Un collage de Gloria, et une traduction (partielle) de l'homélie. Rerum Novarum, et la doctrine sociale de l'Eglise. Confidences plus personnelles (6/9/2010)


" En une époque d'âpre anticléricalisme et de manifestations enflammées contre le pape, Léon XIII sut guider et soutenir les catholiques sur le chemin de la participation constructive , riche de contenus, ferme sur les principes et capable d'ouverture . (...) Un pape très vieux , mais sage et clairvoyant , put ainsi introduire dans le XXe siècle, une Église rajeunie , avec la juste attitude pour relever de nouveaux défis (... il) représentait une Eglise capable de répondre sans complexes aux grandes questions du monde contemporain."


(Texte en italien sur le site du Vatican, ma traduction)
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Chers frères et sœurs !

Tout d'abord , permettez-moi d'exprimer la joie d'être parmi vous à Carpineto Romano , sur les traces de mes bien-aimés prédécesseurs les Papes Paul VI et Jean-Paul II ! Et heureuse est aussi la circonstance qui m'a appelé ici: le bicentenaire de la naissance du Pape Léon XIII , Gioacchino Vincenzo Pecci, qui eut lieu 2 Mars 1810 en ce beau pays . Merci à tous pour votre accueil !
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Nous avons entendu la Parole de Dieu (*) , et il vient spontanément à l'esprit en cette circonstance , de repenser à la figure du pape Léon XIII et à l'héritage qu'il nous a laissé . Le thème principal qui se dégage de la lecture biblique est la primauté de Dieu et du Christ . Dans le passage évangélique , tiré de Saint-Luc , Jésus lui-même déclare franchememnt trois conditions nécessaires pour être ses disciples : l'aimer plus que toute autre personne, et plus que sa propre vie; porter sa croix et le suivre; renoncer à tous ses biens. Jésus voit une grande foule qui le suit avec ses disciples , et avec tous, il tient à être clair : le suivre est quelque chose qui engage , et ne saurait dépendre d'enthousiasmes et d'opportunités; ce doit être une décision pondérée, prise après s'être demandé en conscience : Qui est Jésus pour moi? Est-il véritablement « le Seigneur », occupe-t-il la première place , comme le soleil autour duquel tournent toutes les planètes ?
(..)

Ce rappel fondamental de la Parole de Dieu fait penser à deux aspects de la vie et du ministère de votre vénérable concitoyen que nous commémorons aujourd'hui , le Souverain Pontife Léon XIII . Tout d'abord, il convient de souligner qu'il était un homme de grande foi et dévotion . Cela reste la base de tout pour tout chrétien , y compris le Pape. Sans la prière , sans cette union intime avec Dieu, nous ne pouvons rien , comme Jésus l' a clairement dit à ses disciples à la dernière Cène ( cf. Jn 15:5) . Les paroles et les actes du pape Pecci révélent sa religiosité intérieure; et cela trouve aussi une résonnance dans son Magistère : parmi ses encycliques et lettres apostoliques , comme le fil d'un collier , il y a celles à caractère strictement spirituel , dédié en particulier à l'accroissement de la dévotion mariale , en particulier par l'intermédiaire du Rosaire . Il s'agit d'une véritable «catéchèse» , qui marque du début à la fin, les 25 années de son pontificat . Mais il y a aussi des documents sur le Christ rédempteur , le Saint-Esprit , la consécration au Sacré-Cœur , la dévotion à saint Joseph, saint François d'Assise . La Famille franciscaine était particulièrement proche de Léon XIII, qui appartenait au Tiers-Ordre . Tous ces différents éléments , il me plaît de les considérer comme des facettes d'une même réalité : l'amour de Dieu et du Christ , où absolument rien n'est placé avant. Et cette première et principale qualité, Vincenzo Gioacchino Pecci l'assimila ici dans son pays , de ses parents ,de sa paroisse .

