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ALLEMAGNE: QUAND LE PAPE JOUE À L'EXTÉRIEUR
 

Le mouvement Communion et Libération est présent en Allemagne, à travers une petite communauté, et à ce titre, très concerné par la visite du Pape..
Cet article, paru sur leur revue en Italie, "Tracce", est une synthèse d'autres textes traduits dans ces pages, sur ce qui attend le Saint-Père en Allemagne jeudi prochain (18/9/2011).

Original ici: http://www.tracce.it/...
Ma traduction.

-> Voir aussi: Visite en Allemagne




Le voyage de Benoît XVI

Quand le Pape en Allemagne joue à l'extérieur ...
Christoph Scholz
16/09/2011

Jeudi 22 Septembre, le Pape arrive à Berlin pour la première visite d'Etat officielle dans sa terre natale. Un rendez-vous tout sauf «facile». Voici comment les Allemands l'attendent.
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«Le Pape provoque», afirme Peter Seewald. «Et cela est grandiose!» ajoute l'auteur de plusieurs livres d'entretien avec Benoît XVI, interpelé par "Tracce". « Ce serait un mal, s'il ne provoquait plus, alors, il faudrait vraiment avoir peur».
En effet, la prochaine visite du Pape Benoît XVI en Allemagne est provocatrice. Tout à coup, pour beaucoup, la foi sort de la niche du domaine privé pour devenir à nouveau exigence et proposition dans une société pluraliste.
Après deux visites pastorales - à l'occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne, et en Bavière, sa terre natale - le Pape arrivera à Berlin le 22 septembre pour sa première visite d'Etat officielle. Les moments forts du voyage seront un discours devant le Bundestag et une Messe dans le stade olympique. En outre, en se rendant à Erfurt, capitale du Land de Thuringe, il franchira les limites de l'ancienne République démocratique allemande (RDA). Enfin, il tiendra une veillée de prière avec les jeunes à Fribourg.
Mais la visite apostolique de quatre jours dans son pays natal, ne sera pas tout à fait pour le Pape comme jouer à domicile. Benoît XVI se trouvera face à une société de plus en plus sécularisée, et une Eglise dont la faille interne est venue à la lumière précisément alors que sa visite se faisait imminente.
Berlin est un exemple clair d'une société postmoderne et multiculturelle. Elle héberge la plus grande communauté musulmane d'Allemagne, mais aussi la plus grande communauté homosexuelle, à laquelle déclare appartenir, en forme de provocation, le maire, Klaus Wowereit (SPD, le Parti social-démocrate).
Le land de Berlin est gouverné depuis 2001 par une coalition du SPD et du Parti de Gauche, héritier du SED communiste, qui dans la partie orientale de la ville reçoit toujours un pourcentage élevé d'approbation. Et puisque immédiatement avant la visite du Pape, le nouveau Sénat de Berlin sera élu, les rues ne seront pas envahies par les affiches du Pape, mais par celles électorales.
Quand de nombreuses communautés étaient encore séparés par le mur, Jean-Paul II le qualifiait de «diocèse le plus difficile du monde». Dans l'ancienne capitale prussienne, les catholiques sont une minorité, mais leur nombre tourne toujours autour de 314 mille. Après la chute du mur, avec le transfert du gouvernement, beaucoup de catholiques sont venus de la Rhénanie, avec divers ordres religieux et communautés, parce que Berlin représentait pour eux un lieu particulier pour la nouvelle évangélisation. CL aussi est présent ici depuis une dizaine d'années avec une petite communauté.

Les étapes du voyage
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Quelques mois après la mort inattendue de l'archevêque de Berlin, le cardinal Georg Sterzinsky, ce sera son successeur nouvellement nommé, l'archevêque Rainer-Maria Woelki (Benoît XVI: dans un mois en Allemagne ), qui accueillera le Pape devant 70 000 fidèles au stade olympique. Initialement, les organisateurs pensaient relèguer la messe pontificale dans l'espace beaucoup plus petit devant le château de Charlottenburg, mais les demandes de billets et les protestations des gens ont été telles que l'administration diocésaine a décidé de délocaliser l'événement au stade, où avait déjà été célébrée la messe de Jean-Paul II.
Même l'intervention du Pape au Parlement a été l'objet de polémiques. Les députés de la Gauche et des Verts ont contesté le droit de parole du chef de l'Eglise. Ce sont ceux qui s'aligneront parmi les rangs grossissants des laïcistes qui prétendent parler au nom de ces 30 pour cent de la population allemande qui ne reconnaissent plus dans aucune église ou communauté religieuse. Le Président du Bundestag, Lammert Norbert (Union chrétienne démocrate, CDU) avait déjà invité le Pape en 2009, pour le 20e anniversaire de la chute du mur, afin qu'il prononce un discours programmatique sur l'Europe. Aujourd'hui, étant donné l'état précaire de l'Union européenne, son discours devrait avoir un poids encore plus grand. Benoît XVI rencontrera l'ex-chancelier Helmut Kohl, gravement marqué par un accident vasculaire cérébral, comme un geste d'hommage à ses mérites dans la construction de l'unité européenne.

