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ABANDONNONS TOUTE TACTIQUE...
 

seule sert la foi. C'est ainsi que José-Luis Restàn résume les derniers discours du Pape en Allemagne. Traduction de Carlota. (30/9/2011)

-> Voir aussi: Berlin, ville ouverte




 
 

Abandonnons toute tactique, seule la foi sert (original Religion en Libertad)

Carlota a traduit ce dernier commentaire de Restan à la visite du pape en Allemagne. Il est l’un des rares journalistes qui a tout compris.
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Il est évident que le discours de Benoît XVI devant le Bundestag est appelé à laisser des traces dans l’histoire.
Mais en voyant en perspective le voyage en Allemagne dans son ensemble, nous pourrions bien dire que le leitmotiv a été l’Église, cette réalité mystérieuse qu’une grande partie des médias manie avec un notable embarras quand ce n’est pas avec une hostilité aigre. Cette réalité, « le don le plus beau de Dieu », a osé dire le Pape à Berlin, à l’intérieur duquel se propagent parfois la mauvaise humeur et l’inquiétude. Cette barque dans laquelle paraissent se battre ceux qui construisent des stratégies et ceux qui ne sont préoccupés que par un discours correct ; alors que le peuple fidèle vit les intempéries d’un monde qui s’éloigne d’une façon croissante de Dieu.

Depuis qu’il y a trente ans, la « Méditation sur l’Église » d’Henri de Lubac m’a captivé, je n’avais pas écouté une symphonie comme celle qu’a composée le Pape Ratzinger précisément sur sa terre, un des lieux où la barque traverse en cet instant les océans les plus agités.
Le Pape des hautes cimes théologiques a voulu rappeler à Fribourg-en-Brisgau une joyeuse chanson que des générations de catholiques ont entonnée avec conviction : « Je rends grâce au Seigneur parce qu’il m’a appelé d’une manière imméritée à son Église ». Pour beaucoup aujourd’hui ce chant joyeux a cessé. Pour beaucoup l’Église se réduit maintenant à une barque rouillée, au champ de scandales, à une lourde machinerie qui limite la liberté, à une organisation que chacun voudrait façonner selon son inclinaison personnelle. En Allemagne, pour la douleur du Pape, elle se surpasse dans ces affaires-là.
C’est pour cela qu’il est vraiment émouvant que l’homme qui n’a pas eu peur d’exposer les plaies du corps ecclésial à l’air libre, se soit lancé, la poitrine découverte, pour montrer la beauté éternelle de l’Église, celle que ne peuvent obscurcir ni les scandales internes ni les harcèlements extérieurs. Cette beauté qui brille même à travers la faiblesse évidente de ses membres, parce qu’elle procède d’une autre origine. « Dans la mesure où quelqu’un aime l’Église du Christ, il possède l’Esprit Saint ! » disait Saint Augustin, et Benoît XVI l’a rappelé à ceux qui toujours invoquent la liberté de l’Esprit (qui souffle où il veut en opposition à la supposée rigidité du corps). On ne peut suivre l’Esprit quand on déteste le corps dans lequel on habite.

Dans de nombreux passages nous reconnaissons l’émotion du berger qui recherche passionnément chacun de ses enfants, qui les appelle à rester, qui leur rappelle le pain chaud sur la table et le toit qui abrite en plein orage. Parfois en forme de requête, d’autres fois d’avertissement sévère mais affectueux. Et le peuple a reconnu sa voix. Ils l’ont reconnue dans l’Olympiastadion du Berlin qui ne croit pas, dans la Thuringe, fille de la Réforme, où a persévéré une héroïque communauté, et dans la raffinée Fribourg, où l’affection de la multitude a débordé.

Au comité Central des Catholiques allemands (discours ici) il a parlé sans détours d’une disproportion entre l’efficacité des structures et la faiblesse de la foi dans le Dieu vivant. Et à ceux qui sont les porte-parole d’une bonne part de l’interminable litanie des demandes de réforme, il a répété que « la véritable crise de l’Église dans le monde occidental est une crise de la foi… si nous n’arrivons pas à une véritable rénovation de la foi, toute réforme structurelle sera vaine ».
Mais c’est sûrement dans le discours devant le groupe de catholiques allemands engagés dans diverses initiatives sociales que Benoît a tracé avec le plus de précision sa proposition pour la rénovation de l’Église d’aujourd’hui. Et cette route vaut pour tout le monde (spécialement le monde occidental) et pas seulement l’Allemagne. Il y a certainement un besoin de changement, d’une conversion continue, dont le motif fondamental et la règle résident seulement dans la fidélité à la mission que le Christ a confiée aux apôtres.

Ce changement ne consiste pas à s’adapter au monde pour l’accompagner en le laissant intact. « L’Église, précise le Pape, doit toujours de nouveau faire l’effort de se détacher de sa « mondanité » pour s’ouvrir à Dieu. ». Et dans ce sens, les époques dures de l’histoire, celles des persécutions, de la sécularisation, contribuent providentiellement à ce que l’Église se purifie et se réforme intérieurement. « Allégée de ses éléments mondains et politiques », l’Église peut véritablement être ouverte au monde…elle peut vivre avec plus d’aisance sa tâche missionnaire, son ministère d’adoration de Dieu et de service au prochain.

La partie finale de ce discours est une authentique intensification de la symphonie. D’abord, en rappelant que l’Église ne doit pas chercher à accroître son pouvoir propre ni son influence, mais aider les hommes à se connaître eux-mêmes et les conduire à celui qui est leur Seigneur. Et ensuite il a mis en garde contre la tentation de chercher des tactiques pour relancer l’Église : ce qui est nécessaire c’est « d’abandonner tout ce qui est simple tactique et de chercher une totale sincérité qui vive pleinement la foi dans le présent, dépouillée de ce qui est apparent, de ce qui est simple habitude ou convention ».

Mais il y a un autre joyau indispensable sur l’Église dans ce voyage. La réponse que le Pape a faite aux séminaristes de Fribourg qui l’interrogent (ici) sur le mouvement « Nous sommes Église » qui depuis des années défie les évêques et Rome avec une stratégie de lutte révolutionnaire.
Cela vaut la peine de retranscrire ce passage prononcé par Benoît XVI, sans papiers, directement du fond du cœur :

« Nous sommes Église, oui, c’est la vérité…mais le « nous » est plus large que le groupe qui le dit, le " nous", c’est la communauté entière des fidèles, d’aujourd’hui, de tous les lieux et de tous les temps.
Et je dis toujours : Oui, il existe, pour ainsi dire, dans la communauté des croyants la sentence de la majorité de fait, mais il ne peut jamais y avoir une majorité contre les Apôtres et les Saints, il s’agit alors d’une fausse majorité. Nous sommes l’Église, soyons-le donc ! Soyons-le par le fait de nous ouvrir et d’aller au-delà de nous-mêmes, et soyons-le avec les autres. ».




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