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BENOÎT XVI ENTAME UNE RÉFORME SPIRITUELLE
 

C'est la conclusion de Jean-Marie Guénois (c'est vraiment le moment de le remercier!), à l'issue de la visite du Saint-Père en Allemagne. (28/9/2011)

Mon amie Anne (encore une fois) me dit: "JM Guenois, qui, manifestement a lu et a compris tous les discours, ce qui ne doit pas être fréquent chez les journalistes français, a été subjugué".

-> Voir ici: Schizophrénie journalistique (j'ai été sévère!)




 



 

Texte original: http://www.lefigaro.fr

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En Allemagne, il appelle une Église catholique trop «mondaine et routinière» à corriger le cap.
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Est-ce l'influence de Martin Luther dont il a loué à Erfurt les qualités spirituelles qui a poussé Benoît XVI à engager en Allemagne une véritable réforme de l'Église catholique?
Ce week-end, à Fribourg-en-Brisgau d'où l'on aperçoit la ligne bleue des Vosges, Benoît XVI n'a cessé de critiquer vertement le fonctionnement de l'Église allemande mais aussi de toute l'Église catholique. Il propose «un changement» en vue d'une «conversion continuelle», car «c'est l'heure de retirer courageusement ce qu'il y a de mondain dans l'Église». «Une Église, explique-t-il, qui s'installe dans ce monde, devient autosuffisante et s'adapte aux critères du monde.» Elle donne trop d'importance «à l'organisation et à l'institutionnalisation». Elle doit au contraire «se détacher de la mondanité du monde», sinon «son témoignage sera obscurci», ses «relations aliénées» et son «message relativisé». Rien à voir avec «une nouvelle peinture»: il s'agit d'une «correction» et de «reprendre le cap».

Ce programme de Benoît XVI est connu, mais il n'a jamais été aussi explicite. Certes, la «diminution de la pratique religieuse» est là tout comme «la croissante distance prise d'une partie notable de baptisés».
Mais le Pape répondait aussi au principal mouvement de contestation «Wir sind Kirche», (« Nous sommes l'Église»). Très présent en Allemagne, il prône une réforme antidogmatique et démocratique. Jouant sur les mots et inversant le slogan, Benoît XVI a affirmé «Kirche sind wir alle» («l'Église, nous la sommes tous»). Tous, c'est-à-dire baptisés «et» clergé… Oui, l'Église doit «changer», a-t-il rétorqué, mais cela commence par «vous et moi!» (ndlr: il citait Mère Teresa!). C'est-à-dire par la réforme spirituelle. «Il ne s'agit pas de trouver une nouvelle tactique pour relancer l'Église, a-t-il argumenté. Il s'agit plutôt de déposer tout ce qui est seulement tactique et de chercher la pleine sincérité (…)».
Ce dépouillement intérieur prôné avant son élection, Benoît XVI l'a résumé dimanche d'un trait: «Libérée de son fardeau matériel et politique, l'Église s'ouvre au monde non pour obtenir l'adhésion des hommes à une institution avec ses propres prétentions de pouvoir, mais pour les faire entrer en eux-mêmes et ainsi les conduire à Celui dont toute personne peut dire avec Augustin: il est plus intime à moi-même que moi-même. Lui qui est infiniment au-dessus de moi est toutefois tellement en moi-même jusqu'à être ma véritable intériorité.» Le Pape a également insisté sur «l'humilité», une vertu qui ne jouit plus «d'une grande estime», mais qui agit pourtant comme une «huile qui rend féconds les processus de dialogue» .
Avis aux réformateurs en titre… «Les personnes humbles ont les deux pieds sur la terre. Mais surtout, ils écoutent le Christ, la Parole de Dieu qui renouvelle sans arrêt l'Église et chacun de ses membres.»

Dans cette veine, le Pape a lourdement averti les catholiques en commentant l'Évangile de dimanche matin où il est dit que «les publicains et les prostituées vous précèdent au royaume». Cela peut correspondre, a-t-il traduit, à «plus ou moins ceci»: «Les agnostiques qui ne trouvent pas la paix au sujet de la question de Dieu; les personnes qui souffrent à cause de nos péchés et qui ont le désir d'un cœur pur, sont plus proches du royaume de Dieu que ne le sont les fidèles de “routine” qui dans l'Église voient désormais seulement ce qui paraît, sans que leur cœur soit touché par la foi.»

Décidément très offensif -«la parole de Dieu doit nous secouer tous!», avait-t-il prévenu- il est allé jusqu'à demander samedi soir aux jeunes de devenir des «saints ardents» en estimant que «le préjudice pour l'Église ne vient pas de ses adversaires mais des chrétiens attiédis».

Dans cette logique, il n'a pas quitté l'Allemagne pour Rome, dimanche, en fin d'après-midi, sans revenir sur la crise des prêtres pédophiles dont il avait rencontré des victimes vendredi soir: «La foi chrétienne est toujours pour l'homme un scandale. (…) Ce scandale, qui ne peut être aboli si on ne veut pas abolir le christianisme, a malheureusement été mis dans l'ombre récemment par les autres scandales douloureux des annonciateurs de la foi. Une situation dangereuse se crée quand ces scandales prennent la place du “skandalon”premier de la Croix et ainsi le rendent inaccessible, c'est-à-dire quand ils cachent la véritable exigence chrétienne derrière l'inadaptation de ses messagers.»




Les trois contre-pieds d'un pape subversif

Il s'annonçait difficile mais il est réussi. Le troisième voyage de Benoît XVI dans sa patrie aura été un festival dialectique d'une rare vigueur. Ce pape à l'allure réservée a décoché ses flèches sans complexe, prenant critiques et opposants à total contre-pied.

Premier contre-pied: le terrain politique.
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C'était au Reichstag à Berlin, où une bonne centaine de représentants politiques (de l'extrême gauche et parmi les Verts), avaient boycotté le rendez-vous. Contre toute attente, ce pape «ultraconservateur» est allé les chercher sur leurs propres arguments. Ceux des écologistes en particulier. En veillant avec soin à ne pas prendre parti, il a rendu hommage à ce mouvement pour sa sensibilité à «la nature». Ce qui démontre d'une part qu'elle existe. Mais que «la loi naturelle» défendue par l'Église n'est peut-être pas une totale ineptie.

Deuxième contre-pied: le terrain théologique.
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Le pape était attendu par les protestants, qui représentent un tiers de la population. Ils espéraient un «cadeau œcuménique». Leur permettre de communier lors des messes catholiques. Ce que les protestants admettent pour les catholiques, mais sans réciproque. Sujet très sensible pour beaucoup de mariages mixtes entre catholiques et protestants. Benoît XVI a surpris en rendant un hommage vibrant à la haute spiritualité de Martin Luther… fondateur du protestantisme! Mais pour mieux inviter précisément ses disciples à retrouver la même exigence spirituelle, notamment sur les questions oubliées dans la Réforme -et pourtant centrale chez Luther: le «mal», le «salut éternel». Ce sera un préalable à toutes autres discussions car le Pape refuse tout «compromis» sur la foi chrétienne.

Troisième contre-pied: le terrain ecclésial.
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Le Pape a retourné le slogan du puissant mouvement contestataire «Wir sind Kirche» («Nous sommes l'Église») en «Kirche sind wir alle» («Église, nous la sommes tous»). Laïc «et» clergé. Appelant à une réforme, mais d'ordre spirituel et non structurel. On ne connaissait pas Benoît XVI en pape subversif et bien peu tenté par une quelconque démission.




Le Pape de ma vie | Luther: révolution, pas réforme