A lire, avant le voyage en Grande-Bretagne: Magister, Rodari, et "The Guardian" (7/9/2010)

Rodari et Tornielli ont apporté un début de réponse à cette question dans leur ouvrage déjà abondamment commenté Attacco a Ratzinger.
Mais la "liberté" d'expresssion étant ce qu'elle est, dans nos belles démocraties, ils ne peuvent évidemment pas tout dire... et moi non plus. Je peux juste évoquer une des raisons pour lesquelles il me semble que la piste des cathos de gauche n'est pas crédible: ils n'ont aucun poids dans les milieux d'où partent les attaques. Ils sont donc réduits au rôle d'idiots utiles, qu'ils remplissent à merveille. CQFD.

J'ai traduit trois articles, qui aident à voir un peu plus clair - ou à se forger des convictions:

- D'abord, un texte de Sandro Magister, sur son blog "secret" Settimo Cielo:
J'ai hésité, avant de le traduire, car la boue ne mérite pas une vitrine. La caution de Sandro Magister me semble cependant une garantie suffisante
Il prend appui sur un très long article paru dans un "prestigieux" magazine littéraire anglais, recensant de façon hyper-élogieuse un obscur nanar italien écrit en 2007 (dont l'auteur est mort depuis) selon lequel Joseph Ratzinger serait un homosexuel refoulé. C'est tellement grotesque, tellement tiré par les cheveux, tellement caricatural, tellement obsessionnel, en un mot tellement odieux, que l'exposer pourrait convaincre les sceptiques, les tièdes.
Ceux qui prétendent, contre l'évidence, que Benoît XVI n'est que la cible normale, d'attaques normales, c'est-à-dire celles qui prennent les "stars" pour cible.... Et que tout le reste n'est qu'affaire de communication (on voit bien, ici, à quel point cette interprétation est dérisoire!).

- Ensuite, un article de Paolo Rodari, dans Il Foglio. Il récapitule tous les chausse-trappe que les activistes de tous bords préparent pour "saluer" l'arrivée du pape. Rien de bien nouveau, il suffit de se souvenir de TOUS les voyages précédents. Par exemple, à Valence, en 2006, des cyclistes nus devaient s'exhiber. Pour ne pas parler des menaces de mort, qui pesaient sur son voyage en Turquie. Prenons le pari que rien de tout cela n'aura l'ampleur annoncée.

- Enfin, plus grave, et le pire, l'éditorial du Guardian (cf. http://www.guardian.co.uk/... ) du 6 septembre 2010.
Un journal réputé sérieux et de qualité, que les revues de presse internationales s'obstinent à nous présenter comme "de centre-gauche", façon de dire qu'il est sage et objectif. L'éditorial est pourtant un tissu de mensonges sans aucun complexes, indigne de journalisme sérieux: descendre plus bas, c'est s'abaisser au niveau de la presse trash.
L'auteur (anonyme) ose comparer le Saint-Père au dictateur chinois Hu Jintao!! Du pur délire!
Heureusement, selon lui, l'Eglise peut servir, par exemple en appui à la thèse du réchauffement climatique: quel aveu!
A part cela, on fera semblant de continuer à s'interroger: qui en veut à Benoît?
-------------------

