Toutes les interventions du Pape lors de son voyage au Royaume-Uni (22/9/2010)

Il me paraît intéressant de rassembler les interventions in extenso du Saint-Père autour de ce thème, durant le voyage au Royaume-Uni, telles qu'elles sont publiées sur le site du Saint-Siège.
Pour les medias - qui avaient bien l'intention de s'en servir pour obscurcir le message papal, et ne s'en sont pas privés - il s'est agi d'une salve de mea culpa du Pape, et, de leur part, de l'auto-absolution des basses manoeuvres mises en oeuvre pour l'impliquer personnellement.
Il est indubitable qu'il y a eu un crescendo dans la "publicité" (je ne dis pas dans la "prise de conscience") donnée personnellement par Benoît XVI à ces évènements. Je pense que ce faisant, il s'est comporté très habilement, désamorçant les critiques avant l'explosion, et coupant littéralement l'herbe sous le pied à ses contradicteurs. Il fallait qu'il agisse ainsi, pour contrer les accusations "d'étouffement", dont chacune de ses interventions était un démenti.

Dans l'Eco di Bergama, Lucio Brunelli écrivait (cf. La transparence et la grâce):
"Il peut paraître humiliant pour un pape , d'être si souvent obligé de répéter les mêmes choses; de répondre sans cesse à une accusation ( la couverture de prêtres pervers ) qui en réalité ne le concerne pas personnellement ( il est maintenant évident qu'il a fait beaucoup plus de son prédécesseur pour lutter contre ce fléau ) . Mais c'est justement ainsi que Benoît XVI se révèle un grand Pape.
Il place le bien de l'Eglise avant son image
" .

C'est très juste.
Une autre clé pour comprendre son attitude peut aussi se trouver dans le dernier discours, celui aux évêques, qui était indubitablement une admonestation d'une sévérité inhabituelle - y compris dans son injonction à "être généreux dans la mise en application de la Constitution apostolique Anglicanorum Coetibus" (*) . On y perçoit son irritation croissannte contre les mauvais prêtres, et leurs évêques laxistes, qui "[minent] gravement la crédibilité des responsables de l’Église". Comme si le Pape leur disait "maintenant ça suffit! ce que vous avez fait est inexcusable, et vous avez fait assez de dégâts!"

* * *

(*) Qui m'a fait très exactement penser à la même injonction adressée aux évêques français pour l'application du Motu Proprio Summorum Pontificum (http://tinyurl.com/3xxltw9 )

1. 16 septembre, dans l'avion:
http://tinyurl.com/2wzf5vn
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Je dois dire que ces révélations ont été pour moi un choc. Elles suscitent en moi une grande tristesse, il est difficile de comprendre comment cette perversion du ministère sacerdotal était possible. Le prêtre, au moment de l'ordination, préparé pendant plusieurs années, à ce moment-là, dit oui au Christ pour se faire sa voix, sa bouche, sa main et le servir de toute son existence pour que le Bon Pasteur, qui aime, aide et guide vers la vérité soit présent dans le monde. Comment un homme qui a fait et dit cela peut ensuite tomber dans cette perversion, c'est difficile à comprendre, c'est une grande tristesse, une tristesse aussi que l'autorité de l'Eglise n'ait pas été assez vigilante et pas suffisamment rapide, ferme, pour prendre les mesures nécessaires. C'est pour toutes ces raisons que nous nous trouvons dans un temps de pénitence, d'humilité et de sincérité renouvelée, comme je l'ai écrit aux évêques irlandais. Il me semble que nous devons à présent accomplir un temps de pénitence, un temps d'humilité, et renouveler et réapprendre une sincérité absolue. Quant aux victimes, dirais-je, trois choses sont importantes. Les victimes sont la première de nos priorités: comment pouvons-nous réparer, que pouvons-nous faire pour aider ces personnes à surmonter ce traumatisme, à retrouver la vie, à retrouver aussi la confiance dans le message du Christ. Prendre soin, s’engager pour les victimes: telle est la première priorité, à travers des aides matérielles, psychologiques, spirituelles. Deuxièmement, le problème des coupables: la juste peine, les exclure de toute possibilité d'accès aux jeunes, parce que nous savons que c'est une maladie et que la libre volonté ne fonctionne pas avec ce type de maladie; nous devons protéger ces personnes contre elles-mêmes, et trouver le moyen de les aider et de les protéger contre elles-mêmes et les exclure de tout contact avec les jeunes. Le troisième point est la prévention dans l'éducation et dans le choix des candidats au sacerdoce. Etre attentifs de façon à ce que, selon les possibilités humaines, de futurs cas soient exclus. Et je voudrais ici remercier aussi l'épiscopat britannique pour son attention, pour sa collaboration, tant avec le Siège de Pierre qu'avec les instances publiques, et pour son attention à l’égard des victimes et du droit. Il me semble que l'épiscopat britannique a fait et continue de faire un grand travail et je lui en suis très reconnaissant.

