Pour l'Eglise, les abus sexuels sur mineurs ne sont pas les seuls "abus les plus graves" n'en déplaise à ceux qui n'ont pas apprécié que le texte ait aussi parlé de l'ordination de femmes prêtres.
Un article de l'Avvenire fait le point.(18/7/2010)

-> Les délits les plus graves

Il me semble nécessaire, après un peu de recul, et le temps de la réflexion, de revoir ce que les medias ont dit des nouvelles normes sur "les délits le plus graves" émanant de la CDF, et rendues publiques le 15 juillet.
Dans "les délits les plus graves", il y a une hiérarchie, qui pourrait bien être indiquée par la numérotation des rubriques, et je me demande si les médias - relais auto-proclamés d'une information qui se passerait volontiers d'eux - ont bien saisi.

J'ai donc lu plus attentivement, avec mes modestes et certes insuffisantes lumières, puisque je n'ai pas beaucoup de connaissances en théologie, le texte officiel, auquel je renvoie (cf VIS), n'étant pas certaine d'avoir tout compris (jusqu'à preuve du contraire...).

Les délits "les plus graves" sont énumérés dans un ordre bien précis:
1. Les délits contre la foi (..), l’hérésie, l’apostasie et le schisme (art 2)
2. Les délits contre la sainteté du très auguste Sacrifice et sacrement de l’Eucharistie - profanation, sacrilège (art 3)
3. Les délits contre la sainteté du sacrement de pénitence, en particulier l’absolution du complice dans le péché contre le sixième commandement du Décalogue (tu ne commettras point d'imureté) et la violation directe ou indirecte du secret sacramentel (art 4)
4. le délit grave de tentative d’ordination sacrée d’une femme (art 5)
5. Les délits les plus graves contre les mœurs
-> 1° le délit contre le sixième commandement du Décalogue commis par un clerc avec un mineur de moins de dix-huit ans; est ici équiparée au mineur la personne qui jouit habituellement d’un usage imparfait de la raison;
-> 2° l’acquisition, la détention ou la divulgation, à une fin libidineuse, d’images pornographiques de mineurs de moins de quatorze ans de la part d’un clerc, de quelque manière que ce soit et quel que soit l’instrument employé.
(art 6)

Le Père Scalese disait d'ailleurs très clairement (cf. Nouvelles normes? OK ): Le problème des abus , aussi grave qu'il soit , ne peut être isolé et absolutisé; il y a d'autres questions, insignifiantes aux yeux du monde, et qui à l'inverse sont pour les catholiques d'une extrême gravité , comme la profanation de l'Eucharistie ou de la violation du sceau sacramentel.

Le point litigieux, selon certains, serait d'avoir mis au même plan la pédophilie des prêtres et l'ordination sacerdotale des femmes (argument porteur, repris jusque dans le magazine "Elle" , grande lumière en théologie, comme on le sait!).
Après Damian Thompson (cité par le Père Scalese), Madame de Gaulmyn, dans La Croix, titre Ordonner une femme, un « délit grave » contre la foi. (ndlr: guillemets inclus)
Elle dit craindre un "risque de confusion" (par qui??) et poursuit:

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Ce texte va dans le sens de la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, publiée en 1994 par Jean-Paul II, proclamant que le refus de l’Église catholique d’ordonner des femmes prêtres appartenait au « dépôt de la foi », c’est-à-dire à l’enseignement infaillible de cette Église, et qu’il exigeait de la part des fidèles un « assentiment définitif ».
Il permet sans doute, en plaçant ces cas sous la responsabilité directe de la Congrégation pour la doctrine de la foi, de donner une réponse plus rapide de l’Église devant l’augmentation, dans les pays anglo-saxons notamment, de telles ordinations.
Mais il risque de créer une confusion avec les actes de pédophilie commis par les prêtres, qui sont l’objet principal des modifications réglementaires apportées jeudi. C’est pourquoi, en présentant ce texte, le porte-parole du Saint-Siège, le P. Federico Lombardi, a tenu à faire la distinction entre l’ordination des femmes, qui est « un délit contre le sacrement », et les actes pédophiles.
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Eh bien oui, dans "les délits les plus graves" , il y a autre chose que la pédophilie des prêtres, et surtout ce n'est pas la priorité. C'est du moins l'opinion de l'Eglise (les non-croyants ne sont pas liés) et il faut se rendre à l'évidence.

Dans L'Avvenire du 16 juillet, l'éditorial de première page, signé Giuseppe Anzani, était consacré aux "nouvelles normes". Et avait choisi un titre accrocheur: Le code rigoureux de l'Eglise ne se réduira jamais à une "charia", repris par l'AFP (via La Croix), mais qui ne rendait pas justice aux intentions plus profondes de l'auteur.
Ma traduction:

Un signal limpide du Saint-Siège
Mais le code rigoureux de l'Eglise ne se réduira jamais à une "charia"
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A quel point le scandale de la pédophilie a causé de la douleur à l'Église , on le comprend tout de suite, par l'intonation sévère qui caractérise le document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur les "délits (crimes) les plus graves" . Parce que parmi les délits les plus graves, on compte notamment les actes impurs des clercs avec des mineurs de moins de 18 ans , une incrimination plus grave que celle prévue par le Code pénal .

Toute autre chose que l'aria de couvrir , d'apaiser. Et la possession de matériel pédopornographie tombe elle aussi sous les foudres canoniques. C'est la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Tribunal suprême, qui juge de ces crime ; et il est prévu une procédure rapide, et même extra-judiciaire, et une peine qui peut aller jusqu'à la destitution ou la révocation .

A lire ce document en entier , ce n'est pas le sexe qui est l'argument principal, et la nouvelle "loi" Canonique ne commence ni ne finit avec lui.
Il y a les crimes contre la foi : l'hérésie , l'apostasie , le schisme , les trahisons qui déchirent la loyauté et l'unité de l'Eglise . Et puis il y a le douloureux chapitre de la profanation des sacrements: premier de tous l'Eucharistie, cœur de la vie ecclésiale et de la grâce; et la pénitence , point d'intersection entre la grâce qui sauve et pardonne et le dialogue humain qui porte à la grâce par la confidence secrète d'un cœur humilié. Et les ordres sacrés , ensuite . Et puis le reste qui suit , comme une image de la profanation du corps , autrement dit un temple , car le corps est lui aussi un temple.

En parcourant le language juridique du texte , on se demande quel sens peut avoir, dans l'Église, un code des crimes et des peines; et ce qui arrive à ceux qui sont reconnus coupables . La réponse est que l'Eglise est bien "peuple de Dieu" , mais aussi Assemblée , communauté d'hommes dans l'histoire , et son code n'a pas pour but de "remplacer la foi , la grâce , les charismes et par-dessus tout la charité (amour) des fidèles", mais reste "l'instrument indispensable pour assurer l'ordre nécessaire, que ce soit dans la vie individuelle et sociale , et dans l'activité même de l'Église" ( Jean-Paul II ) . L'Eglise doit conserver la sainteté des signes sacrés de la grâce , et la fidélité de ses ministres .

Certes , le Code canonique n'est pas une sorte de charia, les sanctions sont de nature spirituelle , même les plus graves , comme l'excommunication; et sont encore appelés sanctions " médicinales" car leur but est de faciliter la conversion .
Mais la sévérité des normes d'aujourd'hui est un signal très fort de la gravité de certaines trahison morales , placées juste après la profanation des sacrements; il en ressort la répugnance (pour le contraste) entre la mission sacerdotale de direction spirituelle et sa dégradation , entre le ministère consacré, canal de la grâce , et l'impureté. Qui sera puni jusqu'à vingt ans après, à compter du moment où le mineur aura 18 ans.

Cet avertissement dur et résolu est un signal fort , une grande leçon de responsabilité, avec toute la force de la foi . Parce qu'il ne supplante ni ne remplace la réaction civile, lorsque l'impureté est un crime ( et pourtant, la règle canonique est plus ample pour le crime d'abus, par le "range" [étendue] de l'âge protégé), mais tire un sens et une force incomparablement plus décisifs, de ce que la foi connaît les peines spirituelles, la douleur, l'expiation .

Ainsi, la nouvelle norme canonique devient une leçon qui provoque tout le monde , même ceux qui croient que la foi ne compte pas.
Autrefois, l' évêque Ambroise arrêta l'empereur Théodose à la porte de la cathédrale après le massacre de Thessalonique ; il le laissa dehors, contraint de rester parmi les pénitents , le temps voulu pour expier son crime (cf http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=22265 ) . Il était l'empereur, il obéit .
Giuseppe Anzani

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