<<< Haut de page 

Sandro Magister


Le dernier roman anglais est sur Ratzinger homosexuel et homophobe
-------------------
Le voyage de Benoît XVI au Royaume-Uni se rapproche, et le Vaticaniste anglais bien informé, Gerard O'Connell nous a tous avisés. Quelques jours avant l'arrivée du pape , la BBC et Channel 4 lui tireront deux énièmes bordées de canon, la seconde avec une enquête télévisée signée par l'un des principaux activistes gays britanniques, Peter Tatchell (cf. Protect the Pope).
L'un des chefs d'accusations concernera la position du pape sur l'homosexualité . Le fait qu'à Birmingham, Benoît XVI proclamera John Henry Newman bienheureux offrira aux accusateurs le droit de tirs ultérieurs. Newman , qui a voulu être enterré dans le même tombeau que Frère Ambrose St. John , a été recruté depuis quelque temps dans les rangs de la communauté gay et abusivement utilisé comme une arme pour leur combat contre l'Eglise catholique .
Mais il y a plus . Ces jours derniers, au Royaume-Uni , l'attaque préventive contre Benoît XVI a déjà déjà démarré en grand , lui lançant l'accusation non seulement d'être homophobe , mais pire , d'être lui-même un homosexuel qui réprime sa propre nature pour la transformer en hostilité contre ses semblables .
L'attaque a été inspirée par la traduction en anglais d'un fascicule publié en 2007 en Italie : "Le pape n'est pas gay", dont le contenu dit l'opposé du titre .
Publié en Italie par la petite maison d'édition Malatempora, et rapidement épuisé , le livre avait pour auteur Angelo Quattrocchi , un écrivain borderline mort en 2009 . Mais s'il est passé inaperçu chez nous, cela n'a pas été le cas en Grande-Bretagne. Un écrivain des plus célèbres lui a consacré un dossier monumental de 22 pages, dans le dernier numéro de la revue littéraire la plus célèbre.
La revue n'est rien moins que la "London Review of Books", fille de l'encore plus célèbre "New York Review of Books" . Et l'auteur de l'étude est le romancier irlandais Colm Toibin, d'éducation catholique, bien qu'homosexuel militant. (article en anglais ici: http://www.lrb.co.uk/v32/n16/colm-toibin/among-the-flutterers )
Comme cela ne suffisait pas , un autre écrivain célèbre qui s'autoqualifie catholique et homosexuel, Andrew Sullivan, chroniqueur et blogueur parmi les plus lus en Europe et en Amérique, s'est jeté sur la proie , avec une critique enthousiaste de la recension de Toibin.
Il l'a fait avec une note pas vraiment courte non plus , 5 pages dans le magazine " The Atlantic " malicieusement accompagnées de photos de Benoît XVI en compagnie de son secrétaire Georg Gänswein .
Avant Benoît XVI , Paul VI avait lui aussi été publiquement accusé d'être homosexuel et homophobe . Il s'en était défendu avec des mots douloureux au cours d'un Angélus du dimanche .
De Benoît XVI on attend au contraire, quand il ira en Grande-Bretagne , le "coup d'aile" auquel il nous a habitués dans tous ses précédents voyages à l'étranger, même sur des terrains hostiles comme aux États-Unis ou en France.
Le renversement total des prophéties de malheur de la veille.

<<< Haut de page 

Paolo Rodari


Insuitable guest
La visite du Pape met l'humour anglais en panne
---------
En attendant l'arrivée de Benoît XVI (16-19 Septembre ) l'humour anglo-saxon, mécanisme traditionnel de modération contre les excès de l'idéologie , semble ne plus être chez lui, outre-Manche. Ce sont surtout les médias britanniques qui tirent des coups de canon contre le pape: des coups qui veulent faire mal , au point qu'il y a seulement deux jours, sur le Times, c'est le prestigieux cardinal irlandais du Nord, Keith O'Brien , archevêque d'Édimbourg , en Écosse , qui a réagi: "Les nouvelles que la BBC consacre au catholicisme témoignent de prévention contre elle", dit-il

Ce n'est pas seulement le relief accordé par la télévision d'Etat britannique aux requêtes bizarres de deux militants athées tels que Richard Dawkins , professeur à Oxford , et Christopher Hitchens, journaliste célèbre auteur du best-seller " Dieu n'est pas grand », réclamant l'arrestation du pape pour crimes contre l'humanité dès son arrivée en Grande-Bretagne, qui a échauffé les esprits de la hiérarchie . Il y a plus . Il y a le fait que la BBC a déjà préparé un documentaire qui sera diffusé au moment où le pape sera en Angleterre, intitulé "Benoît: procès d'un pape" . Ratzinger sera mis au banc des accusés pour la politique suivie par le Vatican du temps de Wojtyla contre les péchés charnels du clergé . Le documentaire , a protesté O'Brien , est un "coup de poignard dans le dos".

