"Liberté religieuse, chemin vers la paix" 'est le thème que Benoît XVI a choisi pour la Journée mondiale de la paix 2011.
Après la réflexion de Massimo Introvigne, en voici une autre, très attendue, celle de José-Luis Restàn, traduite par Carlota. (16/7/2010)

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Voir ici: Liberté religieuse

Notre journaliste espagnol préféré relie ce thème aux grands textes du Pontificat, du discours devant les Nations Unies d’avril 2008, dans lequel le Pape affirmait que « le refus de reconnaître la contribution à la société qui est enracinée dans la dimension religieuse et dans la recherche de l’absolu…privilégierait une approche individualiste et fragmenterait l’unité de la personne », à la lectio des Bernardins en septembre 2008, à Paris, où il affirmait que « la recherche de Dieu et la disponibilité pour l’écouter continuent à être aujourd’hui le fondement de toute véritable culture ».


Texte en espagnol sur le site religionenlibertad.com: http://tinyurl.com/2vjuh6p
Traduction de Carlota.

Le cœur de la paix
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Le chef de la milice somalienne Al Shabad a passé l’un des meilleurs moments de sa vie quand il a appris que 70 innocents étaient morts au Kampala alors qu’ils étaient en train de profiter de la finale du Mondial (1) .
C’était bien clair, « l’Ouganda est un pays infidèle qui s’oppose à l’islam, ils ont reçu leur châtiment ».
Au Cachemire, au nord de l’Inde, un missionnaire a du abandonner après 40 ans : ses écoles étaient « trop bonnes », un danger pour l’harmonie du pays (Ndt : Dans d’autres lieux des moyens « plus sournois » peuvent peut-être exister, comme de vider de leurs substances les programmes des écoles même catholiques sous réserve d’homologation des diplômes voire de droit d’enseigner?).
En Chine, après 50 ans, le diocèse de Taizhou a enfin un évêque.
Ce sont des nouvelles de ces jours-ci, entre la tragédie et l’espérance.
Des nouvelles qui servent de cadre à l’annonce du Saint Siège, sur ce que sera le thème de la prochaine journée Mondiale de la Paix : « Liberté Religieuse, chemin de la paix »

Benoît XVI n’aime ni les dates pompeuses ni les slogans vides. Son message est un outil pour ouvrir la réalité, pour la comprendre et la vivre mieux. Il ne s’agit pas seulement de dénoncer le recul retentissant de la liberté religieuse dans le village planétaire, une détérioration dramatique qui se produit au milieu du lâche silence de la grande presse et des pouvoirs de l’Occident, à de très rares exceptions près.
Il s’agit de montrer que la liberté religieuse est « la liberté des libertés », la pierre angulaire et le levier du vivre ensemble civil, du véritable pluralisme, de la laïcité et du développement.
L’authentique liberté religieuse, explique le communiqué du Vatican, existe seulement quand elle est cohérente avec la recherche de la vérité de l’être humain. De sorte que lorsque rien ne s’oppose à la dignité de l’homme, on peut le considérer comme une expression de la liberté religieuse, toujours liée aux grandes questions sur le sens et la valeur de la vie.

Benoît XVI nous a offert une perspective originale et très suggestive pour mettre en avant la question de la liberté religieuse dans son discours prononcé devant les intellectuels au Collège des Bernardins à Paris. Il n’y a pas fait référence en premier lieu à l’attitude que doit avoir l’État face au fait religieux, mais à la dynamique originale de la liberté, qui meut l’homme vers le «quaerere Deum », la recherche de Dieu comme ultime sens de toute la réalité. À cette occasion le Pape a affirmé que « la recherche de Dieu et la disponibilité pour l’écouter continuent à être aujourd’hui le fondement de toute véritable culture ». En réalité tout le discours du Pape (centré dans la genèse de la culture occidentale à partir de l’activité monastique) montre la valeur civile de la liberté religieuse : les communautés où s’exprime une authentique expérience religieuse constituent un trésor pour l’ensemble de la société comme l’ont reconnu des personnalités aussi disparates que Sarkozy, Obama ou Habermas (Ndt : Je dirais moins indulgente, des textes de circonstances écrits pour Sarkozy et Obama).

