Spe Salvi: l'espérance, contre l'optimisme

Rien sur Vatican II

Le blog de Raffaella reproduit cet article paru sous la signature d'Antonio Socci dans le quotidien italien "Libero" - de sensiblité "à droite" selon Wikipedia, dont je n'ai pas de raison ici de mettre la classification en doute.

Il oppose l'espérance de Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI, à l'optimisme, qui s'est frauduleusement substitué à elle dans l'Eglise post-conciliaire.
La remarque essentielle est la suivante:
L'Encyclique ne fait aucune référence à Vatican II.

L'auteur écrit que l'encyclique "appelle les horreurs par leur nom (par exemple "communisme", mot que le Concile avait interdit de prononcer et de condamner)".

Par souci d'honnêteté, je pense toutefois devoir rappeler que l'Eglise des années 60 ne pouvait pas prévoir que, 30 ans plus tard, le communisme allait s'effondrer. La vie des chrétiens d'alors était en jeu, dans certains pays. Il ne s'agissait donc pas forcément d'une caution apportée par l'Eglise à un régime monstrueux.... N'est-ce pas, d'ailleurs, ce que l'on nomme realpolitik? Toute ressemblance avec ce qui se passe aujourd'hui en relation avec une certaine religion -ou communauté- n'est évidemment pas fortuite.
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Dans le web français, Yves Daoudal a fait une analyse comparable, sur l'absence d'allusion à Vatican II. (*).

L'athéisme coupable de cruauté
L'espérance du Pape Ratzinger
ANTONIO SOCCI
© Copyright Libero, 1° dicembre 2007
paparatzinger-blograffaella.
Ma traduction
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Une bombe. C'est la nouvelle encyclique de Benoît XVI, "Spe Salvi", où il n'y il a même pas une citation du Concile (choix d'une signification énorme), où, enfin, on parle à nouveau de l'Enfer, du Paradis et du Purgatoire (même de l'Ante-Christ, dans une citation de Kant), où on appelle les horreurs par leur nom (par exemple "communisme", mot que le Concile avait interdit de prononcer et de condamner), où au lieu de faire des clins d'oeil au puissants de ce monde, on rapporte le bouleversant témoignage des martyres chrétiens, les vraies victimes, où on balaye la réthorique des "religions" en affirmant qu'Un Seul est le Sauveur, où l'on désigne Marie comme "étoile de l'espérance" , et ou on montre que la confiance aveugle dans le (seul) progrès et dans la (seule) science mène au désastre et au désespoir.
Du Concile, Benoît XVI ne cite même pas "Gaudium et spes", qui avait pourtant dans son titre le mot "espérance", mais ne balayait pas vraiment l'équivoque désastreusement introduite dans le monde catholique par ce qui fut la principale constitution conciliaire, "l'Église dans le monde contemporain".
Le Pape invite en effet, au n. 22, "à une autocritique du christianisme moderne".
Particulièrement sur le concept de "progrès". Pour dire avec Charles Péguy, "le christianisme n'est pas la religion du progrès, mais du salut". Non que le "progrès" soit quelque chose de négatif, au contraire, il doit beaucoup au christianisme comme le montrent aussi des livres récents (je pense à ceux de Rodney Stark, 'la victoire de la Raison', et de Thomas Woods, 'Comment l'Église Catholique a construit la civilisation occidentale'). Le problème est l'"idéologie du progrès", sa transformation en utopie.

Les erreurs du Concile
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La grave faute de "Gaudium et spes" et du Concile fut de changer la vertu théeologale de l'"espérance" en la notion séculière d'"optimisme". Deux choses radicalement antithétiques, parce que, comme l'a écrit Ratzinger dans le livre "Regarder le Christ", alors qu'il était cardinal, : "Le but de l'optimisme est l'utopie", tandis que l'espérance est "un don qui nous a été déjà donné et que nous attendons de Celui qui seul peut vraiment l'offrir : de ce Dieu qui a déjà construit sa tente, dans l'histoire, avec Jésus ". Dans l'Église post-conciliaire l'"optimisme" devient une obligation, et un nouveau 'superdogme'. Le pire des péchés devient celui du "pessimisme".

