Une interview du Pape en 2006 sur le Concile

Revivant les annés d'après Concile, le Saint-Père aurait convenu qu'il avait pu être trop timoré face aux théologiens progressistes.

Article d'Andrea Tornielli, dans Il Giornale
Ma traduction
L'interview à laquelle il est fait allusion est à lire en italien sur le site du Corriere della Sera (traduction à venir):

J'ai été trop timoré avec les progressistes

Andrea Tornielli, "Il Giornale"

Papa Ratzinger
se livre à une autocritique et confesse, dans une interview, avoir été "presque trop timoré" vis-à-vis de certaines thèses théologiques risquées, en vogue dans l'Église allemande juste après le Concile.
Ce sont des mots par certains aspects surprenants, que Benoît XVI a prononcés le 11 novembre de l'année dernière lors d'une interview accordée au père Johannes Nebel. La transcription de l'entretien entre le Pontife et Nebel est publiée dans le livre "Le monde de la foi catholique", oeuvre de feu le cardinal Leo Scheffczyk, théologien allemand et ami de Ratzinger, traduit maintenant pour la première fois en Italie..
Ratzinger raconte sa première rencontre avec Scheffczyk (né en 1920, devenu cardinal en 2001 et disparu en 2005), à l'époque des études au séminaire de Freising, il en décrit la grande lucidité et la clarté. Après avoir été tous deux professeurs, les deux théologiens se retrouvent dans la commission doctrinale de la Conférence episcopale allemande. Ce sont les années turbulentes de l'après- concile.
"À cette époque, la situation était extrêmement confuse et troublée - affirme le Pape - et même la position doctrinale de l'Eglise n'était pas toujours claire". Ratzinger se souvient comment on vit circuler des thèses, "devenues tout à coup possibles" en dépit du fait qu'"elles ne coïncidaient pas, en réalité avec le dogme". Scheffczyk, dans ces circonstances, était toujours le premier à prendre des positions claires et des sans équivoques. "J'étais moi-même - ajoute Benoît XVI - dans ce contexte, presque trop timoré par rapport à ce que j'aurais dû oser pour aller de manière directe à l'essentiel".
De ces mots énoncés et évidemment publiés avec son consentement explicite, émerge donc un Ratzinger un peu "timoré" pour affronter et contrer certaines idées théologiques trop avancées, alors que son collègue - qui recevra la poupre à plus de 80 ans, des mains de Jean-Paul II - apparaissait par contre comme le vrai "fonceur" dans ces discussions. La fausseté du mythe d'un Ratzinger "panzerkardinal" est donc une fois encore démontrée et lui même confie, en "relisant" ces années, qu'il aurait voulu "oser" davantage.
Il était déjà bien connu, du reste, que Ratzinger pendant le Concile Vatican II ne faisait pas partie de la minorité conservatrice. Alors que les travaux des assises se poursuivaient, le jeune et brillant théologien commença à se rendre compte qu'il existait des poussées trop fortes vers l'ouverture. Dans son autobiographie ("Ma vie"), Benoît XVI écrivait : "Chaque fois que je retournais à Rome, je trouvais dans l'Église et parmi les théologiens un état d'esprit toujours plus agité. Toujours plus, croissait l'impression que dans l'Église il n'y avait rien de stable, que tout pouvait être objet de révision. Toujours plus le Concile semblait ressembler à un gros parlement ecclésial qui pouvait changer tout et révolutionner chaque chose selon son bon vouloir. La rancune vis-à-vis de Rome et de la Curie grandissait, Rome qui apparaissaient comme le véritable ennemi de toute nouveauté et de tout progrès ".
Dans les années d'après-concile, autour de 68, lorsque s'abattit sur l'Église une véritable tourmente et de tout fut mis en discussion, le futur Pape, tout en défendant la liberté de recherche, ne suivit en aucune façon ses anciens "compagnons de route". Le professeur Ratzinger vécut l'expérience de 68 à Tubingen, lorsque les facultés de théologie devinrent vraiment des centres idéologiques de propagation du messianisme marxiste. Dans une interview au New York Times, en 1985, le futur Pape avait dit : "J'ai appris qu'il est impossible de discuter avec la terreur... et qu'une discussion devient une collaboration avec la terreur... Je pense que durant ces années j'ai appris le moment où la discussion doit être interrompue avant qu'elle ne se transforme en mensonge et où il faut entamer la résistance, pour sauvegarder la liberté ".
Une fois vécue cette expérience, dès 1969, Raztinger laisse la turbulente Tubingen pour la ville plus tranquille de Ratisbonne, où il s'installe avec sa soeur Marie et où vivait déjà son frère Georg, maître de choeur de la cathédrale. Là, alors que désormais il considère l'enseignement et l'étude comme son unique perspective, en Mars 1977 il est contraint de changer de route. Paul VI le choisit, à peine quinquagénaire, pour être archevêque de Münich, en Bavière et il le crée cardinal quelques semaines après. De là, Jean-Paul II l'appellera pour être le nouveau Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en novembre 1981. Appelé à garder et à promouvoir la foi catholique. Et on ne peut certes pas dire que comme gardien de l'ortodoxie, le cardinal Ratzinger, aujourd'hui le Pape Benoît, ait été "trop craintif".