Un bilan pas comme les autres de la visite de Benoît XVI au Royaume-Uni (27/9/2010)

Il y a désormais eu beaucoup de commentaires, sur le succès extraordinaire du voyage au Royaume-Uni. Objectivement, tous ceux que j'ai reproduits dans ces pages sont beaux, mais une semaine après, ils deviennent un peu répétitifs.
Tous ceux qui accordent au Saint-Père un crédit de bienveillance ont désormais compris que par sa présence lumineuse et ses paroles limpides, il a renversé tous les pronostics pessimistes des "oiseaux de mauvaise augure".
L'heure est venue maintenant de la troisième phase, celle que l'Abbé de Taouarn nomme simplement "après" (cf. Benoît XVI politique): "Il reste les textes. Puissants. Que l'on a entendu et que l'on garde sous le coude pour les méditer".
Dans ce registre, cet article du quotidien en ligne Ragion Politica (1) écrit pourtant à chaud, me paraît excellent. Il identifie clairement les trois clés du discours du Pape: Foi et raison, éducation, vocation.

Texte en italien ici: Site de Raffaella
Ma traduction.

Benoît XVI est un Pape qui fait l'histoire .
Gianteo Bordero (Ragion Politica, 20/9/2010)

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Comment le firent les grands Papes réformateurs du Moyen-Age , qui surent re-proposer la fraîcheur et la nouveauté du message chrétien dans des époques confuses et difficiles .
La vraie réforme - a expliqué Ratzinger à plusieurs reprises, et déjà comme cardinal - n'est pas un changement de structure , mais c'est une oeuvre de purification du cœur et de la raison , de désincrustation et d'élimination de ce qui n'est pas essentiel à la foi chrétienne .
Cela a encore été évident lors du Voyage au Royaume-Uni, qui s'est terminé dimanche avec la cérémonie de béatification du cardinal John Henry Newman . Une figure que Benoît XVI a désigné comme un symbole du dialogue fructueux entre foi et raison, comme un maître de véritable éducation , et surtout comme un homme qui a été en mesure de répondre avec courage et sans réserve, à l'appel de Dieu. Trois thèmes, donc, qui ont servi de fil conducteur à la visite papale , et qui suggèrent un parcours de renouveau spirituel dans lequel le Pontifie identifie le point pour un nouveau départ, non seulement pour la présence chrétienne dans le monde , mais aussi pour une cohabitation solide et féconde , qui sache davantage mettre vraiment au centre la personne humaine dans son intégralité .

Foi et raison.

La question de la relation entre foi et raison a été au centre de l'intervention de Benoît XVI à Westminster Hall , face aux autorités civiles britanniques . Il existe des principes moraux - a dit le Pape - qui sont accessibles à la raison humaine, même "indépendamment du contenu de la révélation", et qui peuvent offrir "le fondement éthique des choix politiques" .
Cela signifie que la tâche de l'Eglise et des chrétiens n'est pas tant celle de donner "d'en haut" à la société des normes morales sur lesquelles la lumière naturelle de l'intellect de chacun, croyant ou non, puisse s'appuyer , que celle d' "aider à purifier et à jeter la lumière sur l'application de la raison dans la découverte de principes moraux objectifs" . Cela implique d'une part que la religion doive se voir reconnaître un rôle public qui aujourd'hui lui est souvent refusé , dans les sociétés sécularisées , au nom d'une conception de la foi comme une simple question privée ; d'autre part , la religion doit aussi reconnaître le rôle purificateur de la raison afin de ne pas tomber dans le sectarisme et le fondamentalisme , "formes déviantes de la religion" qui "peuvent se révéler la cause de graves problèmes sociaux " . La perspective indiquée par Papa Ratzinger est encore une fois celle d'une saine laïcité , à laquelle il appelle à la fois les croyants et les non croyants : "Le monde de la raison et le monde de la foi - le monde du sécularisme rationnel et celui de la croyance religieuse - ont besoin l'un de l'autre et ne doivent pas avoir peur d'entrer dans un dialogue profond et permanent pour le bien de notre civilisation " .

