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Jeudi prochain, dans le grand amphithéâtre de la Catholic University of America, à Washington, Benoît XVI s'adressera aux dirigeants des 213 établissements d'enseignement supérieur qui se disent « catholiques »

Un article de Christan Daisug, dans "Présent" du 12 avril, qui émerge clairement de la médiocrité de la presse française.

Présent du 12 avril 2008
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Jeudi prochain, dans le grand amphithéâtre de la Catholic University of America, à Washington, Benoît XVI s'adressera aux dirigeants des 213 établissements d'enseignement supérieur qui se disent « catholiques ».
Un des temps forts du séjour du Pape aux Etats-Unis. D'abord, parce que cette mission éducative de l'institution ecclésiale, qui a commencé au berceau de la nation, occupe maintenant, et depuis plus de deux siècles, une place essentielle dans le processus de formation des élites. Ensuite, parce que ces structures qui irriguent culture et foi sont en crise. Une crise d'identité grave, profonde, alarmante. Benoît XVI demandera à ceux qui président aux destinées d'aussi précieux outils d'évangélisation de revenir au coeur de leur mission, d'abandonner les illusions du sécularisme, de fuir les sirènes du relativisme moral. Sera-t-il entendu ? Il le faudrait. Pour l'Amérique et pour l'Eglise. Les deux sont intimement liées. On imagine mal les Etats-Unis sans catholicisme (23 % de la population). Et on imagine mal le catholicisme sans son prolongement au Nouveau Monde. Cette foi a ciselé le pays, guidé son peuple, nourri un destin. Et façonné des esprits. Benoît XVI est conscient que cette foisonnante immensité porteuse d'espérance est parvenue, dans ses fleurons éducatifs, à un point limite d'érosion. Sur 213 universités officiellement catholiques, vingt à peine méritent qu'on leur accole l'étiquette de catholiques. Et les autres ? Toutes les autres, qui constituent plus de 90 % des établissements ? Elles n'ont de catholique que le nom, des souvenirs, quelques bribes de religiosité mal définie. Pourquoi cette fracture ? Pourquoi cette dérive ? Trois raisons typiquement américaines : dans les années soixante, une vague d'indiscipline et d'indépendance permit à l'enseignement supérieur d échapper à l'autorité de la hiérarchie, et notamment à celle des évêques. L'intégration d'un nombre croissant d'étudiants non catholiques a fini par provoquer une sorte de dilution des caractéristiques traditionnelles des structures d'accueil. Enfin, la peur de se voir privés des subsides de l'Etat s'ils affichaient ostensiblement leur religion incita de nombreux présidents d'université à retirer les crucifix des salles de classe et à « décatholiciser » leurs conseils d'administration.

A ces trois raisons propres à l'Amérique, mais qui, sans doute, doivent plus ou moins se retrouver dans d'autres pays, s'ajoutent les deux implosions ayant marqué la seconde moitié du XXe siècle : les dégâts provoqués par l'« ouverture » déstabilisatrice du concile Vatican II et l'aventureuse soumission de certains clercs à la pensée unique. Ces deux offensives pernicieuses sont, bien sûr, liées. Leur onde de choc dure encore et les ruines qu'elle accumule depuis une quarantaine d'années apparaissent maintenant aussi spectaculaires que poignantes des amphithéâtres où la tradition intellectuelle catholique est ravalée au niveau de tous les courants de pensée aussi critiquables les uns que les autres, des corps professoraux où les dissidents se permettent de corroder à longueur d'année les aspects les plus sacrés du dogme, des campus où une tolérance sublimée intègre avec jubilation athéisme, homosexualité et féminisme, des programmes de conférences où les invités se recrutent parmi les plus virulents ennemis de l'autorité ecclésiale, enfin des clubs d'étudiants où la désertification morale nourrit les plus extrêmes licences. Parmi les universités en rupture de catholicité, une poignée cumule la totalité de ces tares. Ce sont les plus atteintes, les irrécupérables. Mais si toutes n'ont pas sombré au fond de ce gouffre, toutes sont blessées par une ou plusieurs de ces flèches vénéneuses. Dans tous les cas, deux constatations s'imposent : la diversité culturo-spirituelle règne sans partage au détriment de l'enseignement catholique ; et le magistère romain suscite au mieux du dédain, au pire de la révolte. D'un côté, la perversion du concept de liberté a brouillé 1 ordre des priorités ; de l'autre, un réalisme asséché a privilégié les réussites du carriérisme. Qu'est devenue la recherche d'un sens à la vie sous l'éclairage de la foi ? Car il ne peut y avoir deux voies. Ou le savoir est imprégné de l'Evangile et de l'immense richesse de la tradition romaine, ou il ne l'est pas. Il n'existe pas de solutions intermédiaires pour les universités catholiques. A l'inverse de leurs consoeurs protestantes -Yale, Harvard, Princeton, Dartmouth et bien d'autres - qui ont depuis longtemps abandonné leurs origines chrétiennes. Sans état d'âme.

