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TENSIONS ENTRE DUBLIN ET LE VATICAN
 

Le premier ministre irlandais (depuis le 9 mars 2011) Enda Kenny lance une attaque sans précédent contre le Vatican.
J'aurais préféré ne pas en parler, mais bon... quand les medias s'en donnent à coeur joie, pourquoi ne pas donner la parole à la défense? En l'occurrence Massimo Introvigne, qui voit dans les menaces du gouvernement irlandais une attaque très grave contre la liberté religieuse. (22/7/2011)


-> Lire ici la Lettre du Saint-Père aux catholiques d'Irlande du 20 mars 2010.




 
 

Lu sur le site http://www.presseurop.eu/...
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"Kenny accuse le pape de minimiser le viol et la torture d'enfants", titre l'Irish Independent. Une semaine seulement après la publication du rapport Cloyne sur la maltraitance des enfants au sein de l'Eglise, le Premier ministre Enda Kenny a lancé une attaque historique contre le Vatican.
Le rapport, qui a examiné les allégations de maltraitance des enfants contre 19 prêtres dans le diocèse de Cloyne, dans le sud de l'Irlande, a mis au jour une culture du camouflage et de l'obstruction à la justice qui a conduit tout droit jusqu'à Rome.

S'exprimant devant le Dail (le Parlement irlandais), Kenny a déclaré: "Le viol et la torture d'enfants ont été minimisés ou 'gérés' afin de faire respecter la primauté de l'institution, sa puissance, sa solidité et sa réputation."
Dans ce que le quotidien de Dublin considère comme "son discours le plus fort en tant que Premier ministre – et sans doute de toute sa carrière" (ndlr: il n'est premier ministre que depuis 4 mois, et nous n'avons évidemment pas, en tant que français, les clés de lecture pour interpréter un tel discours...), il a déclaré que les révélations "ont amené le gouvernement, les catholiques irlandais et le Vatican à un tournant sans précédent."
Le Vatican n'ayant fait aucun commentaire, l'Irish Independent note que "le discours de M. Kenny est sûr d'envoyer une onde de choc à travers la hiérarchie catholique et le Vatican. L'Irlande a toujours eu une relation servile avec le Saint Siège."

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La video ci-dessous tendrait à prouver que les medias sont une fois de plus en train de broder un motif autour d'un trou, et que, comme chez nous, les députés irlandais sont payés pour être absents aux débats!!!




 



L'avocat de la défense!

Attaque contre le secret du confessionnal. Clash entre l'Irlande et le Saint-Siège
Massimo Introvigne
La Bussola (ma traduction)
22/07/2011
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L'affrontement en cours entre l'Irlande et le Saint-Siège, après la publication, le 13 Juillet, du rapport sur les abus de mineurs par des prêtres du diocèse de Cloyne, est sans précédent dans l'histoire européenne récente.
Le Premier ministre Enda Kenny a attaqué très durement le Saint-Siège au Parlement. Le nonce apostolique a été convoqué par le gouvernement. Selon un sondage publié par le quotidien The Irish Independent , non seulement la majorité des députés, mais 72% de la population seraient favorable à la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican.
L'aspect le plus grave de l'histoire est un projet de loi qui, s'il est approuvé, obligerait les prêtres à rapporter les informations d'abus de mineurs, même apprises en confession: s'ils ne le faisaient pas, ils risqueraient cinq ans de prison.

Sur cette dernière proposition, il faut avant tout être très clair. Il s'agit d'une violation très grave et sans précédent de la liberté religieuse. Pas même les pires des gouvernements anticléricaux des XIXe et XXe siècles en France n'ont jamais osé attaquer le secret de la confession,
et au moment où l'anti-catholicisme protestant influençait très fortement la vie politique des Etats-Unis, à plusieurs reprises, la Cour suprême de Washington a déclaré que violer le caractère sacré de la confession catholique détruirait la notion même de liberté de religion, sur laquelle l'expérience américaine s'est construite. Comme certains prêtres irlandais l'ont déjà dit, si cette loi absurde devait vraiment passer, et s'ils devaient être interrogés sur le contenu des confessions, il ne leur resterait qu'à rester silencieux et à aller en prison, étant donné qu'ils doivent obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Mais on peut espérer que la Cour européenne des droits de l'homme constatera la violation flagrante de la liberté religieuse, ou, mieux encore, qu'une fois passée l'émotion de ces jours, le parlement irlandais ne prendra même en compte l'approbation de la loi.

Mais d'où vient toute cette émotion?
Le rapport sur le diocèse de Cloyne a suscité la colère du monde politique et de beaucoup d'Irlandais, pour trois raisons.

Premièrement, parce que pendant vingt-trois ans, l'évêque de Cloyne était Mgr John Magee, qui fut secrétaire personnel de trois papes - Paul VI (1897-1978), Jean-Paul Ier (1912-1978) et Jean-Paul II (1920-2005) - et que c'est une figure très connue en Irlande. A vrai dire, à la lecture du rapport, il s'avère que Mgr Magee est accusé principalement de ne pas avoir suivi personnellement les histoires de prêtres pédophiles, les déléguant à son vicaire général, Mgr Denis O'Callaghan; mais sa vigilance semble en effet avoir été insuffisante .

En second lieu, le rapport examine dix-neuf cas de prêtres accusés d'abus de mineurs de 1996 à 2009, soit après le document de 1995 Child Sexual Abuse: Framework for a Church Response (Cadre pour une réponse de l'Eglise), préparé par une commission d'experts à laquelle la Conférence épiscopale irlandaise avait demandé de faire des suggestions après les premiers scandales. Six de ces cas furent signalés aux autorités civiles par le diocèse; parmi les treize restants, neuf, selon le rapport auraient également dû être signalés, mais le diocèse ne l'a pas fait.

