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LES TÉMOINS DE JÉHOVAH ET LES JEUNES CATHOLIQUES
 

Certaines sectes ont profité du grand rassemblement madrilène des JMJ pour faire du prosélytisme, en particulier parmi les populations hispanophones. Le témoignage d’un jeune prêtre et journaliste espagnol, traduit par Carlota (3/9/2011)




Carlota

Voici la traduction de textes écrits par un jeune prêtre espagnol de 28 ans, le Père Luis Santamaría, ou concernant l’une de ses activités, ce qui lui vaut que certaines personnes dans son pays le considèrent comme « aussi mauvais que Ratzinger ». C’est bien sûr un titre de gloire qu’il convient de souligner !

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I.- Présentation du Père Luis Santamaría et pourquoi cette réputation ?
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Je laisse la parole au P. Manuel María Bru Alonso qui en parle sur son blog hébergé ici: http://blogs.cope.es/

« Aussi mauvais que Ratzinger ». C’est ainsi que les responsables de certaines sectes espagnoles appellent le jeune prêtre et journaliste Luis Santamaría, délégué épiscopal des moyens de communication sociale du Diocèse de Zamora (Ndt: un des diocèses de Castille-Léon, limitrophe de la frontière portugaise), et curé rural, qui de ses 28 ans, a présenté ce matin à Madrid, au siège de la Fondation « Crónica Blanca » (1), devant les médias, son livre « Qué ves en la noche?» Que vois-tu dans la nuit ? (photo ici ) sous-titré « religion et sectes dans le monde actuel », sur le dialogue culturel de l’Église aujourd’hui et sur le grand défi d’évangélisation que suppose l’essor des sectes.
Rien de plus opposé à la liberté chrétienne, à l’offre d’amitié et de suivi du Christ, lequel, comme le dit jusqu’à satiété Benoît XVI, « donne tout et ne prend rien », que la confiscation de la liberté intérieure que supposent les sectes auto - dénommées « religieuses », mais en réalité ce qu’elles enseignent et promeuvent sont tout le contraire de la religion car la religion est une nouvelle union avec Dieu et avec les hommes, une nouvelle union transcendante, une nouvelle union dans l’amour qui jamais ne sépare, qui jamais n’affronte, qui jamais ne porte à la violence, mais qui toujours recompose, réconcilie, aime et pacifie.
Interrogeant l’auteur du livre sur la difficulté juridique et sociale de limiter l’action délictuelle des sectes, nous avons pu rappeler que des sectes très dangereuses en Espagne, comme celle de Scientologie ont été reconnues comme religion par le Tribunal Constitutionnel (Ndt: « La Iglesia de Scientology de España » a son siège située dans l’un des quartiers les plus côtés de Madrid, et elle a vraiment pignon sur la rue Santa Catalina, à deux pas de la Chambre des députés espagnoles – Je suis passée devant récemment !). Ce qui démontre que le Tribunal Constitutionnel a la même capacité d’affaiblir la réalité pour distinguer ce qu’est une religion de ce qui n’en est pas comme l’on peut distinguer ce qui est parti démocratique du masque d’un groupe terroriste (Ndt: allusion à la reconnaissance assez récente comme parti légal en Espagne d’un ex-groupe de l’ETA).
Durant la présentation du livre nous avons pu aussi entendre le récit, spontanément apporté par une victime des sectes, de la façon dont « étaient séquestrés » ses enfants et petits enfants, majeurs et mineurs, qui arrivent à détester leurs parents, frères et grands parents. Luis Santamaría nous a fait voir que cette plaie qui attire un demi million d’Espagnols, est un drame humain et social auquel nous devons donner une réponse, au sujet duquel personne ne veut rien savoir parce que personne ne veut affronter ce qui arrive.
Et ce qui arrive, a-t-il expliqué très clairement, c’est que, comme le disait Chesterton, quand une société qui perd la foi dans le Dieu véritable, elle n’en vient pas à l’incroyance, mais elle croit en n'importe quoi. Cette société croit, - et met sa vie, en des faux dieux de l’indignité personnelle et du manque de liberté, entre autres en des dieux du relativisme irrationnel des sectes (Ndt: à chacun de comprendre ce qu’est la Religion Catholique par rapport à d’autres pratiques sectaires voire religieuses… où la conversion peut se faire par la force et l’intimidation, et ceux qui changent de religion peuvent être torturés et même tués. Le site http://www.aed-france.org/ en donne des exemples tous les jours).




