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LE 11 SEPTEMBRE
 

Six thèses pour comprendre avant, pendant et après, par Massimo Introvigne (14/9/2011)




 
 

Fidèles à leur conception de l'information-kleenex, les grands medias ne s'intéressent au 11 septembre... que le 11 septembre!
Mais les leçons à en tirer nous interpellent tous les jours.
Massimo Introvigne les énumère, en six thèses.
Avant tout, il est définitivement opposé à la théorie du complot (c'est bien Al Quaïda qui est derrière, dit-il).
Difficile, peut-être, à avaler pour certains, mais à envisager sérieusement si l'on est convaincu que "la vérité rend libre".
Parmi les "complotistes" (dont j'ai pu faire partie!!!), il y a, c'est vrai, des noms et des opinions respectables, et convaincants. Mais d'autres, dont les excès se discréditent d'eux-mêmes. J'ai tendance à trouver le nom de Massimo Introvigne plus respectable et convaincant que d'autres - depuis le temps que je traduis ses textes.
Massimo Introvigne nous rappelle (ou nous apprend) la signification historique du 11 septembre, pour les musulmans, et les européens: la bataille de Vienne, 11-12 septembre 1683 (cf fr.wikipedia.org/); il parle aussi du fondamentalisme islamique, en termes modérés, et raisonnables, mais très argumentés. Ceci nous renvoie au texte traduit hier par Carlota, sur un Congrès de théologiens dissidents espagols qui voyaient les JMJ de Madrid comme une expression du fondamentalisme romain: cf Les JMJ, expression du fondamentalisme romain???
Un paragraphe est particulièrement frappant, même s'il est évidemment à prendre avec des réserves, comme lorsqu'on rapporte des propos tenus par d'autres: c'est celui sur la rencontre d'Oriana Fallacci avec Benoît XVI, à Castelgandolfo, après l'élection. Le Saint-Père aurait dit à la journaliste italienne disparue: "le dialogue avec l'Islam est impossible... mais obligatoire".

Article original en italien ici: http://www.labussolaquotidiana.it (il fait partie d'un dossier de "La Bussola" intitulé "Comprendre le 11 septembre pour comprendre l'aujourd'hui".




 

Six thèses pour comprendre avant, pendant et après
Massimo Introvigne
09/10/2011
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Il est de mode - dans le sillage des technocrates mondialistes comme Richard N. Haass, président du CFR (ndt: Council on Foreign Relations, considéré par beaucoup comme l'épicentre de la gouvernance globale) - de soutenir que le 11 Septembre 2001 n'a pas changé le monde, et que les historiens retiendront plutôt comme date du début d'une nouvelle ère postmoderne le 15 Septembre 2008, jour de la faillite de la banque d'investissement Lehman Brothers, épicentre de la grande crise économique que beaucoup considèrent maintenant comme la plus grave de l'histoire occidentale, ou le 11 Septembre 2006 - coïncidence ou pas, exactement cinq ans après cet autre 11 Septembre - quand Marck Zuckerberg ouvrit Facebook, auparavant réservé aux étudiants de certaines universités, à quiconque au monde a plus de treize ans, «fondant» aussi un nouveau continent, qui a atteint en Juillet 2011 750 millions d'habitants.

N'en déplaise à Haass , je continue à voter pour le 11 Septembre 2001, parce que - plus que les autres dates - il a radicalement changé notre façon de penser. Jusqu'au 10 Septembre de cette année-là, la thèse en vogue était celle de «la fin de l'histoire». Après les deux premières guerres mondiales, nous expliquaient les historiens, il y en avait eu une troisième - la «guerre froide», non sans des moments chauds, de la Corée au Vietnam - entre le monde libre et le communisme, et le communisme avait perdu. L'histoire était terminée, il n'y aurait plus de guerres et le modèle démocratique occidental allait conquérir tous les pays du monde - au fur et à mesure que leur économie se développerait - l'un après l'autre.

Puis, le 11 Septembre 2001, la théorie de la fin de l'histoire est partie en retraite. On a commencé à parler d'une «quatrième guerre mondiale», différente des trois autres. Celles-là étaient des guerres civiles occidentales, guerres entre des idéologies nées en Europe, y compris le communisme. Cette fois-ci, une guerre mondiale - qui rappelait les vieilles batailles avec les Mongols, les Arabes, les Turcs, mais cette fois sur un théâtre d'opérations mondial - voyait l'Occident attaqué par une idéologie non-occidentale. Ce qui s'est passé par la suite est arrivé en grande partie à cause du 11 Septembre. L'évidence que l'Occident pouvait être attaqué sur son propre terrain, détruisant un de ses symboles comme les Twin Towers, a mis en mouvement des dynamiques qui ont alimenté la nouvelle agression économique de la Chine, et conduit à la perte de la primauté financière euro-américaine au profit de Pékin. La crise économique elle-même, y compris Lehman Brothers, est née en partie de la tentative par des institutions financières américaines d'éviter avec des outils créatifs, mais dangereux les répercussions économiques du 11 Septembre.

