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BREIVIK ET LES CRITIQUES DU MULTICULTURALISME
 

Vito Punzi, dans la Bussola, réagit à un article du Corriere della Sera (qui nous interroge sur la désespérante uniformité de la grande presse, à l'échelle planétaire! on voit chez nous aussi que la classe médiatique ne s'applique pas à elle-même le slogan à géométrie variable "pas de récupération"), reliant la folie homicide de Breivik à ceux qui s'opposent au multiculturalisme. Et la dure expérience de Thilo Sarrazin dans un quartier turc de Berlin (3/8/2011).




 

Thilo Sarrazin à Kreuzberg Le quartier turc de Berlin. Une image peu vue dans la presse française....

 

(La Bussola, ma traduction)
Vito Punzi
01/08/2011
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Vendredi, le Corriere della Sera, dans un article signé Paolo Lepri s'est fait l'écho d'une partie des déclarations hasardeuses de Sigmar Gabriel, président du Parti social-démocrate allemand, le SPD, au cours de sa visite en Autriche, à propos de l'acte criminel commis par Andrew Behring Breivik. Dans ses paroles il y avait une association claire entre le vaste secteur de la société allemande qui l'an dernier a lu le livre de Thilo Sarrazin (1), sur l'échec des politiques d'intégration en Allemagne (1,3 millions d'exemplaires vendus) et les actes criminels de fous qui justement grâce à cette société et aux réflexions de personnalités comme Sarrazin se sentent légitimés à accomplir des actes extrêmes.

Dommage que Lepri n'ait toutefois pas rapporté ce que Gabriel a ajouté le lendemain, c'est-à-dire que dans ses paroles, il n'y avait aucune intention d'établir un relation entre les actions violentes d'Oslo et son camarade de parti. "Aucun des débats qui se sont déroulés chez nous ou ailleurs", a-t-il dit, "ne peut être pris comme un prétexte pour des actions violentes, du type de ce qui s'est passé en Norvège". En plus de ne pas signaler la correction du président du SPD, Lepri, apparemment encore plus convaincu que Gabriel lui-même, comme il le souligne, qu'il exite "un réseau de contacts parmi les organisations qui opèrent à la lumière du soleil et les fanatiques qui agissent dans l'ombre", met en relation les membres du mouvement "Pro Köln" (2) avec Breivik pour la seule raison que, longtemps auparavant, il leur a envoyé son "manifeste" et que quelqu'un l'a par hasard évalué positivement. On est frappé par la superficialité du correspondant du Corriere, qui définit "Pro Köln" comme "anti-islamique".

Il est bon de rappeler que la bataille, finalement perdue, autour de laquelle ce mouvement est né, voulait empêcher la construction de la grande mosquée à Cologne. "La grande mosquée est une déclaration de guerre de la part de ceux qui sont ennemis de l'intégration", tonnait à cette époque Necla Kelek, la sociologue turco-allemande qui se bat depuis des années dans la défense des femmes musulmanes et collabore au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, "donc, elle n'a rien à voir avec la liberté religieuse: c'est une expression politique de l'islam turc". Le promoteur et futur propriétaire de la grande mosquée est en fait la DITIB (Union Turco-Islamique pour la Promotion de la religion), une instance financée directement par le gouvernement d'Ankara (on peut se demander pourquoi le Corriere, dans un article du 9 août 2008, a préféré taire ce fait ...). "Le projet rappelle expressément l'ancienne basilique de Sainte-Sophie à Istanbul", a ajouté Kelek. "À l'époque occupée et transformée en mosquée par les Osmans. Proposer ce modèle revient à dire 'voilà, nous sommes arrivés jusqu'ici' " (2). Rien de xénophobe, donc, dans les propos de Kelek, pas plus que dans les arguments de "Pro Köln", qui s'en inspiraient, et s'en inspirent, mais plutôt une évaluation des faits qui , par la nature même de l'Islam, est essentiellement d'ordre politique, plutôt que religieux. (3)