 

Le Père Luis Santamaría qui est également membre du Réseau Ibéroaméricain d’Étude des Sectes - la Red Iberoamericana de Estudio de las Sectas (RIES) - parle de la stratégie d’un certain organisme durant les JMJ de Madrid (original ici http://www.enacciondigital.com/ )

II. Les témoins de Jéhovah et les jeunes catholiques
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Comme le dit la chanson bien connue, « la vie te réserve des surprises »…
Il y a seulement trois jours, j’ai publié un article sur l’action prosélyte de certaines sectes dans le contexte des JMJ de Madrid. J’y disais déjà ce que la réalité rencontrée lors de cet événement m’avait suggéré, sans l’avoir vraiment prévu à l’avance. J’y reviens cependant de nouveau.
C’est lourd! diront certains. Mais il m’est arrivé quelque chose qui a motivé ce commentaire additionnel. Le jour même de la publication de l’article [du 30 août – voir plus bas] un adepte de la secte de Jéhovah m’a envoyé un très précieux document, qu’il a reçu à son niveau par un contact interne. La source n’est pas identifiée pour des motifs évidents de sûreté. Certains pourront dire qu'il n’est pas rigoureux de citer une source anonyme, que je pourrais l’avoir inventée moi-même, ou que cela pourrait être une grossière manipulation. Mais il y a trois raisons pour que j’écrive tout cela en me fiant à un document interne : la fiabilité de mon informateur, le style propre du texte qui correspond à celui des témoins de Jéhovah, et la confirmation qui m'a été faite par quelques compagnons de pèlerinage des JMJ de ce qu’ils avaient vécu au cours de leur conversation avec les adeptes de Jéhovah.

Conformément à ce qu’ils m’ont raconté, quelques 400 jeunes témoins de Jéhovah des communautés locales de Madrid ont été sélectionnés, et ont reçu quelque temps avant les JMJ une instruction au moyen du document que je vais décrire. L’idée était d’approcher les pèlerins catholiques avec sympathie et naturel, avec les consignes de ne pas porter la cravate traditionnelle des « publicateurs » (c’est ainsi qu’on les appelle dans le jargon propre au groupe des adeptes, car ils se consacrent à rendre publique leur doctrine en diffusant leurs propres publications imprimées). Une image informelle dictée par le bon sens car cela aura beaucoup frappé de voir des jeunes impeccablement mis, portant cravate et porte documents élégant, se mélanger à leurs contemporains accoutrés de maillots, de chapeaux et de foulards de couleurs criardes. Ça, c’est pour les garçons, mais il a eu également une mutation externe pour les filles comme me l’a confirmé une pèlerine de Zamora, car une jeune témoin de Jéhovah qui lui a parlé, portait un jean, claire alternative à la jupe qu’elles portent toujours.

Dans le document de source anonyme, les situations qui sont exposées aux agents prosélytes de la secte sont au nombre de cinq : « On nous aborde pour parler de religion » ; « On nous demande des informations pour aller à un monument, un musée, un restaurant, etc ; « Cela se passe dans les transports en commun ou un parc » ; « en faisant du tourisme » ; « en cheminant vers un évènement ». Et elles sont présentées concrètement en cinq exemples de conversation, avec diverses questions qui se rapportent au sens des JMJ, de l’identité chrétienne des participants, etc. L’approche est totalement positive, sans indices d’agressivité anticatholique d’aucune sorte, et sans s’identifier comme témoins de Jéhovah. Nous pouvons lire dans les présentations des phrases comme « Cela m’enchante de voir des jeunes avec des préoccupations spirituelles », « Moi aussi j’essaie d’être un bon chrétien. Cela m’encourage beaucoup de voir la foi que tu as », ou « Je vois que tu es une personne qui prend au sérieux la religion ». Ces phrases et d’autres supposent une captatio benevolentiae comme la rhétorique classique le disait, c'est-à-dire un moyen qui consiste à chercher la bonne disposition de l’interlocuteur. Alors dans une conversation amicale entre ceux qui paraissent être deux jeunes chrétiens qui ont un intérêt commun en la personne de Jésus, le témoin de Jéhovah offre une publication. Dans l’un des cas il est précisé qu’il s’agit de la revue La Atalaya (2) du 1er avril dernier, et ainsi j’ai pu le vérifier au cours d’une conversation que j’ai eu moi-même dans le centre de Madrid.