Nous avons eu aussi tellement de livres, des bibliothèques entières, sur le 11 Septembre.
Avons-nous appris quelque chose?
Je pense que oui, et je vais essayer de résumer les enseignements du 11 Septembre en six thèses.

1. Al-Qaïda est responsable de 11 Septembre.
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Après chaque tournant de l'histoire, on voit toujours émerger les négationnistes et les théoriciens de la conspiration. Là aussi, certains ont nié qu'Al-Qaïda ait organisé et mené les attentats, arguant principalement que deux tours frappées par des avions ne tombent pas de cette façon et qu'elles devaient avoir été bourrées d'explosifs, par le gouvernement américain ou même le Mossad d'Israël. L'agence américaine qui s'occupe de la sécurité des bâtiments, le National Institute of Standards and Technology, a publié en 2005 un rapport de plus de 10 mille pages expliquant comment les théories complotistes - le plus souvent avancé par les journalistes, sans références scientifiques, ou par des universitaires ayant des références dans des domaines qui n'ont rien à voir avec l'ingénierie du bâtiment, de l'histoire du Moyen Age à la physique nucléaire - ne résistent pas à l'examen technique des faits. Mais il n'est pas nécessaire de devenir ingénieur ou de lire les 10 mille pages. Plus rapidement, on peut consulter des dizaines de documents qui viennent d'Al-Qaïda et d'autres milieux de l'ultrafondamentalisme islamique, et suivre la préparation et l'exécution de l'attaque à travers l'histoire des terroristes mêmes qui en étaient responsables. Pour toute personne sensée, il n'y a aucun doute. C'était Al-Qaïda.

Les théories négationistes ne nous donnent aucune information sur le 11 Septembre , mais nous en donnent beaucoup sur les personnes qui les proposent. En fait, le 11 septembre, une autre idéologie est aussi partie à la retraite, celle selon laquelle les valeurs d'honnêteté, d'équité et de loyauté qui avaient abandonné l'Occident s'étaient déplacées vers un monde islamique idéalisé et présenté comme magnanime et généreux.
Ces théories étaient soutenues par une gauche communiste qui - se sentant trahie par le «prolétariat interne» de l'Occident, lequel depuis des années n'aspire plus à une société sans classes, mais à une place au soleil dans le consumérisme dominant - pensait qu'elle pourrait se tourner vers ce que Friedrich Engels (1820-1895) appelait le «prolétariat extérieur» non-occidental, principalement musulman, qui lui, aurait pensé à renverser le capitalisme, également en tant que porteur de principes moraux plus élevés.
Mais elles étaient également soutenues par une «droite de gauche» (ndt anticatholique: en France, le mouvement est peut-être représenté par le GRECE) dont La Bussola s'est récemment occupée (ici), pour qui la tradition avec un "T" majuscule avait abandonné un Occident plus ou moins - comme on disait à un moment - «plouto-démo-judaïque» (ndt: du grec ploutos: richesse), et s'était réfugiée dans le monde islamique, lui vraiment noble et traditionnel. Lorsque de ce monde est venu le 11 Septembre 11, un des actes parmi les plus mauvais et injustes dans l'histoire récente - les victimes n'étaient pas des combattants ennemis, mais des passagers d'avions anonymes et innocents - ceux qui avaient cultivé le mythe de la supériorité morale de l'Islam - de la gauche ou de la «droite de gauche» anti-américaine et anti-occidentale - ont vu le monde s'effondrer sur eux. Ils ont répondu en inventant le mythe du 11 Septembre comme complot américain ou juif.

