L'analyse intéressante de Frédéric Mounnier, de La Croix. (19/9/2010)

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Il relie justement les messages apportés les dernières années dans différents pays de la vieille Europe: à Ratisbonne, Vienne, Paris, Prague, et aujourd’hui Londres.

Personnellement, je pense que l'intention du Saint-Père n'était pas de faire un voyage politique: mais il l'est forcément devenu, par la stature du protagoniste, et la nature de son message.

Benoît XVI en Grande-Bretagne : un voyage à dominante politique
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Au fil de plusieurs discours de grande portée, le pape a proposé aux démocraties occidentales une réflexion d’ampleur sur leurs rapports avec les religions.

Depuis son élection, chaque année à l’automne, Benoît XVI choisit un vieux pays d’Europe occidentale pour lui adresser une sorte de leçon inaugurale académique, reprenant les fondements de la foi catholique et envisageant son application concrète dans ces sociétés post-modernes et sécularisées. Ce fut successivement Ratisbonne, Vienne, Paris, Prague. Et aujourd’hui Londres.
C’est pourquoi, lorsque le pape a insisté, devant les journalistes, au départ de Rome, sur le caractère plus pastoral que politique de cette visite d’Etat au Royaume-Uni, il a manifestement fait preuve d’une modestie exagérée.
Car, assurément, ce voyage est politique. Tant la nature que la tonalité des propos pontificaux ont, à cet égard, largement dépassé le cadre des Iles Britanniques. Benoît XVI a parlé, à nouveau, aux démocraties occidentales.

Mais d’abord, il faut à nouveau prendre acte du renversement d’opinion, déjà observé lors d’autres voyages. Dès jeudi soir, devant le véritable succès populaire remporté par le pape en Ecosse, les médias britanniques, plus qu’acides jusque là, ont dû admettre, certes du bout des lèvres, que le public, au moins catholique et qui plus est multiculturel, multicolore, était largement au rendez-vous.

Mais la parole de Benoît XVI, durant la journée de vendredi, ne visait pas seulement à conforter son peuple dans la foi. Il s’est livré à un véritable exposé ordonné, non seulement sur les racines de la foi, mais aussi sur sa mise en œuvre concrète dans le monde contemporain.

A commencer par l’éducation. Le pape, ayant renouvelé dès le premier jour de son voyage, son mea culpa et celui de l’Eglise sur les abus sexuels, appelle les enseignants, qui plus est catholiques, à être de véritables éducateurs.

« Le travail d’un professeur ne consiste pas seulement à transmettre des informations ou à enseigner des compétences pour procurer un profit économique à la société », a-t-il expliqué dans un salut aux enseignants catholiques.

Et de donner également une définition de l’enseignement catholique qui ne manquera pas de stimuler des réflexions locales : « L’éducation n’est pas et ne doit jamais être considérée selon une optique purement utilitaire. Il s’agit de former la personne humaine, en lui donnant le bagage nécessaire pour vivre pleinement sa vie – en bref -, il s’agit de transmettre la sagesse. »

Puis, préfigurant les prochaines JMJ, alors qu’il se tient devant 4000 jeunes, il a ensuite choisi des mots volontairement simples pour se faire le chantre d’un véritable « développement personnel catholique ».

« J’espère que parmi ceux d’entre vous qui m’écoutent aujourd’hui, se trouvent des futurs saints du vingt-et-unième siècle, leur a-t-il lancé. Ce que Dieu veut plus que tout pour chacun de vous c’est que vous deveniez des saints. Il vous aime beaucoup plus que vous ne pourrez jamais l’imaginer, et il veut ce qu’il y a de meilleur pour vous. Et de loin, la meilleure chose pour vous c’est de grandir en sainteté. »

Puis, en présence des représentants des grandes religions présentes au Royaume-Uni, il a insisté : « La présence de croyants engagés dans les divers domaines de la vie économique et sociale manifeste avec éloquence que la dimension spirituel de nos vies est fondamentale pour notre identité d’êtres humains. »

Mais le chapitre essentiel de ce vendredi a porté sur la place et le rôle des catholiques en politique. Dans un discours devant la société civile britannique, qui restera dans les annales pontificales à l’égal du discours des Bernardins, le pape a posé la question du fondement de l’éthique politique, et de la conjugaison entre la foi et la raison.

« Quelles sont les exigences que des gouvernements peuvent raisonnablement imposer aux citoyens, et jusqu’où cela peut-il aller ? En faisant appel à quelle autorité les dilemmes moraux peuvent-ils être résolus ? et le bien commun promu ? », s'est-il inerrogé dans les lieux mêmes où Thomas More avait été reconnu coupable de trahison pour avoir « suivi sa conscience, fusse au prix de déplaire au Souverain dont il était le "bon serviteur". »

Benoît XVI s'est alors livré à un plaidoyer en faveur du rôle de la religion dans la vie sociale. « La tradition catholique soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation, a-t-il expliqué. Selon cette approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des non-croyants – encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion – mais plutôt d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs ».

En conclusion, le pape a toutefois regretté que ce « rôle "correctif" de la religion à l’égard de la raison n’est toutefois pas toujours bien accueilli ». Soulignant sa « préoccupation devant la croissante marginalisation de la religion », il a estimé que la religion « n’est pas un problème que les législateurs doivent résoudre, mais elle est une contribution vitale au dialogue national ».

Frédéric MOUNIER, à Londres