A l'enseigne de la réunification, mais surtout de l'œcuménisme, il y aura ensuite la visite à Erfurt. Le diocèse a été fondé par saint Boniface, «apôtre des Germains». Entre 1505 et 1511 vécut aussi dans cette ville le réformateur Martin Luther, hôte du couvent des Augustins, où, encore catholique, il célébra sa première messe en 1507. Dans ce même endroit le Pape Benoît rencontrera les autorités de l'Eglise évangélique: rencontre importante, fortement voulue par le Pape en personne.
Ratzinger lui-même connaît Erfurt depuis les jours où il y enseigna en tant que «visiting scholar ». Dans les années 60 et 70, donc encore à l'époque de la RDA, il y tint quelques cycles de conférences au séminaire catholique central d'Allemagne de l'Est (cf. Sous l'oeil de la Stasi).
A la messe solennelle de la Place du Dôme, dans le décor pittoresque de la cathédrale et de la Severikirche assisteront de nombreux fidèles appartenant à l'ethnie sorabe - traditionnellement catholiques - ainsi que les catholiques de l'arrondissement (landkreis) d'Eichsfeld. Sous la dictature communiste, les catholiques de ces deux territoires restèrent fidèles à leur credo malgré les persécutions, et constituent aujourd'hui encore une présence tangible de l'Eglise dans un monde toujours plus éloigné de la religion. C'est aussi pour cette raison que la conférence des évêques a érigé l'an dernier à Erfurt sa nouvelle «base catholique pour la pastorale missionnaire» .
Dans les deux dernières journées à Fribourg, le Pape s'adressera à toute l'Église locale. La naissance du deuxième diocèse d'Allemagne par la taille, remonte seulement à 1821, avec fusion de l'évêché de Constance et d'autres parties. Mais sa cathédrale gothique, de longue tradition chrétienne, vante «le plus beau clocher de toute la chrétienté», comme le dit l'écrivain catholique Reinhold Schneider. L'archevêque de Fribourg, Robert Zollitsch (Sous l'ombre de Luther ), est aussi actuellement président de la Conférence épiscopale. La situation de l'Eglise dans le sud-ouest l'Allemagne est un exemple typique de la condition de la plupart des diocèses catholiques: grâce à la Kirchensteuer (taxe d'Église) ils comptent parmi les plus riches Églises dans le monde et maintiennent un certain nombre de structures, mais à l'intérieur, elles sont de plus en plus affaiblies.
Avec le déclin rapide des fidèles pratiquants, il y a aussi un effondrement drastique des vocations sacerdotales. En 1960 les prêtres actifs dans la pastorale paroissiale étaient environ 15500, aujourd'hui, il n'y en a plus que 8500. En 2010, il n'y a eu que 150 nouvelles ordinations en Allemagne, ce qui a obligé de nombreuses paroisses à fusionner.

Les attaques contre l'Eglise
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Les catholiques allemands, ces dernières années ont également traversé plusieurs crises: le scandale autour de l'évêque traditionnaliste Mgr Williamson, qui a nié l'Holocauste, a attiré une forte vague de critiques autour de la responsabilité historique des Allemands. Finalement, la chancelière fédérale Angela Merkel (CDU), s'est même sentie obligée de demander officiellement une clarification au Pape. Puis est sortie une étude sur la maltraitance des enfants dans les orphelinats après la guerre, dont beaucoup étaient gérés par des organismes religieux (ndt: ??). Et finalement sont venus à la lumière, également dans la République fédérale d'Allemagne, de nombreux cas d'abus sur des mineurs par des prêtres. Il s'agissait en réalité de cas remontant souvent très loin dans le temps, en nombre relativement faible par rapport, par exemple, aux États-Unis ou à l'Irlande. Toutefois, en raison de ces faits, l'Eglise a souvent été l'objet de fortes attaques de la part de l'opinion publique (ndt: ou plutôt, de ceux qui la font!).
L'Eglise, pour sa part, a réagi avec de nombreuses mesures, en plus de la liturgie pénitentielle, avec un durcissement des règles, et des dédommagements pour les victimes. Mais la grande vague de départs de l'Eglise de ces dernières décennies s'est confirmée: en 2009, 123.681 catholiques ont abandonné l'Eglise dans les 27 diocèses, et 181.200 en 2010 (ndt: je persiste à croire que la première motivation est fiscale, et que la seconde est très probablement l'attitude déloyale envers le Pape d'une grande partie du clergé local).