Le "naïf" discours d'ouverture du Concile prononcé par Jean XXIII, donna le ton: dans le siècle du plus grand nombre de martyres chrétiens de l'histoire, il voyait tout en rose et il s'en prenait aux soi-disants "prophètes de malheur" : "Dans les conditions actuelles de la societé humaine", disait-il, "ils ne sont capables de voir que ruines et troubles ; ils disent que notre époque, si on la compare aux siècles passés, est pire dans tous les domaines; et ils en viennent à se comporter comme s'ils n'avaient rien appris de l'histoire... Il nous semble devoir exprimer résolument notre désaccord avec ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours le pire, comme si la fin du monde était presque imminente ". Roncalli fut considéré par l'apologétique progressiste, comme le dépositaire d'un véritable "esprit prophétique", chose qu'on nia - par exemple - à la Sainte-Vierge de Fatima, qui à l'inverse, en 1917, mettait en garde contre d'horribles malheurs, annonçant la gravité de l'instant et le danger mortel représenté par l'arrivée du communisme (depuis trois mois) en Russie. Un océan d'horreur et de sang put en effet se vérifier.
Mais 40 ans après, en 1962, alors que le Vatican assurait allégrement Moscou que le Concile ne condamnerait pas explicitement le communisme et que, dans le même temps, des saints comme Padre Pio étaient "condamnés " à mille vexations - Jean XXIII annonça publiquement que l'Église du Concile préférait éviter des "condamnations" parce que même si "les doctrines fallacieuses ne manquent pas... aujoud'hui, les hommes semblent d'eux-mêmes enclins à les condamner".
Et en effet, à partir de ce moment, le communisme connut le maximum de son expansion dans le monde, pas seulement avec des régimes qui allaient de Trieste à la Chine et ensuite Cuba et à l'Indochine, mais avec l'explosion de "68" dans les Pays occidentaux qui, durant des décennies, furent ravagés d'idéologies de la haine.
Peu après la fin du Concile, Paolo VI tirait le tragique bilan pour l'Église du "prophétique" optimisme roncallien et conciliaire : "On croyait qu'après le Concile, des jours ensoleillés pour l'histoire de l'Église seraient revenus. On a connu au contraire des jours de nuages, de tempête, d'obscurité, de recherche, d'incertitude... L'ouverture au monde est devenue une véritable invasion de la pensée séculière dans l'Église. Nous avons été peut-être trop faibles et imprudents "," l'Église est dans une difficile période d'autodemolition"," de toutes parts, la fumée de Satan est entrée dans le temple de Dieu ".

Pour cet aveu loyal, le même Paul VI fut isolé comme "pessimiste" de "l'establishment" clérical, pour qui la religion de l'optimisme "faisait oublier chaque décadence et chaque destruction" (en plus de faire oublier l'énormité des dangers qu'elle faisait peser sur l'humanité et les dogmes tels que le péché originel et l'existence de Satan et de l'Enfer).
Ratzinger, dans le livre cité plus haut, a des paroles de feu contre cette substitution de l'"optimisme" à l'"espérance" . Il dit que "cet optimisme méthodique venait de ceux qui désiraient la destruction de la vieille Église, en se couvrant du manteau de la réforme", "l'optimisme public étant une sorte de tranquillisant... dans le but de créer le climat propice à détruire la paix de l'Église et à prendre ainsi le contrôle sur elle".

Ratzinger lui-même tient lieu d'exemple . Lorsqu'éclata l'affaire de son livre-interview avec Vittorio Messori, "Entretiens sur la foi", qui illustrait de façon claire la situation de l'Église et du monde, il fut accusé d'avoir fait "un livre pessimiste". "Par endroits", écrivait le cardinal, "on tenta même d'en interdire la vente, parce qu'une héresie de cet ordre ne pouvait tout simplement pas être tolérée. Les détenteurs du "pouvoir d'opinion" mirent le livre à l'index. La nouvelle inquisition fit sentir sa force. Cela montrait encore une fois qu'il n'existe pas de pire péché contre l'esprit de l'époque que devenir coupable d'un manque d'optimisme ".