Mais il y a un deuxième aspect, qui découle toujours de la primauté de Dieu et du Christ, et qui se rencontre dans l'action publique de chaque Pasteur de l'Eglise , en particulier de chaque Pape , avec les caractéristiques de la personnalité de chacun. Je dirais que le concept même de la "sagesse chrétienne" (..) nous offre une synthèse de cette attitude selon Léon XIII - ce n'est pas un hasard s'il s'agit de l'incipit d'une de ses encycliques . Chaque pasteur est appelé à fournir au peuple de Dieu non pas des vérités abstraites , mais une "sagesse" , c'est à dire un message qui conjugue foi et vie , vérité et réalité. Le pape Léon XIII , avec l'assistance de l'Esprit Saint, est capable de faire cela dans une période historique des plus difficiles pour l'Eglise , en restant fidèle à la tradition et en même temps , en se mesurant avec les grandes questions ouvertes . Et il y réussit sur la base de leur "sagesse chrétienne" , fondée sur l'Écriture , sur l'immense patrimoine théologique et spirituel de l'Eglise catholique, mais aussi sur la philosophie solide et limpide de Saint Thomas d'Aquin , qu'il appréciait au plus haut point, et promut dans toute l'Eglise .

À ce point, après avoir examiné le fondement , c'est à dire la foi et la vie spirituelle , et donc le cadre général du message du pape Léon XIII , je peux parler de sa doctrine sociale , rendue célèbre et intemporelle par l'Encyclique Rerum Novarum, mais riche de multiples autres actions qui constituent le corps organique , le noyau de la doctrine sociale de l'Eglise .
Partons de la Lettre à Philémon de Saint- Paul , que la liturgie nous a heureusement permis de lire aujourd'hui. C'est le texte le plus court de toutes les lettres pauliniennes. Pendant une période d'emprisonnement , l'Apôtre a transmis la foi à un esclave de Colosses, Onésimede, qui a fui son maître , Philémon, riche habitant de cette ville , devenu chrétien avec sa famille grâce à la prédication de Paul . A présent, l'Apôtre écrit à Philémon pour l'inviter à accepter Onésime non pas comme un esclave, mais comme un frère dans le Christ . La nouvelle fraternité chrétienne dépasse la séparation entre esclaves et hommes libres , et déclenche dans l'histoire un principe de promotion de la personne qui conduira à l' abolition de l'esclavage , mais aussi permet de franchir d'autres obstacles qui existent encore . Le pape Léon XIII , consacra justement au thème de l'esclavage , l'encyclique Catholicae Ecclesiae, en 1890.

De cette expérience particulière de Saint- Paul avec Onésime , peut s'engager une réflexion ample sur la poussée de promotion humaine apporté par le christianisme dans le chemin de la civilisation , et aussi sur la méthode et le style de cet aspect , conforme à l'image évangélique de la graine et de la levure : à l'intérieur de la réalité historique, les chrétiens , agissant à titre individuel ou en association , constituent une force bénéfique de changement paisible et profond, favorisant le développement des capacités internes à la réalité elle-même. C'est cette forme de présence et d'action dans le monde que propose la doctrine sociale de l'Eglise , qui pointe toujours à la maturation ds consciences comme condition de transformations viables et durables.

Nous devons maintenant nous demander : quel était le contexte dans lequel naquit il y a deux siècles , celui qui deviendra 68 ans plus tard , le pape Léon XIII ? L'Europe ressentait la grande tempête de Napoléon , consécutive à la Révolution française . L'Église et les nombreuses expressions de la culture chrétienne avaient été radicalement remises en question (pensez , par exemple , au fait qu'on ne comptait plus les années écoulées depuis la naissance du Christ , mais le début de la nouvelle ère révolutionnaire , ou qu'on avait supprimé les noms des Saints du calendrier , des rues, des villages ...). Les populations rurales n'étaient pas favorables à ces bouleversements, et restaient attachées aux traditions religieuses . La vie quotidienne était dure; les conditions snitaires et la nourriture très insuffisantes. En même temps , l'industrie se développait et avec elle le mouvement syndical , de plus en plus organisé politiquement . Le Magistère de l'Eglise à son plus haut niveau , fut poussé et aidé par les réflexions et les expériences locales, à élaborer une lecture globale et prospective de la nouvelle société et de son bien commun . Ainsi quand , en 1878 , il fut élu à la papauté , le Pape Léon XIII se sentit appelé à la porter à son accomplissement , à la lumière de ses vastes connaissances de portée internationale , mais aussi de nombreuses initiatives réalisées sur le terrain par les communautés chrétiennes et les hommes et les femmes de l'Eglise .