O'Brien n'est pas un cardinal quelconque. Souvent sur des positions libérales - en 2003 , quelques jours avant de recevoir la barrette , il surprit, par l'ouverture au clergé marié, au clergé homosexuel et à la pilule contraceptive - s'il décide de critiquer la télévision la plus regardée de son pays, c'est que la mesure est pleine.
Et puis, il n'y a pas que la BBC . Il y a aussi Channel 4 qui inquiète O'Brien et ses collègues évêques.
Là, Peter Tatchell , leader des militants gays britanniques, diffusera une enquête dans laquelle les positions du pape sur l'homosexualité seront critiquées. Le mouvement gay soutient que Ratzinger utilise deux poids et deux mesures : tandis qu'à Birmingham, il proclame Bienheureux John Henry Newman , qui a voulu être enterré dans le même tombeau que frère Ambrose St. John - une légende toute anglaise y lit le signe d'un lien "suspect" entre les deux - , de Rome il lance des attaques pesantes contre les gays . En outre, selon Tatchell, Ratzinger lui-même serait un homosexuel qui réprime sa propre nature en s'en prenant à ses semblables . Avec Tatchell , Andrew Sullivan , un écrivain catholique et homosexuel , a soutenu lui aussi cette thèse dans un long article publié dans la revue The Atlantic , avec des photos de Benoît XVI malicieusement immortalisée aux côtés de son secrétaire particulier , Don Georg Gänswein .

Le tir contre le Pape ne vient pas seulement des médias. Tatchell a fait appel à différentes forces autour d'un mouvement issu de la base (??) "Protest the Pope" . De nombreuses associations laïques britanniques font partie de cette coordination. Vingt-cinq mille signatures ont été recueillies et les organisateurs espèrent en recueillir autant d'ici à la semaine prochaine. Les signatures sont en bas d'une pétition adressée au gouvernement et demandant non seulement d'annuler la visite du pape , mais aussi que le pape soit officiellement déclaré "unsuitable guest of the Uk government" (hôte indésirable) . Ceux qui souscrivent reçoivent un t-shirt avec les mots "Pope Nope" ( Non au Pape ), à arborer lors de la "Big March " , le marche qui se déroulera de Hyde Park Corner jusqu'au 10 Downing Street, le 18 Septembre . Durant les jours de la visite, d'autres manifestations accompagneront la présence du Pape. La plus singulière est sans doute celle des habitants de Twickenham . Le pape se rendra dans le quartier londonien pour y rencontrer les dirigeants d'autres religions , au St. Mary 's University College . Des citoyens l'y attendront , tentant de bloquer la route d'accès et de concert avec la "Richmond Coalition Against The State Visit" protesteront pour le fait que "leur zone est offensée par la présence d'un pape ".

<<< Haut de page 

The Guardian


Visite du pape : Bad tripper, good trip (mauvais voyageur , bon voyage)
Il existe de puissants arguments contre la visite de Benoît XVI - , mais la tête de l'Eglise catholique est une force qui ne peut être ignorée

Éditorial
The Guardian, Lundi 6 Septembre 2010
-----------------------
Le Vatican n'est pas un état ordinaire , et le voyage du pape en Grande-Bretagne ce mois-ci ne sera pas une visite d'Etat ordinaire. Aucun autre dirigeant visitant ces rivages ne prend le temps, entre les rencontres et dîners officiels de procéder à une béatification, comme Benoît XVI envisage de le faire . Aucun , sans doute, même pas le président des États-Unis , ne peut espérer drainer autant de foule, attirer autant d'adulation - ou susciter autant de ressentiment . Ce sera une grosse affaire . La tempête autour du coût de 10 millions de livres ou plus aux frais du contribuable doit être replacée dans ce contexte. Les prosélytes athéistes encouragent le ressentiment public contre les frais de maintien de l'ordre lors de la visite du pape , et pourtant les mêmes font flamber ces coûts en suggérant qu'ils essayeront de l'arrêter. L'argument financier est une distraction (un leurre) , un simple voile sur le sentiment plus profond de savoir si oui ou non il est juste que Whitehall déroule le tapis rouge pour le plus grand théocrate (ndt: façon d'entretenir la confusion avec les ayatollahs, sans doute...) du monde.