Ces conversations se présentent d’une façon brève et comme déjà signalé, sympathique. À côté des conversations sur la façon de s’habiller, nous observons qu’ils se veulent clairement prendre de la distance par rapport à l’image popularisée des témoins de Jéhovah de gens qui s’approchent avec une revue ou un feuillet dans la main, vêtus d’une manière bien définie det caractérisés aussi par leur insistance et leur côté assommant. Dans la stratégie employée pour les JMJ les adeptes maintenaient un dialogue court et affable, comme s’ils étaient des chrétiens courants (3), sur des thèmes spirituels, mais d’une forme superficielle et à partir d’une présumée rencontre fortuite. Ils disent bonjour avec courtoisie et donnent parfois leur nom, et ce n’est seulement qu’à la fin qu’ils sortent le matériel qu’ils donnent au pèlerin, avec des mots comme ceux-ci : « J’aimerais te laisser un petit cadeau comme souvenir de ta visite à Madrid. J’espère que cela te plaira. C’est un petit livre qui aide à bien connaître Dieu et la Bible » ; ou « J’ai ici une publication que je crois tu trouveras très utile. Considère-le comme un souvenir de ta visite à Madrid. C’est un cadeau que tu peux ramener à la maison ».

Ces dialogues que, sûrement, les jeunes formés au prosélytisme ont mis en application dans le détail -comme cela se fait dans ce qui est appelé « l’École du Ministère », qui se déroule d’une façon hebdomadaire dans les Salons du Royaume, et où les témoins font des « exercices pratiques » de rencontre avec des « non témoins » dans un but prosélyte - arrivent à imbriquer subtilement des mots sans intentionnalité avec d’autres clairement orientés vers la captation, en interrogeant le jeune sur les JMJ et son sens. Un exemple dans le document modèle intitulé : « On nous demande des informations sur comment aller à un endroit ». Quand un jeune catholique demande par exemple le chemin pour aller à la Casa Incendida (ndt Organisme culturel et social plutôt avant -gardiste de la Caisse d’Épargne de Madrid), le témoin de Jéhovah lui dit : « Oui, bien sûr, c’est au rond-point de la Ronda de Valencia, je ne me rappelle pas le numéro mais c’est à quelques 900 mètres d’ici. Regarde, je te le montre sur la carte. Tu es en visite à Madrid ? ». Si la réponse du catholique est : « Oui, je suis venu pour les JMJ », le témoin dit de façon distraite comme s’il continuait à se concentrer sur le plan de la ville : « Cela semble être un grand évènement…Oui, c’est là, nous sommes Place d’Atocha, tu prends le rond-point d’Atocha, tu suis par le rond-point de Valencia et là tu arrives à destination. Au fait je m’appelles Daniel ». Une forme habile pour lier en peu de mots, les indications sollicitées, l’intérêt personnalisé, la valorisation positive de l’évènement et sa propre présentation.

Nous ne savons pas combien de personnes ont été abordées par les 400 témoins éparpillés dans les rues madrilènes, parmi les groupes de jeunes catholiques du monde entier. Au moins ceux de langue espagnole auront pu les voir parmi eux. Bien que je ne puisse pas faire de statistiques, à mon niveau, quatre ou cinq membres de mon expédition diocésaine formée de 150 personnes, ont eu l’occasion de dialoguer « fortuitement » avec des témoins de Jéhovah, ce qui peut nous donner une idée de leur activité intense entre le 16 et le 21 août. Avant ces rencontres, quelques jeunes compagnons ne m'ont parlé du prosélytisme que plus tard, et en ayant pris connaissance du document interne qui devait être étudié et servir à préparer la façon d’aborder les JMJ pour les témoins de Jéhovah, cela confirme ce que je disais. Une stratégie mesurée et bien pensée. Quand j’ai montré à quelques uns des jeunes le document de la secte, ils ont été surpris de voir que cela correspondait à ce qu’on leur avait passé tout récemment. Voilà ce qu’il en est. Le mouvement fonctionne ainsi, et c’est bien qu’on mette en lumière une technique qui s’adapte aux situations pour poursuivre la recherche de néophytes (4).