Le troupeau si durement éprouvé peut donc trouver beaucoup de réconfort, de consolation et d'encouragement dans la visite du Saint Père.

Mais paradoxalement, la visite à Fribourg sera la plus difficile pour Benoît XVI: la fraction la plus organisée du catholicisme laïc allemand, à laquelle se joindront quelques 300 professeurs de théologie allemands, à la retraite mais toujours actifs, se préparent à rencontrer le Pape, non dans une attente joyeuse , mais avec des revendications bien décidées. Pour faire face à la crise de confiance de l'opinion publique, ils exigent des réformes radicales.
«Le catholicisme allemand est coincé dans un conflit interne entre factions opposées, juste à la veille de la visite du Pape en Allemagne», titre le quotidien Die Welt. Les positions les plus conservatrices voient même des tendances sécessionistes de l'Eglise de Rome.
Pour commencer, au printemps, huit représentants politiques catholiques éminents du CDU, appartenant au «Comité central des catholiques allemands», organisme officiel laïc, «préoccupé» par le manque croissant de vocations sacerdotales, ont dans une lettre ouverte appelé, à l'admission à la prêtrise de «viri probati» mariés. A peine une semaine plus tard, 144 professeurs de théologie ont publié un document appelant à une réforme structurelle de l'Eglise, qui a par la suite trouvé encore plus de partisans (cf. L'appel des théologiens allemands). En outre, plusieurs associations catholiques ont exprimé leur solidarité avec les signataires du document. A côté de la suppression de l'obligation du célibat, ils revendiquent la prêtrise pour les femmes, une plus grande liberté d'interprétation de la liturgie, des structures synodales à tous les niveaux, la participation des laïcs à l'ordination des prêtres et des évêques et la reconnaissance de couples de même sexe. Beaucoup de ces revendications ne sont pas nouvelles. Dans le passé, elles avaient déjà été soulevées dans les documents similaires, et elles renvoient finalement au «Synode de Würzburg» des catholiques allemands, qui s'est tenu en 1975. Les critiques soulignent que les revendications fondamentales ont déjà été mises en œuvre dans les communautés religieuses protestantes. Ces dernières, cependant, enregistrent un exode encore plus rapide de leurs fidèles. Le document a été évidemment rejeté par de nombreux évêques, qui ont dénoncé la perte croissante d'une conception catholique de l'Église. Le Cardinal Walter Kasper de la Curie a dénoncé un «repli sur soi», qui néglige totalement le vrai problème, à savoir la «crise du divin», autrement dit la crise du sentiment religieux. De fait, le débat au sein de l'Eglise suscite peu d'intérêt dans l'opinion publique. Les gens sont plutôt à la recherche de réponses à leurs questions existentielles, et se sentent de plus en plus fragilisés, face à la crise croissante.

Intérêt pour la foi.
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Dans ce contexte général, la communauté de Communion et Libération en Allemagne, a distribué un prospectus pour inviter les amis à la visite du Pape. «Face à la difficile situation des Eglises, qui ne peut nous laisser indifférents, il n'a pas été facile d'arriver à un jugement clair», affirme Hubert Kessler, professeur de religion. Et, comme le dit Martin Groos, responsable de la Fraternité en Allemagne, « il y a à chaque fois le danger de tomber dans l'apologie pure (ndt: pourquoi "danger"?), ou dans une attitude défensive. Mais c'est trop peu face à la nouveauté du christianisme que nous avons rencontré».
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Les différentes communautés de jeunes du mouvement, en particulier de Munich et de Cologne, participeront à la veillée de prière à Fribourg. De Cologne arrivera Gianluca Carlin, un prêtre de la Fraternité Saint-Charles, avec quelques 150 jeunes de son école.
Lorsque la rencontre avec le Christ est proposée dans une forme authentique, elle trouve aussi une réponse positive, comme l'a montré par exemple le nombre croissant de baptêmes ou de personnes qui retournent à l'Église. C'est justement parmi eux qu'on peut percevoir cette fascination déjà témoignée par les premiers chrétiens dans l'antiquité. Cela aussi fait partie des réalité que le Pape rencontrera en Allemagne: un intérêt nouveau et sincère pour la foi.




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