Ce furent en fait des dizaines de saints et de bienheureux , de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle ,qui tentèrent d'explorer, avec l'imagination de la charité , de multiples routes pour porter le message de l'Evangile dans les nouvelles réalités sociales . Ce furent sans doute ces initiatives , avec les sacrifices et les réflexions de ces hommes et de ces femmes qui préparèrent le terrain de Rerum Novarum et d'autres documents sociaux de Papa Pecci . Déjà quand il était nonce apostolique en Belgique , il avait compris que la question sociale pourrait être affrontée de façon positive et efficace à travers le dialogue et la médiation. En une époque d'âpre anticléricalisme et de manifestations enflammées contre le pape, Léon XIII sut guider et soutenir les catholiques sur le chemin de la participation constructive , riche de contenus, ferme sur les principes et capable d'ouverture . Immédiatement après Rerum Novarum eut lieu en Italie et dans d'autres pays une véritable explosion d'initiatives : associations, banques rurales et de l'artisanat , journaux... un vaste "mouvement" qui eut dans le Serviteur de Dieu Giuseppe Toniolo l'animateur éclairé. Un pape très vieux , mais sage et clairvoyant , put ainsi introduire dans le XXe siècle, une Église rajeunie , avec la juste attitude pour relever de nouveaux défis . Le pape était encore politiquement et physiquement prisonnier au Vatican, mais en réalité , avec son enseignement , il représentait une Eglise capable de répondre sans complexes aux grandes questions du monde contemporain.

Chers amis de Carpineto Romano , nous n'avons pas le temps d'examiner ces questions . L'Eucharistie que nous célébrons, le sacrement de l'amour , nous rappelle à l'essentiel : la charité, l'amour du Christ qui renouvelle l'humanité et le monde
...
Avec joie et affection , je vous laisse donc l'antique et toujours nouveau commandement : aimez-vous les uns les autres comme le Christ nous a aimés , et avec cet amour, soyez le sel et lumière du monde . Alors vous serez fidèle à l'héritage de votre vénérable grand compatriote , le pape Léon XIII . Et qu'il en soit ainsi dans toute l'Eglise ! Amen.



Note


(*) Le Saint-Père fait allusion aux textes liturgiques du dimanche 5 septembre (source):

1ère lecture: Sg 9-13 à 9-18 (Le livre de Sagesse)

13 Quel homme pourrait connaître la volonté de Dieu? Qui donc pourrait se faire une idée des intentions du Seigneur? 14 Les pensées des mortels sont hésitantes, précaires, nos réflexions. 15 Le corps, soumis à la corruption, alourdit l'âme, l'enveloppe de terre est un fardeau pour l'esprit sollicité en tous sens. 16 Déjà nous avons peine à nous représenter les réalités terrestres, même ce qui est à notre portée, nous le découvrons avec effort. Mais les réalités célestes, qui les a explorées? 17 Et ta volonté, qui donc l'aurait connue, si tu n'avais donné toi-même la Sagesse et envoyé d'en haut ton saint Esprit? 18 Ainsi furent rectifiés les sentiers de la terre, les hommes furent instruits de ce qui te plaît et sauvés par la Sagesse.

Evangile: Lc 14-25 à 14-33 (Évangile de Saint LUC)

25 De grandes foules faisaient route avec Jésus; il se retourna et leur dit: 26 «Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. 27 Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut être mon disciple. 28 En effet, lequel d'entre vous, quand il veut bâtir une tour, ne commence par s'asseoir pour calculer la dépense et juger s'il a de quoi aller jusqu'au bout? 29 Autrement, s'il pose les fondations sans pouvoir terminer, tous ceux qui le verront se mettront à se moquer de lui 30 et diront: 'Voilà un homme qui a commencé à bâtir et qui n'a pas pu terminer'! 31 Ou quel roi, quand il part faire la guerre à un autre roi, ne commence par s'asseoir pour considérer s'il est capable avec dix mille hommes, d'affronter celui qui marche contre lui avec vingt-mille ? 32 Sinon, pendant que l'autre est encore loin, il envoie une ambassade et demande à faire la paix. 33 De la même façon, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple.