Spe Salvi par l'Huma (1)

Benoît XVI rompt-il le dialogue entre chrétiens et marxistes ?

Rappel des faits

Dans sa seconde encyclique intitulée Spe Salvi, consacrée à l’espérance, le pape lance une vigoureuse attaque contre l’athéisme et le marxisme. La vertu du vrai théologien, fût-il élu pape sur un mandat ultra-conservateur et traditionaliste, c’est de savoir manier la dialectique chrétienne mieux que quiconque… sans jamais oublier qu’il est d’abord et avant tout pasteur. Redoutable Benoît XVI, capable dans un même texte de réinvestir ce qu’il considère comme l’annonce chrétienne fondamentale (la mort est une vie) tout en exhortant les chrétiens à renoncer définitivement à la technologie, aux richesses matérielles, à certaines formes de progrès et, cela va sans dire, à cette autre espérance du XXe siècle qu’il considère comme définitivement enterrée avec le cadavre soviétique : le marxisme. Dans les 75 pages de son encyclique Spe Salvi (1), rédigées dans un style plutôt académique où abondent citations de saints, de philosophes et d’écrivains, le pape évoque donc la vie, l’amour, la mort, l’au-delà, le salut. Pour lui, l’Évangile n’est pas uniquement une « bonne nouvelle », mais un message qui produit des faits et change l’existence : « La porte obscure du temps, de l’avenir, a été ouverte toute grande (…). Le ciel n’est pas vide. » Jusque-là, tout est question de croyance. Pas pour Joseph Ratzinger, très critique envers les courants de pensée dits « modernes » qui, selon lui, ont attaqué les fondements même de l’espérance. À commencer par le marxisme. Louant dans un premier temps les « grandes capacités d’analyse » de Karl Marx, lui qui l’étudia si longtemps dans son Allemagne natale, Benoît XVI refuse l’idée que l’homme seul puisse établir la justice sociale. Il écrit : « Si face à la souffrance de ce monde la protestation contre Dieu est compréhensible, la prétention que l’humanité puisse et doive faire ce qu’aucun Dieu ne fait ni n’est en mesure de faire est présomptueuse et fondamentalement fausse. »

Et l’évêque de Rome ajoute : « Marx a oublié que l’homme demeure toujours un homme (…). L’homme n’est pas seulement le produit de conditions économiques, et il n’est pas possible de le guérir uniquement de l’extérieur, créant des conditions économiques favorables (…). L’homme a besoin de Dieu, autrement il reste privé d’espérance. Seul l’infini peut suffire à l’homme. » Ainsi toute forme d’espérance collective pensée et organisée par des hommes pour des hommes aurait été et serait une aberration. Pour le pape, le marxisme est donc mort. Vive le marxisme ?

Jean de Leyzieu

<< Spe Salvi ferait-elle débat aussi en France?