Le procès moral contre Benoît est puissant - et convaincant .
Pour tout le travail admirable contre la pauvreté que le catholicisme inspire dans le monde entier , l'Eglise aggrave directement le sort des personnes vulnérables .
Elle s'insurge contre la FIV (fécondation in vitro) qui donne des enfants à ceux qui n'en ont pas, contre la recherche sur les cellules souches qui donne de l'espoir aux malades , et contre l'usage du préservatif - même en tant que moyen de prévenir la propagation du VIH . Ses vues rigides sur l'homosexualité et le rôle des femmes ne sont pas uniques dans les religions du monde , ou même au sein du christianisme , mais l'ampleur des abus sexuels sur des enfants , dont ses prêtres se sont rendus coupables, a été choquant, comme sa tendance à serrer les rangs en réponse au scandale. Benoît lui-même , un ultra-conservateur , a manœuvré dans le passé pour préserver l'autonomie de l'Église en ces matières, plutôt que de les remettre directement à la police (ndt: on sait que cette interprétation de l'instruction "Des délits les plus graves" est archi-fausse, et parfaitement contraire aux faits) . Il a également protégé des personnalités catholiques qui ont fermé les yeux sur les atrocités nazies (Willianson?) .

Un procès contre Benoît , cependant, n'est pas la même chose qu'un procès pour lui interdire une visite d'Etat. Toutes sortes de tyrans ont été bien accueillis à Londres au fil des ans , et - pour prendre un exemple - le dossier des droits de l'homme en Chine , qui est uniformément sombre , alors que celui du Vatican est mélangé, n'a pas empêché le Président Hu Jintao de jouir d'un voyage grandiose en 2005. Les puristes voudraient s'opposer en toutes circonstances aux concessions à la brutalité, mais la plupart des rationalistes qui protestent contre la visite du pape accepteront que la paix et la prospérité reposent sur des arrangements avec le pouvoir tel qu'il est , par opposition au pouvoir tel que nous aimerions qu'il soit.
On en vient à l'argument selon lequel le Vatican n'est pas un vrai Etat, un point récemment soulevé par le philosophe AC Grayling , qui a spéculé sur le traitement que les dirigeants du monde lui réserveraient s'il déclarait que son jardin du sud de Londres est une nation .

Il y a peut-être ici un écho à la question méprisante de Staline sur le nombre de divisions que le pape avait . En fait, le pape est un chef d'Etat , quelqu'un qui entretient des relations diplomatiques avec 178 capitales du monde entier . Au titre de ce que le Foreign Office étiquette comme soft power , il est une force qui ne peut être ignorée . Le chef spirituel d'un milliard de personnes dans le monde est , pour le meilleur ou pour le pire , quelqu'un de poids . L'Eglise catholique a eu une influence négative au sein de notre propre politique il y a quelques années en forçant les ministres travaillistes à laisser tomber un projet qui aurait favorisé un mélange des croyances religieuses dans les écoles . Mais il a été une force de bien , aussi, en obtenant l'effacement de la dette des pays pauvres , et de plus en plus une voix utile sur le changement climatique . Londres a raison de reconnaître que le pape est dans une meilleure position pour protéger la forêt tropicale brésilienne que le Foreign Office .

Le pape pourrait venir dans un sens purement pastoral , par opposition à son rôle diplomatique, comme son prédécesseur en 1982 . Même ainsi, l'arrivée du dernier souverain pontife avait coïncidé avec une brève trêve dans la guerre des Malouines , et la vérité, cette fois , c'est qu'il y a de la diplomatie sérieuse à faire . Peu attrayant , comme l'est le saint visiteur à bien des égards , son voyage est pleinement justifié .

<<< Haut de page