L'éducation.
Cette question a été abordée par le Pontife dans la rencontre avec les représentants des écoles catholiques et, plus tard dans son homélie pendant la messe de béatification du cardinal Newman . Pour rendre possible un dialogue fructueux entre la foi et la raison , il est nécessaire qu'à la base, il y ait un parcours éducatif qui valorise l'intégralité de la personne humaine , la préparant à "vivre sa vie dans sa plénitude". C'est celui pour lequel le Bienheureux John Henry Newman s'est prodigué: "Fermement opposé - a dit le pape - à toute approche réductrice ou utilitariste , il a essayé de parvenir à un environnement éducatif dans lequel la formation intellectuelle , la discipline morale et l'engagement religieux étaient associés". Il s'agit d'une éducation à la sagesse, entendue non seulement comme savoir intellectuel , mais comme ouverture à la réalité dans son ensemble et à l'étendue des questions qui vivent dans le coeur de chacun . C'est la dimension transcendante de l' étude et de l'enseignement qui a été "clairement comprise par les moines qui ont tant contribué à l'évangélisation de ces îles": ce fut leur tâche de "jeter les bases de notre culture et civilisation occidentales".

Vocation.

Obscurcie par les médias - qui, dans de nombreux cas , ont préféré se concentrer uniquement sur les déclarations du Pape sur les cas de pédophilie dans le clergé - c'était peut-être le point qui tenait le plus à coeur à Benoît XVI lors de son voyage au Royaume-Uni . On l'a pressenti lors de la veillée de prière à Hyde Park, en préparation de la cérémonie de béatification de Newman , lorsque, face à une centaine de milliers de jeunes - un nombre plus important que prévu , qui a déconcerté les habituels oiseaux de mauvais augure annonçant des jours sombres pour le pape aux États-Unis et en Grande-Bretagne - Ratzinger a parlé du chemin de conversion du cardinal anglais, et a rappelé une de ses méditations : " Dieu m'a créé pour lui offrir un service spécifique . Il m'a donné un travail qu'il n'a pas confié à d' autres" . Ainsi, il devient clair que le dynamisme de la foi chrétienne n'est pas destiné à être relégué à la sphère privée : l' adhésion personnelle à la vérité révélée, au Christ qui est "le Chemin, la Vérité et la Vie " , est par sa nature la réponse publique à une tâche spécifique à laquelle nous sommes appelés . Ceci est particulièrement urgent dans un temps où "une crise profonde de la foi est survenue dans la société" . S'adressant alors aux jeunes , le Pape les a a exhortés à "oeuvrer pour la diffusion du Royaume, imprégnant la vie temporelle des valeurs de l'Evangile", ne craignant pas l'appel de Dieu , mais étant ouverts à "sa voix qui résonne au plus profond du cœur" . Comme le cardinal Newman , dont l'expression connue "Cor ad cor loquitur", choisie comme devise de la visite papale ,"permet de pénétrer dans sa compréhension de la vie chrétienne comme appel à la sainteté , vécue comme l'intense désir du coeur humain d'entrer dans la communion intime avec le cœur de Dieu " . La vocation de tous les chrétiens à la sainteté passe par le "oui" de chacun à la tâche que Dieu lui a assigné . Ainsi vit le christianisme dans l'histoire , et ainsi Benoît XVI l'a re-proposé durant quatre jours intenses au Royaume-Uni .

© Copyright Ragion Politica



Note (1)

D'après ce site:
Mort en 2009, le fondateur de Ragion Politica, le P. Gianni Baget Bozzo était "un personnage inclassable du catholicisme italien", qui après avoir été collaborateur du cardinal Siri comme directeur de la revue Renovatio, est entré en politique et a été élu député européen en 1989 sous étiquette socialiste. Il a occupé cette fonction jusqu'en 1994, date à laquelle il participa à la fondation de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi.