En Autriche, ce vent bénit de l'Esprit...

Sur le site Petrus, Angela Ambrogetti, qui accompagnait le Saint-Père, relit avec nous toutes les étapes du pélerinage en Autriche.
Une lecture "spirituelle", et fort belle, prenant pour thème le vent et la pluie, symbolisant ici les forces obscures que la prière va réussir à vaincre, jusqu'à en faire "le souffle de l'Esprit".
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Texte original en italien sur le site, ma traduction:

L'Autriche et ce vent "Bénit" de l'Esprit (ndt: jeu de mot; en italien, le nom du Saint-Père signifie aussi "bénit")
Angela Ambrogetti
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Trois jours denses, trois jours d'amitié avec le Christ, trois jours pour l'Europe, trois jours bénédictins, trois jours ratzingériens. Le pèlerinage marial du Pape en Autriche est sans doute le voyage qui convient le mieux au style du Souverain Pontife qui "dompte" les fidèles, pas nécessairement les foules.

Vienne l'a accueilli sous la pluie battante, comme pour marquer les difficultés de l'Église locale et européenne. Presque les pleurs d'un enfant qui cherche la main du Père. Un vent froid qui semblait être la tentative extrême de forces obscures. Mais ensuite Benoît a gagné. Parce que le Pape pèlerin regardait Marie, qui indiquait le Christ. Avec la douceur et la fermeté de celui qui n'a pas peur d'affronter l'adversité et l'hostilité.

À Vienne, aux politiciens du monde réunis à la Hofburg, le Saint-Père a proposé la grande carte d'une Europe nouvelle, courageuse, qui puisse vaincre avec la force de la vie, avec l'audace de l'amour. Et il a cité Jurgen Habermas, un laïc qu'il aime bien, à cause de leur passion commune pour la raison. "Pour l'autoconscience normative des temps modernes, le christianisme n'a pas été seulement un catalyseur. L'universalisme égalitariste dont ont jailli les idées de liberté et de cohabitation solidaire, est un héritage immédiat de la justice judaïque et de l'éthique chrétienne de l'amour. Inchangé dans sa substance, cet héritage s'est constamment renouvelé de manière critique et a été nouvellement interprétée. À cela, jusqu'à maintenant il n'existe pas d'alternative ". Ce qui revient à dire : ou bien l'Europe est judeo-chrétienne ou elle ne peut pas se définir comme telle. C'est une ébauche, pour la Constitution européenne. Un décalogue laïc qui ouvre la voie à une lecture "amour" de la Loi de Moïse. .....

Dans le sanctuaire de l'Europe orientale qui fut le symbole de la défense de la chrétienté contre les turcs, le Souverain Pontife a affronté encore une fois les forces adverses d'une nature qui semblait vouloir mettre à l'épreuve la foi des autrichiens. Pluie et vent n'ont pas effrayé les 35 mille fidèles soutenus par une organisation impeccable et par la foi. "C'étaient des pèlerins aux pieds de Marie, ils iront sûrement au paradis", a dit le Pape lorsque il a appris que deux fidèles âgés avaient achevé leur pèlerinage terrestre.

Le ciel s'ouvre et il cesse de pleuvoir. "Vous rendez témoignage d'un espoir qui, contre chaque désespoir, muet ou manifeste, s'en remet à la fidélité et à l'attention pleine d'amour de Dieu" a dit Benoît aux prêtres et aux religieux en prière aux pieds de Marie. Le sourire serein et fort devient une fois encore prière et guide. Le guide que les prêtres doivent être pour les gens. "Que serait notre monde s'il n'y avait pas des femmes et des hommes qui avec leur vie témoignent l'espoir d'une satisfaction plus grande des désirs humains et l'expérience de l'amour de Dieu qui dépasse chaque amour humain?". La pluie et le froid sont vaincus. Les forces obscures et hostiles, "les loups" ont fui face au bon sens de la foi, face au sourire du père. Les soeurs sourient, les prêtres plus âgés semblent s'émouvoir lorsque le Pape récite la prière de Saint-Ignace avec respect. "Une prière qui m'apparaît trop grande, si grande que je n'ose pas la dire et que toutefois nous devrions toujours à nouveau nous soumettre, avec effort". Un don total à Dieu de ce que Dieu nous a offerts.

Dimanche, jour du Seigneur, les notes hautaines de Haydn font trembler les voutes du dôme de Vienne. Le soleil revient. Les églises du centre sont fermées. On va à messe du Pape. C'est dimanche, le jour de repos, le shabbat. À son arrivée Benoît avait rendu hommage au mémorial des victimes juives des persécutions. Quelques minutes de silence sous la pluie, un échange de sourires avec le Rabbin. Avant de partir, à Saint-Etienne il se rappelle encore que les racines du christianisme sont juives.
Le vent fait courir les derniers nuages restés cachés derrière les flèches gothiques, ébouriffant les cheveux et soulevant le manteau du Pape. Désormais, c'est un vent "Bénit" (Benedetto).

C'est le vent de l'Esprit qui souffle dans l'Abbaye de Heiligenkreuz. Il se fait prière et chant. Le Pape est un peu fatigué mais son sourire est toujours plus intense et profond. Aux moines il dit de prier pour le monde parce qu'il est de leur "officium", c'est le sens de leur vie d'étudier cette théologie "à genoux" pratiquée par Von Balthasar. Foi et raison, coeur et esprit. Un monastère est un lieu de "personnes spirituelles", une oasis qui indique au monde d'aujourd'hui la chose plus importante, "l'unique chose décisive : il existe une raison ultime pour laquelle la vie vaut d'être vécue, c'est-à-dire Dieu et son amour impénétrable ".
A présent, il est temps de partir. Mais la foi et l'amour ont besoin de choses concrètes, de volontaires. L'encyclique sociale de Benoît XVI est déjà tracée dans ses grandes lignes.

En voiture, vers l'aéroport, le cortège pontifical passe devant l'église nationale polonaise. Petits drapeaux et saluts devant la statue de Jean-Paul II. Un simple geste chargé de signification.
Maintenant le ciel est serein. Le coucher de soleil éclaire les collines, l'avion du Pape décolle et, pour quelque seconde, il reste sur l'aéroport. Benoît XVI bénit les nouveaux hangars de la Ligne Aérienne qui l'accueille. C'est le dernier merci aux autrichiens qui l'ont fait se sentir à la maison, qui l'ont embrassé sous la pluie pour éclairer son sourire.

Un voyage qui a eu l'élégance et la force de la musique de Mozart