Troisièmement - et c'est la principale raison de la crise avec le Saint-Siège - le rapport insiste sur une lettre de 1997, déjà publiée sur différents sites depuis des mois, dans laquelle le nonce apostolique en Irlande d'alors, Mgr Luciano Storero ( 1926-2000), transmettait aux évêques irlandais les «sérieuses réserves» de la Congrégation pour le Clergé sur la manière dont le document de 1995 formulait l'obligation de dénoncer aux autorités civiles les affaires de pédophilie.

Une grande partie de la presse et des politiciens irlandais voient dans la lettre de Mgr Storero la preuve que le Saint-Siège a demandé aux évêques irlandais de désobéir, comme le dit le Premier ministre, "à leurs propres lignes directrices" de 1995, et à la loi de leur pays.
Mais en vérité, il n'en est pas ainsi.

Le document de 1995, contrairement aux autres mesures adoptées par les Conférences épiscopales des Etats-Unis, d'Allemagne et d'ailleurs, ne constituait pas une directive officielle des évêques, mais l'avis d'un comité d'experts. Et la loi irlandaise à l'époque n'obligeait absolument pas les évêques à dénoncer les abus à la justice. La Congrégation pour le Clergé elle-même avait publiquement appelé les évêques irlandais à coopérer avec les autorités civiles. La lettre de Mgr Storero avertissait simplement qu'une dénonciation généralisée de cas pas encore confirmés - qui n'était en aucune façon requise par les lois en vigueur de l'État d'Irlande - violerait le droit canon et les droits des accusés, qui - après tout - pouvaient fort bien être innocents. Et, peut-être, rares sont ceux qui ont lu le passage du rapport, par ailleurs très sévère avec l'Église, qui affirme qu'aujourd'hui, le droit canon, dans les cas d'abus sur mineurs, est plus sévère et efficace que les lois civiles de l'Irlande.

Il demeure vrai, comme l'a dit le porte-parole du Vatican le père Federico Lombardi dans un communiqué du 20 Juillet, présenté comme sa première réaction personnelle à la crise, qu'à la lecture de la lettre de Mgr Storero "on peut discuter de l'opportunité d'une intervention romaine à l'époque, en rapport à la gravité de la situation en Irlande".
Comme toujours, pour éviter la confusion et l'ambiguïté, quand il s'agit de prêtres pédophiles, il convient de porter l'attention sur deux aspects de la crise.
D'un côté il y a d'évidentes exagérations sur le nombre - nous parlons ici de neuf cas controversés dans un pays où, malheureusement, les abus de mineurs ont été des milliers, et où la grande majorité a eu lieu en dehors de l'Eglise catholique -, la reconstruction inexacte des faits, des réactions énervées, et des propositions démesurées, et illégales par rapport aux conventions internationales qui protègent la liberté religieuse, comme la loi qui attaquerait le secret de la confession.
D'autre part, une réaction purement défensive de l'Eglise catholique serait erronée.

Sur les prêtres pédophiles, certains utilisent une loupe grossissante qui déforme la taille du phénomène au profit de virulentes campagnes laïcistes.
Mais s'il n'y avait pas de prêtres pédophiles, la loupe n'aurait rien à agrandir. Malheureusement, les prêtres pédophiles existent, et il y a eu des évêques et des prélats peu vigilants.
Dans sa lettre aux catholiques d'Irlande, le 19 Mars 2010, le pape Benoît XVI a certes invité à ne pas généraliser, et à ne pas oublier que la grande majorité des prêtres en Irlande, n'a rien à voir avec les abus. Mais dans le même temps, il a dénoncé avec des mots très forts la honte et le scandale de la pédophilie dans l'Eglise, ne manquant de stigmatiser les comportements "par omission" de certains évêques, et demandant pardon de Dieu, aux victimes et aux Irlandais.
Toute dénonciation justifiée des exagérations et des manipulations laïcistes, qui impliquent parfois des attaques vraiment inouïes contre l'Église, doit aussi dénoncer - comme le pape continue à l'enseigner - le scandale bien réel des prêtres pédophiles et des évêques peu vigilants, enquêter sur ses causes, qui renvoient à une crise théologique, culturelle et spirituelle, et soutenir les mesures du Saint-Siège visant à isoler et à frapper durement les pommes pourries. Faute de quoi il est facile de passer du côté du tort..

Les raisons de l'Irlande, un pays qui compte plus de mille ans d'amitié avec le Saint-Siège et qui est troublé par ce que Benoît XVI lui-même a décrit dans sa lettre de 2010 comme des "actes scandaleux et criminels", doivent être comprises. Le dialogue diplomatique doit dans le même temps, aider à éviter des remèdes - tels que les attaques contre le secret de la confession - pires que les maux qu'ils prétendent guérir.




Déclaration du Père Lombardi (VIS)

Répondant à des journalistes à propos de la polémique tournant autour du diocèse de Cloyne, le Directeur de la Salle-de-Presse du Saint-Siège, le P.Federico Lombardi, SJ, a fait la déclaration suivante:
"Je confirme que le Saint-Siège répondra de manière opportune au Gouvernement irlandais à propos du rapport relatif au diocèse de Cloyne. Quoiqu'il en soit, on ose espérer que le débat autour d'une question aussi délicate se développe avec objectivité, de manière à favoriser ce que tous ont à coeur, la protection des mineurs et un renouveau qui se fasse dans la confiance et la collaboration au sein de l'Eglise comme de la société, ainsi que l'a appelé de ses voeux le Pape dans sa lettre aux catholiques irlandais".




Le Card. Ratzinger en Espagne, en 1989 | L'urgence éducative