat.
Il est possible qu'un futur pape de l'hémisphère sud, ou un futur synode plus influencé par les voix du Sud, puisse réexaminer la question. Au 21e siècle, quelques expériences avec les viri probati pourraient être approuvée. Il est improbable que l'Eglise catholique fera tout simplement l'abandon du célibat sacerdotal, et dans presque tous les cas de figure, on peut imaginer que le célibat reste la règle pour les membres des ordres religieux. Néanmoins, les dirigeants du Sud pragmatiques peuvent être disposés à examiner un nombre limité d'exceptions pour tenir compte des besoins pastoraux spécifiques.

6. La concurrence Pentecôtiste

- Qu'est-ce qui marche bien, en termes d'expansion missionnaire dans le monde?

- Selon la plupart des mesures, le Pentecôtisme Chrétien. De moins de six pour cent du monde chrétien dans le milieu des années 1970, les pentecôtistes ont terminé le siècle en représentant près de 20 pour cent, selon une étude réalisée en 2006 par un institut de sondage, appelé «Esprit et pouvoir". La combinaison de confessions pentecôtistes organisées telles que les Assemblées de Dieu et l'Église du Christ, ainsi que la vaste galaxie des églises indépendantes dans le monde entier avec une saveur pentecôtiste... porte le nombre total des pentecôtistes à environ 380 millions. Cela ferait du Pentecôtisme la deuxième "confession" chrétienne sur la terre, derrière le catholicisme romain.
Aussi remarquable que ces chiffres soient, ils sous-estiment la véritable empreinte pentecôtiste. Des confessions chrétiennes "établies" ont également donné naissance à leurs propres versions du Pentecôtisme, usuellement dénommé charismatiques. La combinaison des pentecôtistes et des charismatiques dans un amalgame que les spécialistes appellent "Revivalist christianity" porte l'effectif total à plus de 600 millions.
Essayer de rendre compte de l'expansion mondiale du Pentecôtisme est l'un des plus grands enjeux de la sociologie religieuse aujourd'hui. Parmi les facteurs les plus fréquemment cités il y a: la compétitivité, l'esprit d'entreprise, le fait que le Pentecôtisme "voyage léger", ne nécessitant pas de lourdes infrastructures ecclésiales; une approche laïque de la mission, une spiritualité optimiste qui compense l'"ecstasy Déficit" post-moderne, et un fort sentiment de communauté.
Une dernière remarque: Si le Pentecôtisme ronge souvent les chiffres bruts de catholiques, il peut parfois être un indice de ferment religieux qui, à long terme, peut également bénéficier au catholicisme.
Dans son livre de 2008 'Conversion d'un continent', le Père dominicain Edward Cleary soutient que l'Amérique latine est en proie à un bouleversement religieux, avec le Pentecôtisme comme avant-garde. Le catholicisme, selon lui, est aussi de plus en plus dynamique en Amérique latine, en générant des niveaux plus élevés d'engagement parmi ceux qui restent. Cleary estime que ce réveil catholique a ses racines dans les mouvements de laïcs qui remontent aux années 1930-40, mais il a explosé grâce à la saine concurrence des pentecôtistes. Clearly fait valoir que, malgré ses pertes statistiques, le catholicisme en Amérique latine est en réalité beaucoup plus fort en raison de la présence pentecôtiste.

7. Ordination des femmes

- Que verrons-nous en premier: une femme-président ou des femmes-prêtres?

