Sarkozy fait le voyage au Vatican

Le Figaro
Hervé Yannou (au Vatican)
18/12/2007

Le chef de l’État se rend ce mercredi à Rome pour rencontrer Benoît XVI.
La tradition voudrait qu’il puisse y entrer à cheval. Emboîtant le pas au général de Gaulle en 1967, à Valéry Giscard d’Estaing en 1978 et à Jacques Chirac en 1996, Nicolas Sarkozy sera jeudi à Rome pour prendre possession de son titre d’«unique chanoine honoraire» de la basilique de Saint-Jean de Latran, la cathédrale de la capitale du catholicisme.

Ce titre est l’apanage de tous les chefs de l’État depuis Henri IV, qui offrit en 1604 les revenus de l’abbaye de Clairac (Lot-et-Garonne) au chapitre de la basilique. Mais la visite présidentielle à Rome et au Vatican n’a été instaurée qu’en 1957 par René Coty et Pie XII.

Cinquante ans plus tard, la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Benoît XVI est très attendue. La France reste pour le Saint-Siège une référence. L’esprit d’ouverture – jugé original dans l’histoire de la laïcité à la française – et la place que Nicolas Sarkozy entend donner dans la société aux références religieuses et en particulier à l’Église catholique sont appréciés.

Visite du Pape à Lourdes à l’automne prochain
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Le Pape a été enchanté de la lettre que le président lui a adressée en juin dernier. Fait inédit : en réponse au message de félicitations que lui avait adressé Benoît XVI pour son élection, Nicolas Sarkozy lui avait adressé une longue lettre «au contenu substantiel», avait fait savoir l’Élysée. Le Pape avait été notamment touché par l’attention portée par le nouveau chef de l’État aux minorités chrétiennes persécutées. Demain, outre l’Afrique et le Proche-Orient, il sera question de la République, «fille aînée de l’Église» : du programme de la visite du Pape à Lourdes prévue à l’automne prochain (le Vatican croule sous les invitations des villes et diocèses de France : Paris, Strasbourg, le Mont-Saint-Michel...)?; mais aussi de l’ouverture des magasins le dimanche, ce à quoi le Saint-Siège est par principe opposé.

Nicolas Sarkozy veut que cette visite ne ressemble à aucune autre. Il ne sera pas en habit, nœud papillon blanc et grand cordon de la Légion d’honneur comme Jacques Chirac en 1996. Après sa rencontre avec le Pape, puis avec son bras droit le cardinal Tarcisio Bertone, il devrait visiter la basilique Saint-Pierre et ses fouilles archéologiques au­tour de la tombe du prince des apôtres. À la fin de cette visite, il se recueillera devant la tombe de Jean-Paul II.

À Benoît XVI, qui vient de publier une encyclique sur l’espérance (Spe salvi), Sarkozy offrira son propre livre La République, les religions et l’espérance, qu’il avait écrit en 2004.
S’il veut montrer le grand intérêt qu’il porte à l’Église catholique et à son action, la rencontre envisagée avec la communauté Sant’Egidio – «la petite ONU du Trastevere» (le quartier de Rome où elle est installée), fière de son activité diplomatique parallèle à celle du Saint-Siège – a été écartée sur les conseils du Vatican, au grand désarroi de cette dernière.

Le président s’adressera donc à la communauté et au clergé français de Rome, en particulier aux jeunes prêtres du séminaire français, souvent présenté comme «l’ÉNA» de l’Église de France, au palais du Latran. Suivra la célébration des vêpres (l’office du soir, chanté par les prêtres et les religieux) au cours de laquelle Nicolas Sarkozy sera officiellement installé comme chanoine honoraire de la basilique. Il ne s’agira pas d’une messe. Une manière d’éviter tout risque que le président ne veuille y communier, alors que, selon la discipline de l’Église, un divorcé remarié n’y est pas autorisé.

Le programme romain de Nicolas Sarkozy ne sera pas que religieux. Il rencontrera son homologue italien, Giorgio Napolitano, et dînera avec le président du Conseil italien, Romano Prodi, et le président du gouvernement espagnol, Jose-Luis Zapatero, dont les relations avec le Vatican sont difficiles. C’est surtout son «programme privé» qui alimente les conversations. La presse italienne se demande en effet si Carla Bruni, nouvelle amie, sera du voyage… L’Élysée se refuse bien entendu à confirmer cette hypothèse, «relevant de la vie privée». Hier soir, la liste de la délégation officielle n’était d’ailleurs pas bouclée. Ministre de l’Intérieur, en charge des cultes, Michèle Alliot-Marie sera du voyage. Le garde des Sceaux, Rachida Dati, candi­-date aux municipales dans le VIIe arrondissement de Paris, souhaiterait également en être.

L'article du Figaro inspire à un visiteur du site 20 minutes(qui titre "Après l'abandon des cités, celui de la laïcité?", gageons que cet argument sera repris par les amateurs d'amalgames simplistes) un commentaire plus pertinent que les autres.

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Il faut lire Le Figaro ! Voici ce qu'il dit :

"L’esprit d’ouverture – jugé original dans l’histoire de la laïcité à la française – et la place que Nicolas Sarkozy entend donner dans la société aux références religieuses et en particulier à l’Église catholique sont appréciés."
En fait, c'est vrai et faux ou plutôt les discours de NS (sic!) sont en partie en contradiction avec sa pratique et en cela il est une homme catholique moderne et un président avisé :

- il donne des gages formels et rhétoriques à l'église catholique car c'est l'église de la religion dominante et particulièrement suivie par son électorat (???)

- il essaie de traiter les autres religions en communautés homogènes (Les Juifs à travers le CRIF, LES Musulmans à travers le Conseil représentatif du culte musulman... etc.) : la logique communuatariste et clientèliste dans un même mouvement.

MAIS, et c'est là que c'est intéressant, le même NS,

- affiche un divorce (= apostasie)
- fait montre de moeurs "relâchés" (= pêché)
- a une fréquentation des églises rares bien que spectaculaires
- propose qu'on travaille le jour du Seigneur (pour les catholiques)
- fait un affichage ostentatoire et fort peu charitable de sa richesse (= pêché)

Bref, montre dans le réel qu'il préfère jouir de la vie ici bas qu'au supposé paradis et que les meilleurs gagnent ce qui n'est tout de même pas très chrétien...

NS en est une nouvelle figure : l'alliance du nouveau capitalisme et d'un catholicisme décomplexé d'une part ; la combinaison d'une impulsion communautariste et d'une discours anti communautariste voire très républicain, d'autre part, quand ça l'arrange.

Il est en cela un bon représentant des tensions et contradictions de la société française.



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