 

Le Père Luis Santamaría avait en effet écrit dès le 30 août 2011 un texte saisissant intitulé « Les JMJ et les sectes » ou il abordait des cas de prosélytisme pour détourner des jeunes catholiques venus à Madrid pour les JMJ. J’en ai traduit quelques extraits. Original complet ici (http://www.enacciondigital.com/)

III. « […] Avant les JMJ j’ai écrit que cet événement catholique pouvait bien servir d'antidote contre l’action des sectes et la pénétration de la nouvelle religiosité parmi les jeunes (cf. "Les JMJ, prévention contre les sectes?" Zénit du 7 juillet 2011 – original en espagnol ici .Je ne sais s’il y a eu quelque chose d’équivalent sur le Zénit en français).
Dans le même sens, Vicente Jara affirmait que tant pour les aspects ludiques et en relation avec le temps libre, que pour ceux plus spirituels, les JMJ sont une alternative forte à la "Nouvelle Ère", le sectarisme et la pensée magique – voir ici son article en espagnol du 27 juillet 2011 http://www.zenit.org/...). Eh bien je n’aurais jamais pensé que j’aurais à écrire sur le sujet après les JMJ. Mais ce que j’ai vu à Madrid m’a fait changer d’idée.

Dans les rues du centre de Madrid où nous étions, nous des milliers de jeunes du monde entier à nous déplacer, à parier sur l’évènement n'y avait-il pas des membres des groupes évangéliques, qui dans un curieux exercice d’apostolat interconfessionnel (pour ne pas l’appeler prosélytisme, comme on en accuse parfois l’Église Catholique dans d’autres endroits du monde) s’adressaient à ceux qu’ils avaient clairement identifiés comme catholiques, pour « nous démontrer » que l’évêque de Rome « s’arroge » des titres que seuls peuvent porter le Père, le Fils et le Saint Esprit.
Mais comme je l’ai dit l’alternative religieuse aux JMJ ne se limitait pas à cet épisode étrange. Dans l’entourage des JMJ, la nouvelle religiosité a voulu profiter de l’occasion d’avoir à la portée de la main tant de gens intéressés en principe par le spirituel. Pour parler concrètement, et une fois de plus, les jeunes de mon groupe, ont été abordés par les témoins de Jéhovah et les gnostiques. […]




Notes de traduction

(1) La Fondation « Crónica Blanca» a pour objectif de promouvoir la formation et le développement de la communication sociale d’inspiration chrétienne, selon le magistère de l’Église Catholique. Elle est apolitique et libre d’autres conditionnements idéologiques ».

(2) D’après ce que je lis sur internet c’est l’équivalent de la publication d’origine « The Watchtower » diffusée depuis 1879. Elle a une version française depuis 1909, « La tour de garde ». La version en espagnol date de 1939, mais je pense pour d’abord une diffusion dans les 2 Amériques. Cette publication est imprimée en 188 langues et touche 200 pays.

3) Le Père Luis Santamaría a écrit un article très éclairant sur la « christologie » des témoins de Jéhovah (en vo ici )

(4) De très nombreux hispanophones étaient présents aux JMJ (des Etats-Unis, de Porto-Rico, et même de Cuba, et bien sûr du Mexique à la Terre de Feu. L’on connaît la cible pour le prosélytisme que représentent depuis une cinquantaine d’années les populations hispanophones (et plus largement de l’Amérique latine) qui étaient catholiques depuis des siècles. Le Madrid des JMJ ne pouvait être effectivement oublié quand l’on voit aussi l’activité qui est déployée même dans nos petites villes de province françaises, par les adeptes des sectes et églises dont parlent le Père Luis Santamaría.




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