2. Les musulmans ne sont pas tous des fondamentalistes.
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La critique du négationisme complotiste, qui découle d'une vision idéalisée et utopique de l'islam, ne doit pas nous conduire à l'excès opposé, de considérer l'islam en général, ou la totalité de l'islam, comme responsable du 11 septembre. Le monde que la littérature sur le 11 Septembre nous a appris à commencer à explorer est celui du fondamentalisme islamique. Mais les musulmans ne sont pas tous des fondamentalistes. Cet argument semble évident: tout le monde le répéte, de Barack Obama à mon coiffeur. Et c'est un argument réel, mais il exige de définir ce qu'est le fondamentalisme islamique.
Il s'agit d'un mouvement né autour de trois revendications. Premièrement, l'application de la loi islamique (charia ) dans tout pays musulman. Deuxièmement, l'unification des pays à majorité musulmane dans une unique réalité politico-religieuse à nouveau dirigée par un calife. Troisièmement, la reprise par le califat restauré du rêve initial d'une islamisation du monde entier. Ceux qui, dans le monde islamique, ne partagent pas ces vues ne sont pas des fondamentalistes. En Occident, nous aimons parler des «modérés» et, après le 11 septembre, il est devenu difficile de trouver une organisation islamique occidentale qui ne se décrive pas comme «modérée». Mais c'est précisément une catégorie construite par les Occidentaux et aux limites quelque peu incertaines.

Pour comprendre la différence entre musulmans fondamentalistes et non fondamentalistes, il faut revenir à un événement clé dans l'histoire de l'islam, dont les liens avec le 11 Septembre 2001 sont nombreux et décisifs.
Le 11 Septembre 1683 commence sous les murs de Vienne, après un long siège, une bataille - terminée le 12 Septembre suivant, date par laquelle elle est passée dans les livres d'histoire - dans laquelle une armée plus nombreuse et mieux armée que sa rivale, et qui selon les musulmans ne pouvait ni ne devait être défaite, pour des raisons à la fois militaires et théologique, fut repoussée de manière inattendue. Un premier lien entre les deux événements est que la date du 11 Septembre semble avoir été choisie par Al-Qaïda en commémoration de la bataille de Vienne.
Mais il y a plus. La défaite de 1683 fut dramatique pour l'Islam. Comme le raconte l'historien Andrew Wheatcroft dans son livre récent sur l'événement de 1683, «L'ennemi aux portes. Quand Vienne stoppa l'avance ottomane», la campagne (militaire) ne fut pas perçue par les musulmans comme un affrontement entre le Saint Empire romain et l'islam. Au lieu de cela, elle fut présentés comme la solution finale d'une dispute à coup de propagande, un siècle plus tôt, entre Charles V (1500-1558) et Soliman le Magnifique (1494-1566), entre les Habsbourg et les Ottomans: tous deux s'affirmaient héritiers de l'Empire de Rome et, comme seigneur de Constantinople, Soliman pensait qu'il était le seul véritable empereur romain. Son successeur, Mehmet IV (1642-1693) envoya son armée à Vienne pour résoudre avec les armes une question que Dieu, selon lui et selon ses sujets, avait tranchée depuis longtemps déjà .

La bataille de Vienne fut perçue du côté islamique comme un démenti - incompréhensible pour un musulman - de la prophétie selon laquelle, certes avec des retraites occasionnelles, les armées du Prophète devaient aller de victoire en victoire jusqu'à la conquête du monde. Et en fait, voilà ce qui se passa: après Vienne, la Hongrie et la Serbie tombèrent, et l'islam commença progressivement à reculer de de plus en plus, jusqu'à ce qu'au début du XXe siècle, la majorité des pays musulmans se retouvât sous la domination coloniale européenne occidentale, et parfois russe ou chinoise. Ce n'est pas l'islam qui conquit le monde, mais le monde qui conquit l'islam.
Le 11 Septembre 2001 est le jour où les choses finirent par émerger, la conséquence ultime de la discussion entre les combattants qui s'étaient retirés après la défaite inattendue à Vienne. L'islam avait-il perdu parce qu'il était resté à la traîne de l'Occident, ou au contraire parce qu'il s'était trop rapproché de l'Occident, oubliant la pureté de la foi de ses pères? Les deux réponses représentent idéalement les modèles de ce qui, au XXe siècle, allait être appelé «modernisme» ou «fondamentalisme» et la discussion s'est poursuivie après chaque défaite musulmane, jusqu'à la Guerre des Six Jours israélo-arabe de 1967.
Au XIXe siècle, et au début du XXe siècle, c'est la réponse moderniste qui a semblé l'emporter. La décolonisation a conduit au pouvoir à peu près partout des régimes «nationalistes», c'est-à-dire modernisateurs et inspirés par les idéologies occidentales, bien que ces idéologies aient été rarement démocratiques et que les dictateurs aient regardé avec plus d'enthousiasme vers le national-socialisme ou le communisme.

