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OTTO DE HABSBOURG: DES FUNÉRAILLES D'EMPEREUR
 

Carlota reprend, annote, et commente un article splendide de Javier Ruiz Portella, déjà traduit par le site Polemia: " Il n'y a que le rite et l'Histoire pour vaincre la mort " (4/8/2011)

Sur Otto de Habsbourg, voir aussi:
Mort d'Otto de Habsbourg
Otto de Habsbourg
L'Europe trahie

Il faut voir sur le site de la BBC un reportage sur les obsèques, avec des images hiératiques, d'une beauté à couper le souffle: http://www.bbc.co.uk/news/world-europe-14174891




Carlota

Ce texte a été écrit par Javier Ruiz Portella (1) qui n’est pas, c’est le moins qu’on puisse dire, un homme de consensus, mais c’est sans doute un homme au cœur ardent.
C’est dans ce sens je crois qu’il faut lire ce qui suit, écrit pour une circonstance particulière, mais qui donne à réfléchir sur notre avenir à tous et ce que nous en ferons, car ne sommes-nous pas complices (ou avons été, ne serait-ce que par nos bulletins de vote abandonnés à des hommes politique sans véritables convictions ou sans scrupules), à des degrés plus ou moins diverses, de ceux contre lesquels l’auteur fulmine avec une furia toute hispanique.
Original ici www.elmanifiesto.com, paru aussi en français ici www.polemia.com/ .
Ma traduction:




 
 

« À côté du Charles Quint du Titien, un président de la République n’a-t-il pas […], en vérité, un certain air de retour, je ne dirai pas que cela fait de lui un chef de tribu, mais un maire, oui, ou juge de paix ».
José María Pemán (2).


Jamais une dynastie détrônée n’aura reçu, comme l'a reçu à Vienne le samedi 16 juillet 2011 la dynastie des Habsbourg, un semblable hommage de la part de son peuple. De ses peuples en réalité, car ils étaient beaucoup, disparates et entremêlés, les peuples qui, au milieu d’une harmonie unique en Europe, composaient l’Empire austro-hongrois.

Et tous ils étaient là en ce samedi : Hongrois, gens de Bohème, Slovaques, Polonais, Croates, Bosniaques, Slovènes. Avec leurs drapeaux et leurs costumes spécifiques. Et avec l’emblème commun à tous : avec le drapeau, l’écu et l’hymne de l’Empire. Sortis du coffre. Ressuscités pour la première fois après que les vainqueurs de la première partie de la Guerre Civile Européenne aient tout liquidé en cette funeste année 1918 (ndt Pour être plus exact, il y a eu depuis les obsèques de l’Impératrice Zita. Mais la cérémonie du 16 juillet dernier est d’autant plus symbolique qu’Otto de Habsbourg n’a jamais régné stricto sensu).

Et l’Armée autrichienne était là rendant les honneurs. Et étaient là les représentants des Maisons Royales et des Gouvernements de toute l’Europe, et les chevaliers de l’Ordre de Malte, et les titulaires (ndt chevaliers) de la Toison d’Or (ndt Ordre fondé en 1430 à Bruges par le Duc de Bourgogne, Philippe le Bon, branche bourguignonne de la dynastie capétienne, père de Charles le Téméraire. L’ordre va comprendre ultérieurement une branche autrichienne et une branche espagnole).

Et l’archiduc Charles était là, celui en qui se perpétue la lignée. Et les fils de l’Archiduc étaient là, et qui à leur tour la perpétueront.

Et le peuple était là. Attendant, rassemblé dans les rues où des milliers de personnes s’étaient regroupés pour rendre hommage à celui qui, ayant pu être leur souverain, était porté en une procession solennelle, - les cloches de Vienne sonnaient le glas, les canons tiraient vingt et une salves d’honneur, de la Cathédrale Saint Étienne à la Crypte Impérial des Capucins.

Et la mort était là, - vaincue. Nous seulement celle du Prince héritier de la Couronne Impérial et Royal dont le cercueil était conduit à la Crypte dans laquelle il reposera à côté des ancêtres de sa lignée vieille de sept cents ans. Non, pas seulement sa mort : celle de tous.

Vous ne le voyez pas ? C’est la mort, imbéciles, dont il s’agit ! La vôtre aussi, misérables, nains insignifiants qui vous déchirez les habits (en supposant que vous en portiez : il fait chaud et il n’y a que la commodité qui importe) devant tant de rite, tant de solennité, tant d’Histoire… ! Devant tant de grandeur.

Crevez donc! Passez comme le vent. Passer sans laisser de trace de votre présence sur terre. Crevez sans peine, ni gloire, puisque vous détestez tant la grandeur et la gloire.

Crevez …si ce n’était qu’en vous inclinant comme vous vous inclinez devant la mort, en faisant comme vous le faites afin que nos peuples ignorent tout lien, toute continuité dans le temps, c’est nous tous, de cette façon que vous tuez (3)


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(1) Javier Ruiz Portella est un journaliste et écrivain espagnol (né à Barcelone en 1947). Il a notamment collaboré avec Pio Moa à des travaux sur la Guerre Civile espagnole. Il anime aussi El manifiesto qui se présente comme un journal politiquement et socialement incorrect. Anti-système, Portilla dénonce sans relâche : l’absence de réelles différences entre les politiques menées par les grands partis espagnols, de droite et de gauche ces dernières décennies, la récente « histoire officielle » imposée par le parti socialiste espagnol, le conformisme grégaire de nos sociétés esclaves du matérialisme et de la consommation (« Los esclavos felices de la libertad » - 2005) et tout récemment un petit essai en réponse à l’« Indignez-vous » de Stéphane Hessel dont il souligne les contradictions et la dissidence, somme toute, très conformiste. En France il collabore avec le portail d’information Polemia. Nous l’avions notamment rencontré lorsqu’il donnait son avis sur les « Indignés » et la « Spanish revolution ».

(2) José María Pemán (1897 –1981) est un homme de lettres espagnol, monarchiste, partisan de D. Juan de Bourbon (le père de l’actuel roi d’Espagne). Il a toujours prôné la continuité dynastique après la Guerre Civile, n’appréciant pas le choix du Général Franco pour lui succéder. Il a reçu, peu de temps avant sa mort, la Toison d’Or des mains de Juan Carlos I.

(3) Paroles très dures qui semblent ne pas assez insister sur le fait que nous ne faisons que passer sur terre mais que c’est pourtant là que nous construisons notre avenir dans l’éternité, les petits comme les grands (ou ceux qui se croient grands). Notre responsabilité est certes individuelle, mais elle est d’autant plus grande que nos talents personnels sont grands, de même que nos aspirations. Tant pis pour nous, mais plus encore pour « nos élites » qui croient pouvoir s’en affranchir.




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