"Voici quel est notre Dieu"

Ce qu'en 2000, le cardinal Ratzinger disait de l'Eglise aux Etats-Unis à Peter Seewald (4/5/2008)
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Voici quel est notre Dieu, ed Plon/MamE, pages 313 et suivantes.


Q: Considérons encore avec un intérêt particulier les États-Unis dAmérique. C'est sans conteste la nation qui domine le monde. Elle a une politique, une science, une économie, et elle a profondément marqué le style de vie de notre époque. Qu'apporte le catholicisme américain à L'Église universelle ?

R: Le catholicisme américain est devenu actuellement l'une des forces déterminantes de l'Église universelle. L'Église américaine est une Église dynamique. Elle connaît aussi des tensions. Il y a d'une part des groupes critiques à l'égard de l'Église et partisans d'un christianisme démocratique et plutôt rationnel. Mais on constate d'autre part l'éclosion de toutes nouvelles réalités religieuses, des nouvelles communautés monastiques se forment, qui veulent vivre pleinement et consciemment les exigences de la vie religieuse. Ils les vivent avec la grande joie que donne la foi; ils veulent aussi se former et promouvoir une formation en lisant de nouveau les Pères et Thomas d'Aquin. C'est une Église qui veut redonner une grande importance au religieux considéré comme central: le courage de donner sa vie pour et à cause de la foi, le service de la foi. C'est une Église qui, par son système éducatif et son système hospitalier, porte une grande responsabilité sociale.
Nous nous arrangeons, dans notre congrégation, pour que ce ne soit pas d'abord nous qui prenions les décisions concernant les questions d'éthique médicale qui se multiplient avec les progrès de la médecine. Les Américains possèdent tout un réseau d'hôpitaux. Ils ne manquent donc pas de savants, de spécialistes, et ils ont une vivante pratique de la médecine moderne. Nous mettons en discussion ces questions dans des institutions qu'ils ont créées pour cela. Ils dégagent des lignes directrices (Guidlines), que nous discutons avec eux. Ces conclusions restent d'abord partielles, et américaines, pour que d'autres expériences puissent être prises en compte et que la porte ne soit pas fermée. Mais ce sont déjà des décisions types, qui influencent l'éthique médicale dans les autres parties de l'Église, et indiquent ainsi une direction.
Je crois que par le champ d'expérimentation mondial qu'est l'Église en Amérique, et aussi par son expérience de la foi, elle peut faire bénéficier de ses forces vives la chrétienté d'Europe et aussi celle d'Afrique et d'Asie. On disait autrefois : ce qui se passe d'abord en France se passe après dans le monde entier. Aujourd'hui l'Amérique livre les modes et les slogans qui s'imposent dans le monde, mais elle fournit aussi les modèles d'Église. Ce qui est étonnant, c'est que ce modèle remplace un modèle de christianisme apparemment moderne et en même temps rationaliste, trop peu imprégné de foi et lui imprime de réelles impulsions de foi et lui lègue des formes typiques de la vie de foi.

Q: Il existe donc aussi un american way of life pour la vie chrétienne, catholique ?

R: En ce sens qu'il est vraiment profondément catholique, et pas seulement américain. Je crois que c'est justement dans l'espace de vie des Américains que les hommes veulent assumer entièrement la totalité de ce qui est catholique et le rapporter de manière nouvelle au monde moderne.

Q: Actuellement, dans quel pays la théologie ou la vie ecclésiale est-elle en pointe ? Lequel est-il la locomotive ?

R: Il n'y a pas une seule locomotive, mais plusieurs centres. L'Amérique latine, d'abord, a stimulé toute la chrétienté avec sa théologie de la libération. Elle est en train de passer. Mais il en reste le rappel que la foi a une responsabilité sociale et politique. Actuellement, en Amérique latine on réfléchit beaucoup et avec passion au problème de l'inculturation dans le contexte de la rencontre avec les cultures indigènes.
Les États-Unis sont certainement à la pointe de la réflexion, à cause de la confrontation aux défis des temps modernes. De même en exégèse, elle a fait d'importants progrès, en surmontant les aspects unilatéraux de la méthode historico-critique par l'exégèse dite canonique, c'est-à-dire en lisant la Bible comme un tout. C'est pourquoi l'apport de la théologie américaine est aujourd'hui important. Mais en Europe aussi, en Allemagne également, il y a un potentiel théologique réellement très important. Notre système universitaire qui fait que nos facultés de théologie disposent de grands moyens, suscite un travail intellectuel intense qui n'est pas sans résultats. Il est vrai qu'existe le danger d'un nouveau rationalisme, qu'on considère comme un devoir académique. Cette forme de théologie est stérile, parce qu'elle critique ses propres bases. Je crois que la nouvelle génération de théologiens perçoit de nouveau avec plus de force que la théologie doit avant tout surgir de la foi et ne doit pas être purement académique.
En Asie, avant tout en Inde, qui donne le ton, on débat de façon exemplaire sur le monde des religions et sur la question de la place de la foi en ce monde. L'Afrique défend les valeurs traditionnelles. Pensons au poids que l'Afrique a acquise dans le Conseil mondial des Églises ; le protestantisme occidental fut profondément déstabilisé par les questions ethniques, alors que le christianisme africain met en valeur le sentiment originel de ce qui est valable en permanence. Naturellement les questions relatives à la cohésion sociale sont vécues douloureusement : comment le christianisme peut-il être facteur de paix et facteur de réconciliation ? Peut-être moins en théorie que dans l'expérience de la souffrance, ce qui est aussi un message pour l'Église tout entière.


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