Une pensée puissante
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Aujourd'hui Benoît XVI, avec cette encyclique à la pensée puissante (qui valorise par exemple l'"Ecole de Francfort"), met finalement de côté le sirupeux "optimisme" roncalien et conciliaire, cet idéologie de grossière facilité, et de conformisme, qui a fait s'agenouiller l'Église devant le monde et l'a livrée à une des plus terribles crises de son histoire.
Ainsi la critique implicite ne va pas plus seulement à l'après-Concile, aux "mauvaises interprétations" du Concile, mais aussi à certaines positions du Concile lui-même. Du reste, déjà un théologien du Concile comme Henri De Lubac (par ailleurs cité dans l'encyclique) écrivait à propos de "Gaudium et spes" : "On parle encore de conception chrétienne , mais bien peu de foi chrétienne. Tout un courant, actuellement, cherche, au moyen du Concile à attirer l'Église dans une 'mondanisation' (sécularisation) ".
Et même Karl Rahner dit que le "schéma 13" du Concile, ce qui devait devenir "Gaudium et spes", "réduisait la portée surnaturelle du christianisme". Même Rahner!
Ratzinger a vécu le Concile : il est l'auteur du discours avec lequel le cardinal Frings a démoli le vieux Saint-Office, qui n'avait pas fait peu de dégâts.
Et aujourd'hui le pontificat de Benoît XVI marque la fin de la saison d'obscurité, en gardant précieusement ce qu'il y avait de bon dans le Concile, il nous redonne la beauté bimillénaire de la tradition de l'Église. Ce n'est pas un hasard que dans l'encyclique il n'est pas question du Concile, mais il y a Saint-Paul et Grégoire de Naziance, Saint-Augustin et Saint-Ambroise, Saint-Thomas et Saint-Bernard.

Une encyclique belle, très belle. Poétique, même, qui parle au coeur de l'homme, à sa solitude et à ses désirs plus profonds. On peut conseiller de la lire et de la méditer attentivement.

(*) Il écrit en effet:
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Une petite observation
En reprenant Spe Salvi, je me suis aperçu qu’il y avait là une première : c’est la première encyclique, depuis le concile Vatican II, qui ne donne aucune citation du concile, qui ne fait aucune allusion à ce concile.
C’est d’autant plus remarquable qu’une partie importante de l’encyclique aborde des thèmes traités dans la constitution Gaudium et Spes.
Mais voilà. Cette constitution pastorale, « L’Eglise dans le monde de ce temps », qui prétendait « esquisser quelques-uns des traits fondamentaux du monde actuel » et même répondre à des questions « urgentes », ignorait totalement, en 1965, le communisme qui étendait sa dictature et son esclavage sur un tiers de la planète.
Dans son encyclique, Benoît XVI met le communisme à sa place dans l’histoire de la profanation de l’espérance, montre comment Lénine avait dû élaborer (et avec quelles conséquences) ce que Marx avait oublié d’indiquer (tout simplement ce que l’on fait après la révolution…), et souligne que la véritable erreur de Marx est le matérialisme. Il n’y a rien non plus sur le matérialisme dans Gaudium et Spes. Ou plutôt c’est pire : le mot y apparaît une fois, pour signaler en passant que la vie de beaucoup de nos contemporains est « imprégnée de matérialisme pratique ».
On relève aussi dans l’encyclique qu’« une autocritique de l’ère moderne » est « nécessaire », et qu’il « convient » qu’à cette autocritique « soit associée aussi une autocritique du christianisme moderne ».
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Pessimisme?

Le Courrier international cite la réaction du "journaliste catholique" (!!!!) Christian Terras, lequel fait, dans sa critique, "référence aux spiritualités orientales"
Ah bon!!
Et il ose juger le Pape "intellectuellement malhonnête". J'hallucine...
Je la reproduis, malgré tout:
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Le catholique contestataire Christian Terras, directeur de la revue Golias, juge l'encyclique du pape sur l'espérance paradoxalement emprunte (sic!) d'un profond désespoir.
Saluant son «intention louable de rappeler à nos contemporains les sources de la foi chrétienne», Christian Terras doute que le texte soit vraiment lisible pour ces derniers tant il adopte, sur le fond comme sur la forme, un «style dogmatique et catéchétique».
En outre, le journaliste catholique relève que, paradoxalement, le pape veut donner un message fondé sur l'espérance tout en posant un regard profondément désespéré sur le monde moderne. «Cette lecture si désespérée de la modernité est-elle vraiment chrétienne?»
Et d'ajouter: «Enfermer nos contemporains dans une démarche individualiste, hédoniste et matérialiste est intellectuellement malhonnête, car si beaucoup ne se retrouvent plus dans l'Eglise catholique, cela ne veut pas dire qu'ils ont rejeté toute espérance», commente M. Terras, faisant notamment allusion au développement des spiritualités orientales.
Enfin, Christian Terras juge que le pape «règle un peu vite son compte au marxisme en n'y voyant qu'un constat catastrophique. Cela manque de rigueur intellectuelle