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QUAND LA STASI "SURVEILLAIT" JOSEPH RATZINGER
 

Un article d'un site allemand, repris par Religion en Libertad, traduit par Carlota (18/9/2011)




 

Carlota

Certes, la Stasi n’existe plus, mais les catholiques allemands (et d’autres pays) ont encore du mal à admettre la position de Rome, jugée rétrograde et dépassée. Est-ce si paradoxal que cela ? Les ennemis de l’Église demeurent, sous d’autres formes…
Retour sur des voyages du futur Benoît XVI en RDA, sachant que ce qui se passait en Allemagne de l’Est, sans doute avec le focus du régime en place, revêtait d’autres formes (avec aussi beaucoup de naïfs pleins de bonne volonté et qui confondaient tout) notamment en Europe Occidentale et en Amérique latine.

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Article original en allemand: http://www.mdr.de/... (MDR ou Mitteldeutscher Rundfunk, est le réseau de télévision publique de Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe)
Version espagnole: http://www.religionenlibertad.com/...
Ma traduction.




Sous l'oeil de la Stasi

En 1974, une Trabant - une vieille voiture de l’Allemagne de l’est - roulait en cahotant à travers la campagne de Thuringe, une province de la communiste République Démocratique d’Allemagne (RDA). À la place du co-pilote était assis le professeur Joseph Ratzinger et au volant le Père Joachim Wanke, alors assistant du séminaire local, le seul de RDA. Les deux prêtres, écrit Rainer Erice, un journaliste de la radio allemande, Mitteldeutsche Rundfunk Thüringen (MDR), faisaient une excursion dans les villes historiques de Iéna et de Weimar. C’était un moment de détente au cours de la brève visite du Père Ratzinger en Allemagne de l’Est, dont le but était de donner une série de conférences aux étudiants et théologiens d’Erfut, capitale de Thuringe. .

Sous l’oeil de la police
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L'importance de cette visite, tient cependant au fait qu’elle a marqué le début de la surveillance à laquelle la Stasi - ou police secrète de l’Allemagne de l’Est - a soumis le Père Ratzinger.

Que le professeur Ratzinger ait été espionné par les informateurs de la Stasi, on le savait déjà. En 2005 on avait appris que les agents de l’Allemagne de l’Est avaient tenu des dossiers sur le Pape qui venait d’être élu. Mais aujourd'hui, de nouveaux dossiers, découverts cette semaine par MDR, apportent davantage de lumière sur la façon dont la police secrète considérait le futur Pontife, et sur qui se chargeait de l’informer sur lui.

Les documents révèlent qu’en 1974 la Stasi était très consciente que le Père Ratzinger avait de l’avenir dans l’Église, mais qu’elle n’avait pas les espions adéquats pour le suivre. Tout ce qu’ils savaient à cette époque (d’un informateur non officiel appelé Birke, employé de l’évêque de Meissen) c’était que le professeur Ratzinger avait donné des conférences sur la théologie moderne à des étudiants et des universitaires durant sa visite.

Des efforts renouvelés
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À mesure que le rôle du professeur croissait au sein de l’Église, la police de l’Allemagne de l’Est, a commencé à s’intéresser de plus en plus à ses activités et a intensifié les efforts, selon le rapport d’Erice. Quand Mgr Joseph Ratzinger, archevêque de Munich se rendit à Berlin en 1978, pour rencontrer le cardinal Alfred Bengsch, président de la Conférence Épiscopale, la section des affaires extérieures de la sécurité de l’Allemange de l’Est avait déjà assumé la tâche de l’espionner et avait donné cette mission à de nombreux informateurs non officiels dans les deux Allemagnes.

« Un féroce opposant »
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Le service secret de la RDA considérait le professeur Ratzinger comme « conservateur, réactionnaire et autoritaire », écrit Erice, ajoutant que Jean-Paul II avait désigné le cardinal Ratzinger pour être l’organisateur de « la contre-révolution en Pologne ». Des notes supplémentaires de la Stasi révèlent qu’ils le considéraient comme « l’un des plus féroces opposants au communisme » ; ils pensaient qu’il appuyait la dissuasion nucléaire entre les deux blocs militaires de l’Est et de l’Ouest et qu’il considérait le pacifisme « peu réaliste » (ndt bien sûr on se rappelle le slogan des pacifistes allemands de l’époque qui criaient « Plutôt rouges que morts »).

Mais Erice ajoute que, malgré « les centaines de pages » d’information sur Joseph Ratzinger, il y avait « peu d’informations significatives », et que les rapports individuels d’espionnage avaient été quasiment « détruits dans leur totalité ». Les documents découverts ne concernent que « l’information de base sur l’auteur et le motif pour lequel telle information a été recueillie ».

C’est ainsi que les espions étaient désignés
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Cependant les documents révèlent des détails intéressants sur les agents de la Stasi chargés de la collection d’information sur Joseph Ratzinger. Erice écrit : «Il y avait au moins une douzaine d’employés non officiels chargé de ce travail ». Dans ce groupe il y avait deux professeurs d’université d’Allemagne de l’Est considérés par la Stasi comme « de confiance » : l’agent « Aurore », un professeur d’athéisme scientifique (ndt: eh, oui l’on ne peut prouver scientifiquement que Dieu existe, la science peut prouver qu’il n’existe pas !) à Iéna et Warnemünde, tandis que l’agent « Lorac » travaillait incognito comme professeur de théologie à Leipzig. L’agent « Georg » étant au comité exécutif de la Conférence Épiscopale de Berlin et était apparemment très au courant des affaires internes de l’Église.