Dans cette même ligne se situait un passage du discours aux Nations Unies, dans lequel le Pape affirmait que « le refus de reconnaître la contribution à la société qui est enracinée dans la dimension religieuse et dans la recherche de l’Absolu…privilégierait effectivement une approche individualiste et fragmenterait l’unité de la personne » (cf Rencontre avec les Membres de l'assemblée Générale des Nations Unies, 18 avril 2008, http://tinyurl.com/3xmbftz) .
Dans la description faite par Benoît XVI à Paris, on voit parfaitement comment la recherche de Dieu, loin de séparer les moines du contexte historique dans lequel ils vivent les poussent à s’impliquer dans toutes les dimensions de l’humain. Cet argument de fond est aussi la ligne maîtresse de l’encyclique Caritas in Veritate: seul un humanisme ouvert à Dieu (la dynamique de la liberté religieuse) sera capable de mobiliser les énergies de la raison et de la liberté, de générer des communautés vivantes capables de construire et d’éduquer, et qui seront en mesure d'exploiter potentiel technique et de créer des règles et des institutions au service d’un authentique développement. Il ne paraît pas exagéré de soutenir que la liberté religieuse ainsi comprise est le cœur de la paix.
Dans ce sens, la liberté religieuse pose à l’État l’exigence d’un accueil positif et d’une protection effective ; à la société, la nécessaire disponibilité d’un dialogue sincère ; aux communautés religieuses la disponibilité au service du témoignage dans ses multiples dimensions.
Toujours dans le discours devant l’Assemblée des Nations Unies, Benoît XVI expliquait: «Il n'est donc pas imaginable que des croyants doivent se priver d'une partie d'eux-mêmes - de leur foi - afin d'être des citoyens actifs. Il ne devrait jamais être nécessaire de nier Dieu pour jouir de ses droits. Il est d'autant plus nécessaire de protéger les droits liés à la religion s'ils sont considérés comme opposés à une idéologie séculière dominante ou à des positions religieuses majoritaires, de nature exclusive. La pleine garantie de la liberté religieuse ne peut pas être limitée au libre exercice du culte, mais doit prendre en considération la dimension publique de la religion et donc la possibilité pour les croyants de participer à la construction de l'ordre social. Ils le font effectivement à l'heure actuelle par exemple à travers leur engagement efficace et généreux dans un vaste réseau d'initiatives qui va des Universités, des Instituts scientifiques et des écoles, jusqu'aux structures qui promeuvent la santé et aux organisations caritatives au service des plus pauvres et des laissés-pour-compte. » (ibid).

Et la réalité, c’est que les secteurs sociaux qui sont le résultat de l’exercice de la liberté religieuse ne sont pas des lieux obscurs et fermés, à regarder avec suspicion (comme cela arrive fréquemment dans quelques pays européens, et spécialement en Espagne) mais des réalités vivantes qui méritent toute l’attention et la sympathie de ceux qui ont la responsabilité du bien commun.
Dans un contexte de crise d'époque, comme celle que nous traversons, une perspective comme celle signalée par le Pape devrait ouvrir un large et riche débat, qui non seulement concerne les « confessions religieuses » en tant qu’espaces culturels parfaitement délimités, mais tous ceux qui se demandent avec crainte et tremblement quels chemins nous aurons à explorer dans un futur immédiat pour affronter des questions aussi brûlantes que le terrorisme au niveau mondial, l’immigration massive, la désagrégation sociale ou l’urgence de l’éducation.
Comme l’a reconnu avec amertume le professeur juif Joseph Weiler, l’Europe s’est permis le luxe de gaspiller le magistère social des Papes au moment de concevoir un projet d’union.

Continuerons-nous ainsi?

Note

(1) Explosions dans la capitale ougandaise : au moins 64 morts
Ouest-France, 11 juillet 2010
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Deux explosions distinctes ont frappé dimanche soir Kampala, la capitale ougandaise. Elles auraient fait au moins 64 morts et 65 blessés, a annoncé la police. « Nous avons 64 tués et 65 blessés. Les nationalités des victimes seront communiquées plus tard », a déclaré la porte-parole de la police, Judith Nabakooba, lundi matin, alors qu’un précédent bilan faisait état dans la nuit de 23 morts.
Les deux bombes ont explosé dans un restaurant éthiopien du sud de la capitale ougandaise et dans un club de rugby de l’est de la ville, provoquant un carnage parmi la foule réunie dans ces deux lieux publics pour regarder à la télévision la finale de la Coupe du monde de football Espagne-Pays-Bas.