Spe Salvi, contre la superstition de la mort

Presque la meilleure analyse que j'ai lue jusqu'à présent.
Un article d'un journal que je ne connais pas, L'Occidentale, reproduit sur le blog de Raffaella.
Traduction de l'italien

Un guide pour vaincre la "superstition de la mort"
Diego Randazzo
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La force (et le charme) de la nouvelle encyclique de Benoît XVI réside dans une particularité : en la lisant on a l'impression que le Pape s'adresse à chaque lecteur en particulier, comme si elle avait un unique destinataire. Ceci parce que le thème de l'espérance est peut-être celui qui plus que tous les autres réunit les êtres humains.

Croire fermement en un salut et en une rédemption, avoir la certitude que ses propres souffrances ne sont pas vaines, est un sujet si intime qu'il touche les cordes les plus profondes de chaque esprit humain. Le Pape nous rappelle que, sans le regard vers le Ciel, fixé vers cette éternité qui seule peut donner un sens à notre existence, notre vie ne peut avoir aucune confirmation définitive. Et il le fait en mélangeant habilement histoire, théologie et philosophie, avec un regard particulier à l'histoire la plus récente de l'homme.

Parmi les points négatifs qu'on peut imputer à la modernité, il en est un en particulier qui est à la source de beaucoup de maux: le refus de la mort, en exorciser la crainte au point de presque l'oublier dans une sorte de "superstition collective". À l'opposé, l'espérance chrétienne trouve vraiment son accomplissement en elle-même, parce qu'elle rend à l'homme qui a la foi la vraie dimension de son être. Le Pape nous rappelle que ce n'est qu'en passant à travers la mort qu'on est promis à une nouvelle existence, puisque la limite et le caractère provisoire de la vie terrestre ne parviennent pas à contenir le bonheur proposé par le christianisme. La vraie espérance ne peut pas donc s'épuiser dans l'assouvissement des désirs matériels et terrestres. L'illusion du mythe du Progrès, de la Raison, de la Technique, se base sur l'erreur de considérer la liberté humaine comme secondaire à ces buts: tout en reconnaissant l'importance des conquêtes scientifiques (avec un 's' minuscule, s'entend), le Ponfife avertit que "Si au progrès technique ne répond pas un progrès dans la formation éthique de l'homme (...) alors ce n'est pas un progrès, mais une menace pour l'homme et pour le monde".

Sur ce point le thème de l'espérance et celui de la liberté se rencontrent, une liberté qui contrairement aux moyens dont l'homme dispose n'est jamais définitive. Chaque nouvelle génération se trouvera à nouveau confrontée à des choix qui lui appartiennent en propre, aucune contrainte extérieure, politique ou scientifique ne peut changer cette nature des choses, qui fait que l'alternative entre des choix justes ou erronés demeurera toujours entre les mains de l'homme.
L'idée que d'une certaine façon, on puisse forcer l'humanité de l'extérieur, que la science puisse à elle seule résoudre les grands problèmes, est fallacieuse, puisqu'elle "(...) peut aussi détruire l'homme et le monde, si elle n'est pas orientée par des forces qui lui sont extérieures".

La condamnation par Benoît XVI des grands systèmes idéologiques part de la constatation que le fait de rendre immanente l'idée de bonheur éternel, est en fait un mensonge contre l'homme. Marx et tous ceux qui ont promis ce type de bonheur depuis la révolution française, en effet, n'ont pas réussi à décrire les contenus de cette nouvelle condition. Le père du comumunisme a souhaité le renversement de la societé pour accéder à une phase intermédiaire, "mais il ne nous a pas dit comme les choses auraient dû se passer ensuite (...) Cette phase intermédiaire, nous la connaissons très bien et nous savons aussi comment elle a tourné, ne portant pas le monde vers la lumière, mais laissant derrière elle une destruction désolante". En effet "Personne et rien ne peuvent garantir que le cynisme du pouvoir (...) ne continuera pas à imposer sa loi au monde".

Évidemment l'encyclique ne se réduit pas à la seule question idéologique. Le message le plus profond est que la richesse du christianisme est dans l'apport de réponses concrètes et positives aux inquiétudes de l'homme. Il ne naît pas contre une doctrine, mais bien plutôt de la connaissance du Dieu vrai, qui alimente notre espérance parce que lui-même s'est chargé de la croix de nos souffrances. La révolution est vraiment ici, bien lointain du théisme ou de l'athéisme.

Ce dernier, produit de l'époque moderne (l'athéisme comme doctrine philosophique est une nouveauté du XIXème siècle), entendu comme rébellion à un Dieu qui ne devrait pas permettre les injustices laisse l'homme livré à lui-même et désespéré, jeté dans une existence irrationnelle et sans but. Ce qui suit est très clair : "Si face à la souffrance de ce monde la protestation contre Dieu est compréhensible, la prétention que l'humanité puisse et doive faire ce qu'aucun Dieu n'est en mesure de faire, est presomptueuse et intrinsèquement erronée". N'est-ce pas la perspective athée qui laisse l'homme seul dans le désespoir, aveugle vers l'avenir et ignorant sur ses origines?

Spe Salvi réserve quantité d'autres occasions de réflexion. L'insistance sur les concepts "allergiques" pour l'homme contemporain comme l'enfer, le paradis et la rédemption, pourra être un appel utile même (surtout ?) à un certain christianisme contemporain, réduit au "bonisme" du politiquement correct et à une certaine anxieté pour les questions sociales, qui le portent à négliger l'horizon vrai vers lequel il doit tendre.

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