Et puis, les choses ont changé. A partir de la révolution iranienne de 1979, la réponse fondamentaliste a trouvé aux XXe et XXIe siècles une nouvelle vigueur, puisque d'une certaine façon l'autre réponse, la moderniste, avait été essayée et avait échoué, créant des systèmes à la fois modernisateurs et laïcs aussi inefficaces que corrompus, comme ceux contre lesquels ont protesté, quoique de façon ambiguë, les soi-disant «printemps arabes». Le 11 Septembre, bien avant les événements de 2010 et 2011, a forcé le monde à prendre acte du fait que le fondamentalisme islamique est une force vive, puissante et dangereuse. Même si elle ne représente pas tout l'islam: Il y a les modernistes - toujours au pouvoir dans plusieurs pays - et il y a les «troisième voies» conservatrice, promues par d'ex-fondamentalistes qui voudraient atténuer certaines de leurs thèses et dialoguer avec l'Occident - c'est le cas du gouvernement turc actuel - ou par des monarques traditionnels qui craignent les déclinaisons les plus récentes du fondamentalisme et s'ouvrent à des politiques prudentes de modernisation sans renier l'islam, comme cela est actuellement le cas au Maroc et en Jordanie.

3. Tous les fondamentalistes ne sont pas des terroristes.
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Le 11 Septembre 2001, le fondamentalisme islamique tout entier - un courant estimé à au moins 100 millions de croyants dans le monde - nous a-t-il déclaré la guerre? Pas vraiment. Quand nous entendons que tel imam est fondamentaliste, nous nous demandons tout de suite où il cache les bombes. Mais peut-être n'y a-t-il pas de bombes. En Italie, nous nous sommes habitués, en termes de communisme, à la distinction entre la stratégie léniniste du coup d'Etat et celle gramscienne de l'hégémonie. Quelque chose de semblable se passe avec les fondamentalistes. Certains pensent qu'il est important de s'emparer immédiatement du gouvernement et de procéder à une islamisation de la société «par le haut»: ce sont les ultrafondamentalistes, qui n'excluent pas la violence et le terrorisme. D'autres au contraire estiment inutile d'aller au gouvernement si la société n'est pas au préalable islamisée «par le bas», s'emparant des écoles, des universités, des journaux, des tribunaux, et ainsi de suite: ce sont les fondamentalistes que certains sociologues appellent les néo-traditionaliste. Al-Qaida est le fruit le plus mature de l'ultrafondamentalisme, les Frères musulmans du fondamentalisme néo-traditionaliste.

Les fondamentalistes néo-traditionalistes ne pensent «comme nous» sur presque rien. Ils veulent les femmes voilées, la prison pour ceux qui cherchent à appliquer la méthode historico-critique au Coran, des lois discriminatoires contre les minorités chrétiennes dans les pays à majorité musulmane. Mais - parfois tactiquement, parfois sincèrement - ils rejettent le terrorisme. Ce n'est pas une différence négligeable. C'est peut-être même un point de départ pour un développement lent et problématique sur d'autres aspects de leur idéologie.

4. Les fondamentalistes sont des musulmans.
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Pour des raisons politiquement compréhensibles, après le 11 Septembre 2001, nous entendons parfois dire que les fondamentalistes ne sont pas musulmans, ou que ce sont des personnages marginaux, méprisés par la majorité dans le monde islamique. Ce n'est pas le cas. Les commentaires les plus largement diffusés du Coran citent comme exégètes faisant autorité des membres des Frères musulmans, le plus grand mouvement fondamentaliste au monde. Et quand en 1962 l'Arabie saoudite fonda à La Mecque la Ligue islamique mondiale, elle voulut parmi ses premiers dirigeants Sayyid Abul Al'a Maududi (1903-1979), fondateur en 1941 dans le sous-continent indien du Jama'at-i Islami, l'autre grande organisation fondamentaliste internationale avec les Frères musulmans, qui eux aussi participent à la Ligue Saoudite.
Avant le 11 septembre, nul ne doutait que le mouvement fondamentaliste fût l'une des coulisses - certainement pas la seule - de la scène islamique contemporaine . Nous pouvons certainement essayer d'encourager les musulmans qui ne sont pas des fondamentalistes - là où nous pouvons en trouver, et il serait certainement réconfortant d'être certain que les pays occidentaux ont vraiment une stratégie de ce genre, par exemple, en Libye. Mais prétendre que les fondamentalistes ne sont pas une composante essentielle de l'islam, importante et populaire auprès de larges secteurs de la population dans presque tous les pays à majorité musulmane signifierait seulement s'illusionner. Il est probable que les illusions de ce genre ont joué un rôle dans les prévisions discutables, faites par des experts américains, qui ont sous-estimé la présence du fondamentalisme, soit chiite, soit sunnite, dans le «nouvel Irak» après le retrait du pouvoir par voie militaire de Saddam Hussein (1937 - 2006).

