Les vacances du Pape

Je ne voulais pas en parler, mais d'une part, trop c'est trop, et quand l'"information" de l'AFP est reprise sur le site du Monde, pour moi, la coupe est pleine; et surtout, ce qui me décide, c'est que je suis parmi les assez rares français qui se sont rendus à Lorenzago cet été, je pense donc être en mesure d'en parler en connaissance de cause.

Voici donc des captures d'écran faites hier (17 octobre) sur la page de Google consacrée aux nouvelles du Vatican.
( on apprend sur le site kisa.fr ?? qu'un prêtre italien a critiquer (sic) les coûts des congés du Pape: je sais, il y a aussi parfois des coquilles sur mon site, mais il n'est jamais paru en première position des nouvelles de Google)





Un blog en rajoute

Un blog (avantageusement cité en première position dans la page des nouvelles du Vatican de Google) se permet même de surenchérir, en reprenant la dépêche de l'AFP:
-------------
Il n'y a pas que l'Etat français qui doit revoir ses dépenses à la baisse, l'édition du "Monde" de ce soir nous informe qu'un prêtre italien de la région de Venise, Armando Trevisiol, curé de Carpenedo, a écrit une lettre ouverte (publiée hier dans "L'Unità") au Saint-Père lui demandant de réduire son somptueux train de vie.

"Cher pape, ça ne va pas, quoi que puissent te dire tes cardinaux ou tes théologiens... Trop de tes fils ne partent pas en vacances pour que tu puisses te permettre des vacances de deux milliards (de lires) ! C'est un privilège de caste ! Quand tu te regardes dans la glace, ton visage doit être celui du Christ sur Terre mais comment peux-tu ressembler à Jésus, mon maître comme le tien, qui n'avait même pas une pierre pour poser sa tête ?"

Mais qu'a donc fait Herr Ratzinger pour être ainsi mis en cause par un pauvre curé de campagne ? Il a passé du 9 au 27 juillet dernier
de fastueuses vacances à Lorenzago di Cadore, dans les Dolomites. Prix de cette superbe retraite : la bagatelle d'un million d'euros, payés par la Région de Venise, donc par le contribuable transalpin. Effectivement, on comprend la colère du curé de Capenedo...
--------------
Il m'est arrivé de défendre l'information issue des blogs, mais là, je suis effondrée devant la fausseté de l'information et la malveillance. Cela invite quand même à se poser des questions de légitimité...

Des arguments en cascade

"Tout ce qui est excessif est dérisoire", c'est bien connu, et ces misérables coups bas ne mériteraient même pas le temps que je passe à les mettre en page puis à les démolir un à par un.
Mais les arguments "contre" sont si nombreux qu'ils se pressent dans mon esprit en un jet continu, que j'arrive difficilement à contenir.
J'en cite quelques-uns, en vrac:

- Le chiffre cité n'est confirmé par rien, et n'a aucune signification. Chacun a pu par exemple constater au cours de la dernière campagne présidentielle en France que les candidats se jetaient des chiffres extravagants à la tête, et personne n'était en mesure de les discuter. Dès qu'il y a plusieurs zéros à la fin, (et là, il s'agit d'euros! une monnaie qui finalement ne nous dit rien), notre esprit ne dispose pas d'une unité de mesure qui lui permette d'évaluer et de juger. Si je vous dis que chaque année, les Japonais qui visitent la France y laissent 100.000.000 d'euros, que penserez-vous? Donc, ici, d'où vient ce chiffre, bien propre à frapper les esprits, et ce n'est pas un hasard? Que prend-il en compte, car ce n'est pas si simple, non plus?
- De quoi parle-t'on? Des nombreux "carabinieri" et autres forces de l'ordre censés assurer, avec plus ou moins d'efficacité, la sécurité du Saint-Père? Il n'y est évidemment pour rien, et n'a rien demandé. Ce n'est pas sa faute si le monde est devenu fou, et si sa vie est (peut-être) en danger à chacune de ses sorties. Il est permis d'ailleurs de douter que sa protection soit dûe uniquement à l'affection pour sa personne.
- Ces membres des forces de l'ordre sont des citoyens italiens, à qui on a permis de gagner de l'argent, en faisant des heures supplémentaires. Ces citoyens vont consommer, payer des impôts, bref, faire tourner la machine économique. Rien ne se perd, rien ne se crée...
- L'information a été relayée par un quotidien italien, l'Unità, qui est à peu près l'équivalent de l'Humanité chez nous. Tout commentaire est superflu. Un prêtre (je ne le connais pas, mais chacun s'accordera à dire qu'il y en a de mauvais des deux côtés) a été instrumentalisé à son insu (?). Il n'est pas difficile, par exemple, de trouver des prêtres vantant le port du préservatif, ou même l'avortement.
- L'Italie est en ce moment agitée par une méchante polémique forcément issue de la gauche, sur les privilèges fiscaux dont bénéficierait le Vatican. Un moyen comme un autre de l'amener, qui sait, au dépôt de bilan. Elle n'est sans doute pas sans rapport avec ces révélations.
- La région où Benoît XVI a choisi de passer ses vacances, le Cadore, est rien moins que touristique. J'ai eu l'occasion d'en parler (http://benoit-et-moi.fr/Lorenzago/) , c'est une région pauvre, économiquement sinistrée, qui espère des retombées économiques de son prestigieux vacancier, et qui souhaite (avec force, c'est le moins que l'on puisse dire) qu'il reviendra l'an prochain. Les retombées économiques immédiates étaient bien au rendez-vous, cette année, ne serait-ce que par les nombreuses personnes qui se sont arrêtées dans la région pour venir rencontrer le Saint-Père. Il y a aussi des retombées économiques à plus long terme, dans le domaine culturel, peut-être touristique. Elles sont à confirmer, évidemment, mais pas moins attendues.
- Si l'on se met à parler gros sous, bien que cela soit déplacé ici, pourquoi ne pas évoquer aussi les énormes retombées économiques pour l'Italie, et la ville de Rome en particulier, que suscite la présence du Saint-Siège sur son territoire. Les politiques, même de gauche, le savent bien, et c'est pourquoi ils le ménagent (cf le maire "refondation communiste" de Rome, Walter Veltroni).
-Les catholiques paient des impôts. Leur argent finance tellement de causes qu'ils n'approuvent pas qu'il est bien juste que, pour une fois, leurs "ennemis" - c'est bien ce qu'ils sont- paient pour eux...(voir Quand "La Raison" devient caricature )
-Le Pape gagne sa vie, et comment! Dans le civil, un écrivain à succès qui se permet de vendre des livres à plusieurs millions d'exemplaires, n'a pas de compte à rendre sur son train de vie.
Ici, c'est bien sûr différent, mais je garde le meilleur pour la fin:
- Les vacances du Saint-Père à Lorenzago étaient d'une modestie, d'une frugalité exemplaires, je peux en témoigner puisque j'en ai vu le cadre. La maison où il logeait était très petite. Il s'est simplement payé le "luxe", dans un cadre monacal, de s'isoler pour faire ce qu'il aime faire, méditer, écrire (quand il était cardinal, il avait l'habitude de se rendre non loin de là, à Bressanone, dans le Tyrol). Sans s'arrêter un seul instant d'être le pasteur spirituel d'un milliard de catholiques. Et pour lui, s'isoler, ce n'est pas simple.
Mais laisser supposer aux gens qu'il s'est payé des vacances de nabab, c'est une honte et une mauvaise action. Cela revient à l'intimider, pour lui signifier qu'il n'a plus le droit de sortir du Vatican, qu'il y est prisonnier, en somme.

Complot?

Il est un fait que de nombreuses régions d'Italie se disputent l'honneur et le privilège d'accueillir le Pape pour ses vacances. Ce n'est peut-être pas entièrement désintéressé.
Et nous savons que la Bavière est aussi sur les rangs. Doit-on lui suggérer d'accepter l'hospitalité de ses compatriotes, pour soi-disant contenter le contribuable italien? On verrait bien ce que dirait alors la presse italienne!!
-----------------
Parlant d'un récent scandale ayant secoué le Vatican (non évoqué ici, à dessein), Luigi Accattoli a dit: il n'y a pas de complot. Non, probablement. Ce serait trop simple. Mais il y a un faisceau de haines convergentes, qui arrive au même résultat.