C'est également sans état d'âme apparent que dix-neuf universités catholiques parmi les plus touchées ar la perversion des valeurs
viennent de confirmer d'une façon spectaculaire leur capitulation devant les petits flics de la pensée obligatoire. Parmi ces campus rebelles, citons la prestigieuse université Notre-Dame et deux autres fondées par les jésuites - l'un à Chicago, l'autre à la Nouvelle Orléans.
Qu'ont-elles fait, toutes ces universités, pour aggraver leur cas ? Et d'abord, était-il possible d'aggraver des situations déjà onsidérées comme désespérées ? Sans doute. Dans le marigot du conformisme et du renoncement, les dix-neuf universités ont versé la goutte qui porta les vapeurs nauséeuses à leur paroxysme.
Cette goutte est une pièce de théâtre intitulée The Vagina Monologues. Ecrite il y a cinq ans par Eve Ensler dans la perspective de financer des campagnes pour « combattre la violence contre les femmes », cette pièce représente en réalité la plus subversive des salves que l'on puisse tirer contre la dignité féminine et le respect dû au corps en tant que temple de l'Esprit-Saint. Il s'agit d'une succession d'anecdotes sur fond d'homosexualité débridée dont l'obsessionnelle provocation débouche, à travers les confessions d'une adolescente, sur les rivages du viol. C'est outrancier, odieux, et surtout malsain. Toutes les époques ont eu leurs démesures. Celles-ci se voyaient presque toujours confinées dans des cénacles d'amateurs. Le grand public les ignorait. Ce qui caractérise notre époque, c'est le passage duconfinement à l'explosion. On assiste à l'émergence du blasphème, au triomphe de l'excès, au couronnement du dégradant.
Pendant cinq ans, The Vagina Monologues fut jouée sur les planches de diiaines de théâtres universitaires. En 2003, quarante-deux établissements catholiques avaient permis à leurs étudiants de monter la pièce d'Eve Ensler. Cette année, ils ne sont plus que dix-neuf. Mais c'est encore dix-neuf de trop.
Ecoutons le chef de file de ce groupe, le Père John Jenkins, président de Notre-Dame, nous exposer les raisons pour lesquelles il a ouvert les portes de son université à ce vil spectacle. « Tout d'abord, souligne-t-il, un mot sur la pièce elle-même. Elle n'est pas bonne. Le message y est poussé jusqu'à ses extrêmes limites, ce qui donne au récit cet aspect désarticulé, haletant, et finalement caricatural. Mais le problème n'est pas là. Nous ne sommes pas ici pour juger une oeuvre, écrire une critique ou apprécier un auteur. Notre rôle est de trancher. Fallait-il, oui ou non, monter The Vagina Monologues? Je réponds : oui. Pour une seule raison, mais qui me paraît fondamentale. La mission d'une université, quelle que soit sa sensibilité religieuse, est de susciter, et même d'organiser, une discussion libre et ouverte sur les sujets les plus controversés. Plus le débat s'annonce intense, et plus l'université a le devoir de lui ménager une structure d'accueil. Nous formerons les responsables catholiques de demain, non pas en isolant nos étudiants des éclats du siècle, mais au contraire en les y plongeant munis des repères de l'enseignement catholique. » Et John Deely, professeur de philosophie à l'université Saint-Thomas de Houston, au Texas, ajoute : « Nous sommes supposés apprendre aux étudiants comment penser et non ce qu'ils doivent penser. » C'est par cette brèche de la tolérance intellectuelle que s'engouffrent les brûlots ravageurs du relativisme. En quoi l'interdiction actes homosexuels représentés sur scène pourrait-elle transgresser les libertés universitaires ? En quoi le récit d'une adolescente violée par une adulte pourrait-il enrichir le bagage culturel d'un étudiant du XXIe siècle ? Quelques évêques ont réagi contre la décision du Père Jenkins et de ses dix-huit collègues. Parmi eux, Mgr John D'Arcy du diocèse de Fort-Wayne, dans l'Indiana. Il a parlé de « propagande » en faveur de la révolution sexuelle et du féminisme radical. En termes plus mesurés, c'est ce que dira le Pape jeudi prochain.

CHRISTIAN DAISUG