Sur Eschaton, commentant le voyage au Royaume-Uni: comment Benoît XVI ne se résigne pas à une Eglise qui n'aurait pas de bras temporel. (22/9/2010)

Source: http://www.wmaker.net/eschaton/...


Demain la chrétienté
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Lors de son voyage au Royaume-Uni, Benoît XVI a frappé fort pour dénoncer une démocratie qui ne serait fondée que sur le consensus social:
« Si les principes moraux qui sont sous-jacents au processus démocratique ne sont eux-mêmes déterminés par rien de plus solide qu’un consensus social, alors la fragilité du processus ne devient que trop évidente – là est le véritable défi pour la démocratie. » a-t-il déclaré dans son discours du 17 septembre au Parlement. C’est en parfaite continuité avec les propos durs de Jean Paul II contre la démo(n)cratie, la démocratie sournoisement totalitaire, dans « Centesimus annus ».
A Edimbourg, il a mis sur le compte du relativisme, qui gangrène notre culture, cette perte de tout fondement transcendant à la morale : « L’évangélisation de la culture est d’autant plus importante de nos jours, alors qu’une “dictature du relativisme” menace d’obscurcir l’immuable vérité sur la nature humaine, sa destinée et son bien suprême ».

Il a exhorté les laïcs à ne pas abandonner le monde de la culture à la dynamique mortifère qui le travaille et à lui insuffler la dimension sapientiale qui lui fait défaut en intervenant dans la vie publique:
« Pour cette raison, je lance un appel particulier à vous les fidèles laïcs, en accord avec votre vocation et votre mission baptismales, à être non seulement des exemples de foi dans la vie publique, mais aussi à introduire et à promouvoir dans le débat public l’argument d’une sagesse et d’une vision de foi. La société d’aujourd’hui a besoin de voix claires qui prônent notre droit de vivre, non pas dans une jungle de libertés autodestructrices et arbitraires, mais dans une société qui travaille pour le vrai bien-être de ses citoyens et qui, face à leurs fragilités et leurs faiblesses, leur offre conseils et protection. N’ayez pas peur de prendre en main ce service de vos frères et sœurs pour l’avenir de votre nation bien-aimée. »

Enfin, à Hyde Park, dans son discours de samedi soir, il a montré quelles étaient les conséquences du triomphe de la culture apostate et mortifère : la mise à l’écart des chrétiens, la difficulté qui leur est faite de vivre en chrétien:
«Pour qui regarde avec réalisme notre monde d'aujourd'hui, il est manifeste que les chrétiens ne peuvent plus se permettre de mener leurs affaires comme avant. Ils ne peuvent ignorer la profonde crise de la foi qui a ébranlé notre société, ni même être sûrs que le patrimoine des valeurs transmises par des siècles de chrétienté va continuer d'inspirer et de modeler l'avenir de notre société. »

Ces propos confirment ce qu’écrivait Jean Madiran dans « La civilisation blessée au cœur » : « ... l’Eglise a besoin d’un bras temporel et même de beaucoup plus. Partout où elle n’a pas la collaboration sincère d’un pouvoir politique indépendant d’elle, elle ne peut survivre qu’en redevenant mystiquement , puis physiquement , une Eglise des martyrs (…) car mon jeune camarade, c’est un grand mystère, il ne suffit pas d’avoir la foi. Nous sommes faits pour vivre notre temporel en chrétienté. Ailleurs, quand ce n’est pas le martyre physique, ce sont les âmes qui n’arrivent plus à respirer. »

Mais Benoît XVI ne se résigne pas à ce triste constat de reflux et d’étouffement. Il évoque alors très clairement quelle doit être notre espérance :« Nous savons qu'en des temps de crise et de bouleversement, Dieu a suscité de grands saints et prophètes pour le renouveau de l'Église et de la société chrétienne.»
Cette dernière phrase met en perspective ses autres discours. Ses appels à fonder la démocratie sur des normes transcendantes, à refuser le relativisme, à prendre en charge la vie culturelle et publique trouvent leur sens ultime dans ce projet d'édification d’une société chrétienne. C’était déjà le programme qu’il avait proposé en avril 2006 " étant donné qu'il existe une culture hédoniste qui veut nous empêcher de vivre selon le dessein du créateur, nous devons avoir le devoir de créer des ilots, des oasis, puis de grands terrains de culture catholique, dans lesquels vivre les desseins du Créateur" (aux jeunes le 6 avril 2006, Place St Pierre)


Julien Gunzinger