L'éditorial de KTO, le dossier de La Vie, un remarquable billet de Patrice de Plunkett sur la visite au parlement, et quelques réflexions de Damian Thompson (18/9/2010)

 

Le bel éditorial de KTO


Quand l'anecdote supplante l'essentiel
http://www.ktotv.com/
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Ce vendredi 17 septembre était attendu : Benoît XVI allait donner un nouveau chapitre de sa série de réflexions sur "foi et raison" devant les représentants de la société civile, dans le Westminster Hall, lieu symbole de la politique britannique. Le même jour il allait rencontrer le Primat anglican, dans sa résidence officielle de Lambeth Palace, et prier lors d'un office œcuménique à Westminster's Abbey.

Un gros programme, avec des images fortes et des paroles denses en perspective.

Mais voilà, notre société de l'information a ses règles. Scotland Yard a arrêté six personnes soupçonnées de préparer un attentat pendant la visite pontificale. Dès lors, à grand coup de « breaking news » et de dépêches urgentes, les médias ont décliné cette information. Détail après détail.

Assurément, c'est une information. Mais que gagne-t-on à la répéter en boucle, à la place de ce dont il est vraiment question aujourd'hui : le fonctionnement de nos sociétés et la contribution que les chrétiens peuvent et doivent y apporter par leur témoignage ?

L'avantage des discours du Pape, c'est qu'ils ne seront pas périmés demain. Espérons juste que l'enchaînement des nouvelles laissera un peu de temps pour les lire.
Benoît XVI explique précisément quelles sont les conditions pour qu'une société se construise en vue du bien commun : avec le souci de la justice, la protection des plus faibles, la liberté de conscience ... voilà peut être un le meilleur programme de lutte contre le terrorisme.

 

Le dossier de La Vie


Jean Mercier, dont nous avions déjà eu l'occasion d'apprécier le professionalisme, lors du voyage en Terre Sainte (même si nous ne sommes certes pas du même bord) est l'envoyé spécial de La Vie sur les pas du Pape au Royaume-Uni.
Le magazine consacre à l'évènement un dossier très fourni et très intéressant, dont beaucoup d'articles sont en libre accès: http://www.lavie.fr/dossiers/pape-grande-bretagne/ .


L'article consacré à la visite à Lambeth Palace est bien vu, si l'on met de côté le dépit, et même l'hostilité du journaliste, qui lui aussi a choisi son "camp" (curieuse formulation, s'agissant des vérités du christianisme!)... et ce ne doit pas être celui du saint-Père: il a bien identifié le passage-clé du discours du Pape. Et ce qui pour lui est sans doute une faute de ce dernier, pour nous, est une preuve magnifique que le Saint-Père n'entend se laisser dicter ni son comportement ni ses discours
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http://www.lavie.fr/...
Le pape dénonce la dérive libérale des Anglicans
Jean Mercier

Le pape est tassé dans son fauteuil et écoute le sermon de l'archevêque de Canterbury d'un l'air visiblement épuisé et parfois quasiment absent (ndlr: j'ai vu le direct sur KTO, c'est vraiment n'importe quoi)...

Le discours de Mgr Williams est un bel hommage à Benoît XVI. Il souligne qu'ils ont en commun la charge épiscopale, et notamment le ministère de communion qu'elle implique. Williams cite des extraits de l'homélie inaugurale du pontificat, le 24 avril 2005, lorsque le pape appelait à faire toute confiance à Jésus Christ. L'archevêque de Canterbury appelle à un témoignage commun entre catholiques et anglicans, appuyée sur la quête commune de la sainteté. Il termine en mentionnant John Henry Newman, qui, après son entrée en communion avec Rome en 1845, avait reçu un témoignage d'amitié de son ami anglican Edward Pusey qui lui avait dit : "Seul ce qui n'est pas saint dans nos deux Eglises nous sépare".

A ce propos très spirituel, le discours du pape répond à un niveau... disons plus diplomatique. Beaucoup de politesse et de courtoisie dans le rappel de l'importance de l'oecuménisme, des avancées passées, de l'amitié accumulée...enfin tout ce qu'il faut, mais on a l'impression que le pape fait le minimum syndical. Il ajoute la phrase qui fait mouche : "Nous reconnaissons que l'Eglise est appelée à être inclusive, mais pourtant jamais au détriment de la vérité chrétienne. Là est le dilemne devant lequel se trouvent tous ceux qui s'engagent authentiquement sur le chemin de l'oecuménisme."

J'ai du mal à ne pas entendre, dans cette phrase, un jugement sans appel de Benoît XVI: l'Eglise “inclusive” est l'Eglise anglicane qui intègre les gays et les lesbiennes dans la prêtrise et l'épiscopat. Mais qui, donc, selon Benoît XVI, est infidèle à la vérité du christianisme. Il fait ici clairement référence au schisme qui déchire les anglicans, divisés entre libéraux (dont fait partie Williams) et conservateurs (ceux qui font sécession sous la houlette des évêques du sud). Ce propos du pape ne peut que donner des arguments aux opposants conservateurs de Williams au sein de l'anglicanisme.