5. Ces terroristes - ceux du 11 septembre et d'ailleurs - sont des fondamentalistes.
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Le fait que tous les fondamentalistes ne soient pas des terroristes ne doit pas nous faire perdre de vue que ces terroristes, ceux d'Al-Qaïda, sont nés, ont vécu et se déplacent dans le monde de l'intégrisme islamique. Une lecture même superficielle des documents d'Al-Qaïda permet d'écarter l'hypothèse répandue selon laquelle la religion est utilisée ici comme une simple couverture pour des intérêts politiques ou des formes de protestation économiques. Les 11 pirates de l'air n'étaient pas des désespérés sortant de camps de réfugiés mais des gens venant de familles relativement aisées. Le texte intitulé «la dernière nuit», en quelque sorte le testament des auteurs de l'attentat, comprend des détails impressionnants sur leur conviction profonde qu'il s'agissait d'un acte éminemment religieux, et la distinction occidentale entre politique et religion n'avait aucun sens pour eux. Non seulement l'acte de terrorisme est encore souvent vécu comme un acte religieux, mais le monde de l'ultra-fondamentalisme et du fondamentalisme a de sérieuses difficultés à renier ces enfants, souvent considérés comme des «frères égarés» - mais toujours des frères - de même que beaucoup de communistes dans les universités et les usines après 1968 considéraient ceux des Brigades rouges italiennes comme des «camarades qui sont dans l'erreur». Dans les mosquées et les salles de prière ultrafondamentalistes, en Europe aussi, ces terroristes ont trouvé hospitalité, refuge et la possibilité de recruter de nouveaux adeptes. Aux poissons et aux requins du terrorisme le réseau de l'ultrafondamentalisme a offert l'eau dont ils avaient besoin pour nager.

6. Dialogue oui, angélisme, non.
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Peu avant sa mort, Oriana Fallaci (1929-2006) raconta à des amis américains que lors de sa rencontre avec Benoît XVI, elle avait demandé au Pape pourquoi il s'engageait dans le dialogue avec l'islam, impossible selon la journaliste italienne. Le Pape aurait répondu, en souriant, «impossible, mais obligatoire».
En fait, la seule alternative à un dialogue qui semble souvent presque impossible, ce serait une guerre nucléaire contre un milliard et demi de musulmans.
Acceptant l'appel qui vient justement du Pape, nous devons par conséquent utiliser la leçon du 11 Septembre pour éviter les généralisations et les condamnations sans discrimination.
Nous devons nous rappeler que tous les musulmans ne sont pas des fondamentalistes et que les fondamentalistes ne sont pas tous des terroristes.
Nous devons essayer de dialoguer avec ceux qui, au moins, mettent en question la violence; peut-être - là, les opinions divergent et j'en exprime une personnelle - non pas avec des dictateurs modernistes et laïcs, pour qui la cloche du dernier tour a sonné, mais avec ceux qui semblent les plus crédibles quand ils proposent une «troisième voie» ou avec ceux qui semblent déterminés à sortir au moins des formes les plus rigides du fondamentalisme, vers un conservatisme qui nous semble encore très loin de l'Occident, mais qui au moins accepte d'ouvrir la discussion sur des sujets tels que les droits des femmes ou des minorités chrétiennes.
Ce dialogue présuppose une clarté des positions. Ce n'est peut-être pas un hasard si dans le monde seuls dix musulmans sur cent ont un avis favorable sur le président George W. Bush mais ceux qui ont une opinion favorable sur Obama sont encore moins nombreux, environ huit pour cent. L'islam craint le fier ennemi, mais méprise le feint ami, "buoniste" et confusioniste. Ainsi, contre le "buonisme" (ndt: l'angélisme) qui ne résout pas les problèmes, mais les cache, nous ne devons pas oublier que les fondamentalistes sont musulmans et que les terroristes font partie intégrante du monde de l'ultrafondamentalisme.

Dix ans après le 11 Septembre, ces observations simples devraient nous aider à ne pas renoncer au dialogue, mais dans le même temps à ne pas baisser la garde face au terrorisme.




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