En marge de la lettre de Guy Môquet

Je précise pour commencer que cet épisode ne m'intéresse pas.
Pourquoi en parler, alors? Parce que, ce matin, dans l'exercice de mon métier, l'épisode s'est imposé à moi.

Sur le thème "doit-on donner son avis sur tout?", j'avoue ne pas fixer mon attention sur des sujets que je connais mal et que je n'ai ni l'envie ni le temps d'approfondir, touchant des gens qui défendent des convictions à l'opposé des miennes.
Après tout, je ne demande pas aux communistes de verser des larmes sur la mort de Louis XVI, ni à qui que ce soit de lire son admirable testament (à lire absolument ici: perso.orange.fr/beatrice.bohly/) , qui est pourtant au moins aussi digne que la fameuse lettre de susciter l'émotion, en tout cas la mienne.

Ceci dit, en tant que professeur, j'ai forcément entendu les réactions de quelques collègues, dont certains, très éminents ("As-tu lu La Lettre?"). Convenons d'ailleurs que la plupart s'en fichaient éperdument: j'apporte donc ma petite contribution en répondant à deux questions posées par le blog de Patrice de Plunkett, documents à l'appui:

Question: ...Ce qu’il y a de troublant, c’est l’attitude de ceux des enseignants qui refusent de lire la lettre de Môquet. Ils n’arrivent pas à dire clairement pourquoi ils le refusent.

Réponse: Tout le monde ne le fait pas pour les mêmes raisons, évidemment. Par principe, beaucoup de professeurs refusent tout ce qu'ils soupçonnent de relever d'une imposition (refus de l'autorité, en somme), sans toujours réaliser que leur "liberté" est la pire forme du conformisme. Si vous voulez entendre l'expression de la pensée unique, venez dans la salle des professeurs d'un lycée au lendemain d'élections.
"L'Humanité", sans crainte du ridicule, donne cependant celles de beaucoup d'entre eux:

Depuis son annonce par le président de la République au lendemain de son élection en mai dernier,
la décision de faire lire la lettre de Guy Môquet a suscité émotion et questions. Émotion chez tous ceux qui,
comme notre journal, portent au coeur l'histoire et les combats de ce jeune résistant communiste et, au-delà, de toute la résistance à la barbarie nazie. Quoi de plus juste qu'un hommage soit enfin rendu par la nation tout entière au martyre de Guy Môquet. Mais questions aussi chez ceux qui refusent toute opération de récupération, toute tentative de détournement de sens, l'hommage ayant été décidé par un homme dont le programme politique foule aux pieds les grandes conquêtes sociales de la Libération directement issues du programme du Conseil national de la Résistance et les idéaux pour lesquels combattaient Guy Môquet et les siens.
Questions encore chez
des enseignants qui refusent une instrumentalisation politicienne de l'histoire.


Q: A force de disloquer l’enseignement de l’histoire, les profs se trouvent dans la situation qu’ils allèguent aujourd’hui contre la lecture de la lettre : « On ne peut pas lire cette lettre parce qu’on ne peut pas expliquer son contexte historique aux élèves ». Si les cours d’histoire ne sont pas en mesure d’expliquer un contexte historique, c’est que les programmes sont mauvais.

R C'est encore pire que cela. Une collègue enseignant l'anglais en Lettres Supérieures m'a dit que la plupart des élèves étaient incapables de situer chronologiquement le règne de Louis XV (c'est un exemple).
Le document -anonyme- ci-dessous "traînait" à côté de la photocopieuse, dans un lycée "bourgeois" d'une ville de province.
Il s'agit du corrigé d'un devoir donné à des élèves entre la seconde et la Terminale(?) Je n'ai pas l'énoncé du devoir en question, mais à lire le corrigé, ce ne devait pas être propre à faire chauffer les cellules grises des élèves. Le niveau linguistique, les concepts abordés, sont au niveau d'un CM2 tout au plus.








Pour finir, à 8 heures du matin, ce lundi 22 octobre, un homme distribuait aux élèves à l'entrée du lycée des exemplaires d'un hors-série de l'Humanité datée du 3 octobre.
J'en ai pris un, pour information, ce qui m'a permis de citer l'entrefilet ci-dessus. La soi-disant neutralité de l'Education Nationale ne fonctionne manifestement pas vraiment (ou que dans un sens). Je laisse mes lecteurs imaginer ce qui serait advenu si certains autres journaux, ou tracts, avaient été distribués à la place...