Le curé "de terrain" et le Motu Proprio

Durant mon absence, une de mes "veilles éditoriales" m'a alertée sur un article paru dans le Monde le 17 juillet, et qui pouvait m'intéresser à deux titres au moins. J'ai retrouvé l'article, et le moteur de recherche m'a permis également de trouver sur le même sujet une lettre de lecteur parue dans les Dernières Nouvelles d'Alsace du 1er août dernier.

L'article du Monde

Le retour du latin laisse les prêtres de base dubitatifs
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LE MONDE | 16.07.07 |

Les prêtres de terrain ont accueilli avec circonspection le motu proprio de Benoît XVI, qui libéralise la messe en latin à partir du 14 septembre. D'après le texte papal, ils sont pourtant les premiers concernés par cette décision, qui permet dorénavant à un groupe de fidèles de demander directement au curé du lieu de célébrer une messe ou un sacrement selon le rite ancien.
Leurs réserves portent à la fois sur des questions théologiques et pratiques.
"Pour moi, et je crois pour beaucoup de paroissiens, c'est un pas en arrière", juge Christian Kamenisch, curé à Ostwald (Bas-Rhin). "Je crains que ce texte ne donne de l'Eglise une image nombriliste, attachée à son organisation interne".
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L'argument du pape pour qui ce texte est censé favoriser "l'unité" de l'Eglise avec les catholiques traditionalistes et schismatiques ne porte guère.
"Je trouve que l'on fait beaucoup de concessions pour ces chrétiens qui font une Eglise à côté de l'Eglise au regard de ce que l'on fait pour tous ceux qui quittent l'Eglise sur la pointe des pieds, notamment les chrétiens divorcés qui veulent se remarier", ajoute Paul Bertin, prêtre à Rennes.
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Dans les faits, nul ne s'attend pourtant à une vague de demandes, les besoins étant déjà assez bien couverts, ainsi que l'ont rappelé la plupart des évêques dans le texte de présentation du motu proprio qu'ils ont envoyé aux prêtres. Certains préviennent déjà qu'ils refuseront de satisfaire aux sollicitations des traditionalistes. C'est le cas de Roger Michel, prêtre à Valence. "Pour les générations, ordonnées après 1965, ce rite ancien pose des questions : quid des prêtres et des laïcs qui se sont investis dans le travail liturgique d'après Vatican II ?"
Christian Kamenisch serait lui "bien embêté". "Je ne sais pas le latin et il y a peut-être plus important à faire que de passer l'été à l'apprendre."

Courrier des lecteurs des DNA, 1er août

Le «motu proprio» de Benoît XVI
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M. Christian Kamenisch, jeune curé d'Ostwald :
« Quel pas en arrière pour l'Eglise d'aujourd'hui ! Le texte de Benoît XVI créera beaucoup plus de problèmes qu'il n'en résoudra... On limite la vie de l'Eglise à des histoires de frous-frous et de liturgie. Encore une fois, c'est la vie interne d'une Eglise nombriliste qui prime. Mais où est la dimension d'ouverture au monde, la dimension missionnaire ? N'y a-t-il pas des questions beaucoup plus importantes à traiter dans l'Eglise d'aujourd'hui ? Mais tant qu'on aura un pape qui gardera la tête dans les nuages et les théories, on n'avancera pas. Dommage ! » !
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Édition du Mer 1 août 2007

Du "Monde", on n'attend rien d'autre. Encore que Le Monde ne soit pas précisément la lecture la plus adéquate pour un prêtre, disposant vraisemblablement de peu de temps libre! Passons.
Il est plus surprenant de voir un curé de village s'exprimer dans le "courrier de lecteurs" du journal local (DNA) pour se plaindre du sommet de sa hiérarchie en oubliant tout ce qui fait la spécificité de son ministère, jusqu'à son titre!... et en des termes ahurissants de hargne et d'irrespect, que ne désavouerait pas un militant syndical! Le "jeune curé" qui "ne connaît pas le latin"(!) se prend-il pour le José Bové de la liturgie? Oublie-t'il que l'Alsace-Lorraine vit sous le régime concordataire, et qu'il y bénéficie d'un statut de fonctionnaire, qui lui impose au minimum un devoir de réserve?

Je connais bien Ostwald, où nous avons de la famille, et où nous nous rendons souvent.

Puisque "Monsieur" Kamenish parle de dimension missionnaire, et d'ouverture au monde, je lui suggérerai qu'il n'est pas nécessaire d'aller aussi loin, il y a beaucoup à faire à deux pas de chez lui!!
Il est peut-être débordé, simplement, et je peux le concevoir (mais alors, il devrait préférer à la lecture roborative du "Monde", celle des exhortations de Benoît XVI (*)). C'est l'interprétation la plus charitable que je puisse trouver pour justifier son refus d'obéir au Pape: car comment l'appeler autrement?

(*) Benoît XVI s'adresse très souvent au clergé. Par exemple --et c'est très représentatif de son propos général-- on relève ces fortes paroles, dans un discours aux prêtres polonais datant de mai 2006:

"Les fidèles n'attendent qu'une chose des prêtres: qu'ils soient des spécialistes de la promotion de la rencontre de l'homme avec Dieu. On ne demande pas au prêtre d'être expert en économie, en construction ou en politique. On attend de lui qu'il soit expert dans la vie spirituelle."

... tout simplement!