"Ce Pape va nous surprendre"

C'était le slogan d'une certaine presse, au lendemain de l'élection. Je l'ai trouvé agaçant, puis exaspérant, car le pape n'est pas là pour nous donner du spectacle, évidemment. On attend de lui qu'il nous guide, pas qu'il nous étonne.
Pourtant, cela commence à devenir vrai, cela va se confirmer. Et comme il nous surprend vraiment, ce n'est pas dans le sens attendu.
Certains devront se faire une raison: il n'y aura aucun ramollissement sur les points non négociables de la doctrine (la famille, le mariage, les enfants, le caractère sacré de la vie, le célibat des prêtres, et je ne parle pas de l'ordination des femmes, car c'est vraiment grotesque), aucune concession sur la liturgie et la façon de célébrer la gloire de Dieu.
Par contre, après nous avoir amenés à réfléchir (et Dieu sait que ce n'est pas facile!) sur les relations avec l'Islam, en particulier après le discours de Ratisbonne, Benoît XVI pourrait bien se révéler plus progressite que nos paléo-marxistes, sur la question du partage des richesses. Ce n'est pour autant ni un pape marxiste, ni un pape vert, (pas plus qu'il n'est un pape réactionnaire) comme certains s'empresseront de nous le faire avaler, car on ne peut pas l'enfermer dans une catégorie
Lors de son séjour estival dans les Dolomites, il a commencé à rédiger, selon Tarcisio Bertone, sa prochaine encyclique, qui devrait porter sur ce thème. Comme n'importe qui travaillant intensément sur un sujet précis, il est littéralement captivé, il a tendance à y revenir constamment, et cela s'est senti particulièrement lors de deux derniers Angelus. Nul doute que les réflexions qui suivent constitueront la matière, et seront développées, dans cette encyclique attendue.


23 septembre, à Velletri

Le Pape a effectué ce matin une visite pastorale à Velletri, au sud de Rome, où il a célébré la messe devant la cathédrale.
...A l'homélie, il a commenté la parabole du mauvais administrateur en critiquant l'excessif attachement à l'argent et aux biens matériels. La vie, a-t-il dit, "est souvent un choix entre honnêteté et malhonnêteté, entre fidélité et infidélité, égoïsme et altruisme, bien et mal". Puis il a souligné combien la conclusion du passage évangélique est "incisive et péremptoire: aucun serviteur ne peut servir deux maîtres", ce qui signifie en particulier qu'on ne peut servir ensemble Dieu et l'argent.

Puis le Saint-Père a rappelé "la nécessité d'un choix fondamental entre la logique du profit comme fin de toute action d'une part, le partage et la solidarité de l'autre. La première accroît de manière disproportionnée le fossé entre riches et pauvres, et provoque une désastreuse surexplotation de la planète. Par contre, si la seconde logique prévaut, on peut redresser la situation en faveur d'un développement juste, dans lequel le bien commun est respecté. Au fond, il s'agit d'un choix entre égoïsme et amour, entre justice et injustice, entre Dieu et Satan".

"Si aimer le Christ et nos frères -a ajouté Benoît XVI- n'est pas quelque chose d'accessoire et de superficiel, mais le véritable but de la vie, ce choix fondamental doit être fait. Pour ce, on doit être prêt à des changements radicaux, et si nécessaire au martyr. Aujourd'hui comme hier, la vie du chrétien exige le courage d'aller à contre-courant, d'aimer comme Jésus qui en est arrivé au sacrifice de la Croix".

Angelus du 23 septembre

Benoît XVI a récité l'angélus dominical avec les fidèles rassemblés dans la cour du palais de Castelgandolfo. Avant la prière mariale, il a évoqué la visite qu'il venait d'effectuer dans le diocèse voisin de Velletri-Segni, où il avait parlé "de la juste utilisation des biens terrestres" en commentant l'Evangile de Luc qui rapporte la parabole de l'administrateur malhonnête mais rusé au moyen de laquelle Jésus apprenait aux disciples la meilleure façon d'utiliser les richesses matérielles.