- C'est une question facile. Comme il n'y a pas de barrière doctrinale à une femme présidente, c'est tout simplement le problème pour une candidate d'être en mesure d'obtenir suffisamment de voix - et quoiqu'il arrive à Hilary Clinton en 2008, la preuve de cette campagne nous suggére que nous n'en sommes probablement pas très loin . Sur les femmes prêtres, cependant, il y a un sérieux obstacle doctrinal. Sans entrer dans le fond de cette question, il semble clair aujourd'hui que, compte tenu de la forte pression qui entoure l'identité catholique, les femmes ne seront pas de sitôt ordonnées.
Ce que je pense que nous verrons tout au long du 21e siècle, cependant, est un effort continu en vue de renforcer le pouvoir des femmes dans l'église par tous les moyens sauf l'ordination sacramentelle. Aux États-Unis, 48,4 pour cent de tous les postes administratifs dans les diocèses sont aujourd'hui occupés par des femmes, et au niveau le plus élevé, 26,8 pour cent des postes de direction sont occupés par des femmes. Mis à part les préjugés patriarcaux, l'Église catholique fait mieux à cet égard que beaucoup d'autres institutions. Une étude de 2005 de 'Fortune' portant sur 500 sociétés a révélé que les femmes n'occupent que 16,4 pour cent des postes de dirigeant et seulement 6,4 pour cent des postes à haut revenu. ...
Même au Vatican, il y a des signes de mouvement. Aucune femme ne travaillait à la Curie romaine jusqu'en 1952, quand Pie XII a créé le Comité permanent des Congrès internationaux pour l'apostolat des laïcs et nommé l'australienne laïque Rosemary Goldie comme son secrétaire exécutif. Les choses ont changé de manière significative au cours du demi-siècle suivant. Selon un rapport du Catholic News Service de 2005, à la fin du pontificat de Jean-Paul II, les femmes représentaient 21 pour cent du personnel du Vatican, même si elles atteignaient rarement les plus hauts niveaux.
Sous Jean-Paul II, deux barrières pour les femmes au Vatican tombèrent. En 2004, il a nommé la Salésienne Sœur Enrica Rosanna au poste de sous-secrétaire de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, pour la première fois, une femme était nommée à un poste de niveau supérieur au Vatican . Toujours en 2004, Jean-Paul II utilisa le professeur de droit de Harvard Mary Ann Glendon, comme Président de l'Académie Pontificale des Sciences Sociales, la première femme à diriger une académie pontificale. (Glendon est désormais l'ambassadeur américain auprès du Saint-Siège.) Rien de tout cela n'augure d'une révolution, mais c'est une indication des choses à venir.
La montée de l'impulsion charismatique va également pousser le catholisme dans cette direction, car elle favorise les participations spontanées, non-institutionnelles, ouvertes aussi bien aux femmes qu'aux hommes. Il y a un accord implicite d'égalitarisme dans le mouvement pentecôtiste qui a autorisé les femmes à assumer de nouveaux rôles d'une façon surprenante. Un des plus puissants pasteurs pentecôtistes du 20e siècle, par exemple, fut Aimee Semple McPherson, fondatrice de l'Eglise Foursquare. "Soeur Aimee" fut, entre autres réalisations inhabituelle pour son temps, la première femme à posséder une station de radio de l'ouest du fleuve Mississippi. Comme le catholicisme dans la majeure partie de l'hémisphère Sud est progressivement "Pentecostalisé," nous allons probablement voir cette forme de leadership informel, charismatique, par des femmes.

8. L'affirmative orthodoxy

- Que devons-nous attendre lorsque Benoît XVI vient aux États-Unis?

- Au niveau de la couverture médiatique, je soupçonne que les deux questions qui vont peser le plus, surtout au début du voyage, c'est ce que Benoît XVI va dire à propos de la crise des abus sexuels, et s'il y aura une retombée de sa présence pour le vote Catholique à l'élection 2008.
En ce qui cncerne l'ordre du jour du pape, je m'attends à des variations sur ce qui est devenu un thème majeur de son pontificat: l'«affirmative orthodoxy». Par cela, j'entends une défense tenace des éléments fondamentaux de la doctrine catholique classique, présentée dans une clé résolument positive. Benoît semble convaincu que la distance entre la foi et la culture laïque contemporaine a ses racines dans une tendance généralisée à voir le christianisme comme un système largement négatif d'interdictions et de contrôles. En effet, il veut revenir au point de départ, réintroduire le christianisme à partir de zéro en disant POUR quoi il est, plutôt que CONTRE quoi.
Quatre exemples de "positive orthodoxy»:

- Dans Deus Caritas Est, Benoît a présenté une vision de la morale sexuelle, sans rabâcher les interdictions bien connues de l'Eglise concernant le contrôle des naissances, l'avortement et le mariage des homosexuels;
- Benoît a récemment dit que l'église n'a plus besoin de l'hypothèse théologique des limbes, car il suffit de la confiance dans l'amour et la miséricorde de Dieu;
- Dans Spe Salvi, Benoît a écrit que la doctrine du Jugement Dernier n'est pas un avertissement, mais une promesse d'espoir;
- Dans son discours à la Curie Romaine du 21 Décembre, Benoît a fait valoir que le motif de la mission n'est pas que les âmes seraient perdues autrement, mais que la paix et la réconciliation du Royaume de Dieu puissent atteindre leur plein potentiel dans l'histoire.

Bien sûr, reste à voir jusqu'à quel point l'"affirmative orthodoxy" se révélera persuasive pour les femmes et les hommes d'aujourd'hui, ou si elle aura le dernier mot face au défi posé par la modernité, mais elle semble être le geste le plus original dans l'enseignement et le "style" de Benoît.

La "communication" du Pape

Une dernière note de prudence à propos du voyage: paradoxalement, Benoît XVI est un maître communicateur qui, de temps en temps, est en butte à un problème de communication. C'est une figure très "catholic-encoded" , ce qui signifie que parfois il parle une langue pour catholiques initiés qui peut être difficile à suivre pour le monde extérieur. Cela peut avoir des conséquences explosives, comme nous l'avons vu à Ratisbonne, au Brésil et ailleurs. Il sera intéressant d'observer dans quelle mesure le pape et ses "traducteurs" anticiperont cette fois le danger.