En Allemagne de l’Ouest, le réseau de la Stasi comprenait un moine bénédictin de Trèves connu sous le nom de code de « Lichtblick » (rayon d’espoir). Lichtblick a espionné pour le compte de la Stasi pendant des décennies et selon Erice, « a donné des rapports très étendus et fiables sur ce qui se passait au Vatican ». Un autre agent non officiel connu comme « Antonius » était un journaliste de l’agence catholique allemande d’informations KNA, qui a fourni de très nombreuses informations sur le Pape (JP II), le cardinal Ratzinger et le Vatican.

Un autre journaliste a été engagé à Munich sous le nom de « Chamois », tandis qu’un espion particulièrement important était un politique appartenant au Parti Chrétien Social Union [Christlich-Soziale Union (CSU)] (*) , ancien confident de Franz Josef Straus qui fut le chef du dit parti. L’agent était connu sous les noms de code de « Lion » et « Digne de confiance». Ce réseau d’information a aussi traversé les frontières de l’Allemagne. En Italie la Stasi a employé l’agent « Bernd » qui fournissait des informations sur la diplomatie du Saint Siège.

Timide mais plein de charme
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Avec tous ces informateurs mis en place, Erice écrit que la Stasi était bien organisée quand Joseph Ratzinger se rendit à Dresde en 1987 pour rencontrer un groupe de catholiques. « La Stasi a réalisé un gros effort pour surveiller la rencontre », dit Erice, faisant tous ses efforts pour que la surveillance passât inaperçue surtout au passage de la frontière. «Les forces de sécurité ont reçu des instructions pour qu' un traitement préférentiel et courtois lui soit réservé quand il passera la frontière », disent les rapports et que les désagréments comme la fouille des bagages habituellement appliquée aux visiteurs occidentaux « devaient être omis ».

Malgré ses gros efforts, Erice dit que la Stasi a commis quelques erreurs basiques. La ville natale du Pape a été mal écrite, Merkl au lieu de Marktl. Et bien qu’ils voulaient faire de lui un portrait négatif, ils n’ont pu éviter de faire quelques observations positives. En plus de louer sa grande intelligence, ils ont admis: « Bien qu’il puisse paraître timide au début d’une conversation, on se sent gagné par son charme ».

Comme Jean-Paul II
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Benoît XVI n’est pas, évidemment, le premier Souverain Pontife a avoir passé une bonne partie de sa vie surveillé par des agents secrets. Le Bienheureux Jean-Paul II fut espionné ar le KGB et la SB (la police secrète polonaise). Selon l’enquête publiée par Georg Weigel dans son livre récent La fin et le commencement (ndt « The end and the beginning » paru en sept 2010 et a priori sans traduction française pour l’instant ) les dites agences ont commencé à s’intéresser aux activités de Karol Wojtyla quand il était évêque auxiliaire de Cracovie en 1958.

Weigel rappelle qu’entre 1973 et 1974, les autorités polonaises ont envisagé d’arrêter Karol Wojtyla sous l’accusation de sédition. La police secrète le guettait dans ses excursions en canoë et a essayé de compromettre ses collaborateurs les plus proches, souvent en mettant des obstacles à ses opérations. Non seulement le Pape était dans leur ligne de mire, mais le Vatican l'était aussi.
« Ce qui m’a le plus surpris, c'est l’importance de leurs efforts, qui ont exigé des millions d’heures de travail et des milliards de dollars » a dit Weigel lors d’un entretien avec le National Catholic Register l’année dernière (ndt voir l’original ici) : «J'étais aussi inconscient du degré des efforts déployés par les services de renseignements de Bloc soviétique pour essayer de manipuler le Concile Vatican II à leur profit ... et à quel point le Vatican a semblé inconscient de cet assaut (et cela a continué jusqu'à 1978) ».

Les révélations de cette semaine se sont produites quelques jours avant la visite d’état que Benoît XVI fera en Allemagne du 22 au 25 septembre. Elle comprend une visite à Erfurt. Dans cette ville, il sera reçu pas l’actuel évêque du diocèse, son guide lors de la visite de 1974, Joachim Wanke.




 

Note complémentaire

(*) Malheureusement je crois que les partis dits de démocratie chrétienne européens ou s’en rapprochant, noyautés ou non noyautés, ont lamentablement échoué à porter un message chrétien en politique, s’alignant complètement avec leurs adversaires par rapport aux « points non négociables », et ce malgré leurs déclarations sans doute sincères de bonne intention. Ils ont eux aussi vraiment péché par naïveté pour ne pas dire bêtise. À ce sujet l’analyse de Jean Madiran – extraite du journal Présent et reprise ici est intéressante à consulter : "La « démocratie-chrétienne » s’est toujours trompée" (ici).




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