Trop dur, le pape ? Ou plutôt trop clair ! En disant son fait à Rowan Williams, il choisit son camp. Celui d'un christianisme doctrinalement traditionnel... Sur ce chemin, l'unité est possible avec les orthodoxes, mais avec les Eglises protestantes libérales, comme l'Eglise d'Angleterre, il apparaît dans l'impasse. En somme, cette rencontre peut se résumer au désarroi d'un archevêque de Canterbury, très affaibli, qui tend la main à un pape, combatif, incisif, qui s'abstient poliment de la serrer trop fort.

 

La remarquable synthèse de texte de P. de Plunkett


Dieu sait que je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il écrit (eh oui, il faut le dire!) mais là, Patrice de Plunkett s'est livré à l'exercice pas facile (surtout sur les discours du Pape, qui sont toujours d'une grande richesse) de la synthèse de texte à chaud, sur le discours vraiment mémorable prononcé par le Saint-Père devant la British Society... et son travail est remarquable.
Il mérite d'être reproduit en entier:

(A propos de ce même discours, Philippine de Saint-Pierre, elle aussi très inspirée, regrettait encore une fois, dans le dernier flash sur KTO, que ce "vibrant plaidoyer pour la place de l'Eglise dans la société civile", soit occultée par la nouvelle d'une menace terroriste)


Jamais vu : le pape s'est adressé au Parlement britannique

Son discours a été magistral :

Benoît XVI, venu en visite d'Etat, est le premier chef de l'Eglise romaine à avoir été invité par le Parlement de Londres. Dans le grand hall de Westminster où fut décapité Thomas More et où aucun pape n'avait jamais pénétré, il vient de prononcer un discours historique.

Reprenant ses thèmes centraux (la raison et la foi, la contribution de l'Eglise au bien commun par le débat de fond, l'urgence de donner à la démocratie une assise éthique stable), il n'a pas hésité à aborder les sujets brûlants : d'une part, la crise mondiale, la morbidité d'une économie financière amorale, le contraste entre l'empressement des Etats à sauver les banques et leur peu d'empressement à lutter contre la pauvreté ; d'autre part, les droits de la conscience face aux pouvoirs, et le droit de la religion à n'être pas réprimée et enfermée dans la sphère privée.
Avec une habileté magistrale, Benoît XVI a présenté positivement la chose en prenant l'exemple – éminemment éthique – de de la prohibition de la traite des esclaves par le Parlement de Wetminster en 1807 ; invitation à transposer cet exemple au XXIe siècle, en d'autres domaines tout aussi polémiques.
Les parlementaires ont longuement et chaleureusement applaudi le pape.
Spectacle mémorable : parlant à l'Angleterre "mère des Parlements", le chef de l'Eglise catholique a mis la démocratie occidentale en face de ses responsabilités envers la civilisation.

Dehors, la foule agitait des drapeaux jaune et blanc et des banderoles de bienvenue. ("Les catholiques ont gagné la bataille du nombre", constatait ce matin le Telegraph). Mêlés à cette foule, quelques centaines de gens poussaient des cris hostiles, commentés avec fièvre par l'envoyée spéciale de France 24. Sur quoi les télévisions allaient-elles insister ce soir ? Sur l'événement capital qui venait de se dérouler dans l'enceinte de Westminster ? Ou sur la poignée d'insulteurs dans la rue ?-

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Un commentaire de cet article, relatif au traitement médiatique, est non moins finement analysé:

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HESITATION DES MEDIAS FRANCAIS
Il me semble ce soir que les médias français hésitent sur la voie à prendre pour "passer à côté" de l'essentiel du voyage du pape en Grande Bretagne: les deux premiers tirs ont fait long feu (on annonçait un mauvais accueil alors qu'il y a eu plus de 120.000 personnes dans les rues d'Edimbourg), quant au matraquage sur la pédophilie, il a été pris à contre-pied par les phrases courageuses du pape dans l'avion.
Comment faire aujourd'hui ? Soit se focaliser sur les arrestations de six terroristes présumés, soit mettre l'accent sur les groupuscules critiques (gays et autres) ou sur les clins d'oeil du protocole (accueil par une femme prêtre à Westminster Abbey, ou photo de famille avec l'archevêque de Canterbury et sa femme sur le perron de Lambeth house).
Et le voyage n'est pas fini, les rédactions médiatiques françaises ont encore du travail pour tenter de faire passer l'opinion à côté de l'événement, sans être sûres de ne pas être prises à contre-pied.


Et un autre écrit:

Cela serait amusant d'observer, si ce n'était pas aussi lamentable et triste. Et ce sont ces gens la qui forment l'opinion publique....au secours !!


Décidément, je suis d'accord avec tout!

 

Damian Thompson


Je suis le successeur de Pierre, rappelle le Pape à l'assistance

L'abbaye de Westminster a réservé un accueil magnifique au Pape Benoît XVI : cérémonie et chants dignes de ce grand événement . Je bloguerai plus tard (ndt: ici) sur le succès remarquable de cette journée, mais je dois constater que le pape a rappelé par deux fois à l'assistance qu'il est le successeur de saint Pierre - ajoutant qu'il a une responsabilité particulière pour l'unité de la chrétienté à travers le monde . C'est ce que j'aime au sujet de Benoît : il montre la plus grande courtoisie , mais jamais , jamais il ne tente de masquer la réalité avec des platitudes.