Revenant à Sarrazin et à ses idées, il est utile de rappeler ce qui s'est passé il y a quelques semaines, quand, un an après la publication de son livre, "l'Allemagne se détruit" (si discuté par les allemands et pourtant non lu - par préjugé - par la chancelière allemande Angela Merkel) la télévision publique ZDF avait décidé de tourner un documentaire sur l'ancien ministre des Finances du Land de Berlin dans les rues de Kreuzberg, le quartier de la capitale à écrasante majorité turque (ndt: nombreuses videos disponibles sur youtube, il suffit de taper les mots-clés "Sarrazin" et "Kreuzberg", voir par exemple ici). Accompagné par la journaliste Güner Balci, elle aussi turco-allemande comme Kelek, et très critique envers ses compatriotes qui vivent en Allemagne, Sarrazin n'a pas évité les dures confrontations survenues au "marché turc", au restaurant "Hasir" et près du siège de la communauté alévite (ndt: L'alévisme, un courant de l'islam, constitue la seconde religion en Turquie après le sunnisme. Il représente entre 20 à 25 % de la population nationale), et le 17 Juillet, il a publié un bref compte-rendu sur «Die Welt» (ignoré par le Corriere) pour confirmer ce qui avait été prouvé par la ZDF: "Dans les derniers mois", écrivait-il entre autres choses, "je n'avais pas eu le sentiment de recevoir dans les rues des manifestations d'inimitié, mais cette fois, devant les caméras, c'était différent".
"Raciste", "Nazi, va-t'en" , tels sont les cris qui fusaient de toutes parts dans les rues de Kreuzberg et qui lui étaient adressés. Une fois à l'intérieur de "Hasir", où il devait rencontrer le propriétaire Ahmet Aygün, dont la famille est propriétaire de cinq restaurants et d'un hôtel quatre étoiles, une femme crie: "Comme habitante de ce quartier je ne viendrai plus manger dans ce restaurant, car après la visite de Sarrazin, avec ses thèses, il restera pollué". Peu après arrive le directeur du restaurant: "Nous, les Turcs, nous sommes très accueillants, mais je ne pense pas que nous pouvons vous servir". L'ancien banquier et Balci ont été contraints de quitter le restaurant parmi les invectives des passants et se demandent pourquoi le directeur n'avait pas appelé la police: "C'est précisément le problème", commente Sarrazin, "une fois sous pression, cet homme d'affaires turco-allemand prospère a choisi d'être loyal aux provocateurs de son groupe ethnique, plutôt qu'à l'hôte allemand"

La journée dans les rues de Kreuzberg ne s'est pas mieux poursuivie, puisque le conseil de la communauté alévite a refusé de rencontrer Sarrazin. "Un ex-sénateur méritant de Berlin, à qui on ne peut rien reprocher sinon d'avoir écrit un livre avec des chiffres dérangeants et les analyses qui s'y rapportent", sont les derniers mots amers de son article pour Welt, "a été contraint d'endurer des brimades et de quitter ce quartier de Berlin qui devrait représenter la pointe de l'intégration en Allemagne. Malheur à nous si, comme beaucoup l'espèrent, les conditions de Kreuzberg sont le laboratoire de l'Allemagne de demain".
Tout cela est arrivé à Berlin quelques jours avant les massacres d'Oslo et Utroya.
Peut-on vraiment croire qu'on peut attribuer Sarrazin une quelconque responsabilité pour les crimes de Breivik?




Notes

1) Thilo Sarrazin (1945-) est un politicien socialiste (SPD), économiste et banquier allemand. Il était membre du directoire de la Deutsche Bundesbank depuis le 1er mai 2009. Il a quitté le directoire de la Deutsche Bundesbank le 1er octobre 2010, révoqué après le tollé déclenché par la parution d'un ouvrage critique sur les musulmans.
Son livre « Deutschland schafft sich ab » (l'Allemagne court à sa perte) est le livre politique le plus vendu de la décennie en Allemagne. (wikipedia)




 
 

(2) Justement, ce lundi 1er août, premier jour du Ramadan, la grande mosquée de Strasbourg a été inaugurée, sous les commentaires pâmés de la presse locale. Peut-on dire la même chose? (photo ci-contre faite par moi dimanche, j'inorais que l'inauguration était pour le lendemain

(3) On comparera l'article de la Bussola avec celui-ci paru sur le site au titre éloquent (Café Babel)




 

La mosquée de Strasbourg inaugurée le 1er Août 2011

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