2. 18 septembre, homélie lors de la messe dans la Cathédrale de Westminster: http://tinyurl.com/37k8dkn
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De nouveau, je pense à l’immense souffrance provoquée par les abus commis sur les enfants, spécialement au sein de l’Église et par ses ministres. J’exprime avant tout ma profonde affliction aux victimes innocentes de ces crimes innommables, espérant que la puissance de la grâce du Christ et son sacrifice de réconciliation leur apporteront une profonde guérison et la paix. Je reconnais aussi, avec vous, la honte et l’humiliation dont nous avons tous souffert à cause de ces péchés ; et je vous invite à les offrir au Seigneur, sûrs que le châtiment contribuera à la guérison des victimes, à la purification de l’Église et à un renouveau de son engagement séculaire dans l’éducation et dans la sollicitude pour les jeunes. J’exprime ma gratitude pour les efforts qui ont été faits afin de traiter ce problème de manière responsable, et je demande à chacun d’entre vous d’apporter votre soutien aux victimes et d’être solidaires de vos prêtres.

3. 19 septembre, aux personnes en charge de la protection de l'enfance:
http://tinyurl.com/2wandnn
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Il est à déplorer que, en contradiction totale avec la longue tradition de l'Église d’éducation et de protection de l’enfance, des enfants aient pu être victimes d’abus et de mauvais traitements de la part de certains prêtres et religieux. Nous avons tous acquis aujourd’hui une conscience beaucoup plus vive de la nécessité de protéger les enfants, et vous représentez une part importante dans les nombreuses réponses apportées par l'Église à ce problème.
S’il ne peut y avoir aucune complaisance à cet égard, il faudrait toutefois reconnaître, en les lui comptant comme crédit, les efforts que l’Eglise a déployés dans ce pays et ailleurs, en particulier ces dix dernières années, pour garantir la sécurité des enfants et des jeunes et pour leur manifester le plus grand respect tout au long de leur croissance.

4. 19 septembre, aux évêques
http://tinyurl.com/35j88d6
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Une autre question a retenu l’attention ces derniers mois, et mine gravement la crédibilité des responsables de l’Église, c’est celle des abus honteux qui ont eu lieu contre des enfants et des jeunes de la part de prêtres et de religieux. J’ai souvent parlé des blessures profondes que causent de tels comportements, d'abord et surtout chez les victimes, mais aussi dans les relations de confiance qui devraient exister entre les prêtres et les personnes, entre les prêtres et leurs Évêques, et entre les autorités de l’Église et le public. Je sais que vous avez pris des mesures sérieuses pour porter remède à cette situation, pour faire en sorte que les enfants soient effectivement protégés de toute atteinte et pour gérer de manière adéquate et dans la transparence les plaintes au moment où elles surgissent. Vous avez publiquement exprimé vos profonds regrets pour ce qui est arrivé, et pour la manière souvent inadéquate avec laquelle de tels faits ont été traités dans le passé. Ayant davantage conscience de l’étendue des abus contre les enfants dans la société, avec leurs effets dévastateurs, et de la nécessité d’offrir un soutien adéquat aux victimes, vous devriez vous sentir stimulés pour partager les enseignements ainsi reçus avec l’ensemble de la communauté. En effet, quel meilleur moyen d’offrir réparation pour ces péchés, sinon de vous tourner, dans un esprit d’humble compassion, vers les enfants qui, ailleurs, continuent à souffrir de ces abus? Notre devoir de veiller sur les jeunes n’exige pas moins que cela.
En réfléchissant sur la fragilité humaine que ces événements tragiques révèlent de manière si violente, nous devons nous souvenir que, pour être de véritables guides chrétiens, il nous faut vivre notre vie dans la plus grande honnêteté, humilité et sainteté.