"L'argent n'est pas le mal en soi, mais plus que toute autre chose, il peut renfermer l'homme dans un égoïsme aveugle. Il faut donc faire un certain usage des biens économiques. Au lieu de les utiliser seulement pour son intérêt propre, il faut aussi penser aux nécessités des pauvres, imitant Jésus qui...riche s'est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté".

"Nous pourrions ouvrir ici -a poursuivi le Pape- une grande et complexe réflexion sur la richesse et la pauvreté, y compris à l'échelle mondiale où se confrontent deux logiques économiques, le bénéfice et la distribution équitable des biens, qui ne se contredisent pas entre elles si leur relation est bien définie".

"La doctrine sociale catholique a toujours soutenu que la juste distribution des biens est prioritaire. Le profit est naturellement légitime et, dans la juste mesure nécessaire au développement économique". Benoît XVI a alors cité un passage de l'encyclique Centesimus Annus de Jean-Paul II: "l'économie moderne des entreprises a des aspects positifs, dont les racines sont la liberté de la personne qui s'exprime dans le domaine économique comme dans d'autres domaines", précisant cependant que "le capitalisme n'est pas l'unique modèle valable d'organisation économique".

"L'urgence d'éradiquer la faim et de protéger l'environnement -a conclu le Saint-Père- montrent avec une évidence croissante que si la logique du bénéfice domine, alors la disproportions entre les riches et les pauvres ainsi que la ruineuse exploitation de la planète augmente. Quand la logique du partage et de la solidarité dominent, il est alors possible de corriger la route et de l'orienter vers un développement équitable et soutenable".

Angelus du 30 septembre

Pour ce dernier angélus récité depuis Castelgandolfo, où il a passé une bonne partie de l'été, Benoît XVI commente la parabole de l'homme riche et du pauvre Lazare de l'Evangile de Luc.
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"Le riche personnifie l'usage impropre des richesses utilisées que pour un luxe effréné et égoïste - a expliqué le Pape -alors que le pauvre représente la personne dont seulement Dieu se soucie... Dieu n'oublie pas celui qui est oublié de tous... Ce récit montre comment l'iniquité terrestre est complètement renversée par la justice divine: après la mort, Lazare est accueilli...dans la béatitude éternelle alors que le riche finit 'à l'enfer dans les tourments'".

Le Saint-Père a ensuite rappelé que cette parabole "se prête à une lecture selon les clés sociales" et il a cité "la mémorable interprétation" de Paul VI dans l'encyclique Populorum Progressio. Parlant de la lutte contre la faim, il écrivait: "Il faut construire un monde où tout homme...peut vivre une vie pleinement humaine...où le pauvre Lazare peut s'asseoir à la même table que le riche". "Les causes provoquant la misère sont nombreuses, rappelle l'encyclique, d'une part 'l'esclavage des hommes' et d'autre part 'une nature mal gérée'".

"Malheureusement certaines populations souffrent de tous ces facteurs. Comment ne pas penser en ce moment aux pays de l'Afrique Subsaharienne récemment touchés par de graves inondations? Mais nous ne pouvons pas oublier de nombreuses autres situations d'urgence humanitaire dans différentes régions de la planète, où les conflits pour le pouvoir politique et économique sont aggravés par des problèmes environnementaux déjà graves".

"L'appel que Paul VI avait alors lancé: 'Les peuples de la faim appellent avec détresse les peuples de l'opulence' garde aujourd'hui toute son urgence. Nous ne pouvons pas dire ne pas connaître le chemin à entreprendre: nous avons la Loi et les Prophètes, nous dit Jésus dans l'Evangile. Ceux qui ne veulent pas les écouter ne changeraient même pas si quelques morts revenaient les avertir".

Le Saint-Père a conclu en demandant à Marie de faire que "nous nous préoccupions plus pour nos frères dans le besoin, pour partager avec eux le plus et le moins que nous avons et contribuer, en commençant par nous même à répandre la logique et le style de la vraie solidarité".
(VIS)

C'est un sujet qui tient décidément beaucoup à coeur de Patrice de Plunkett.
Lire ici ses intéressantes analyses:

Benoît XVI, pape social : encyclique en vue !

Benoît XVI appelle à une « conversion économique »