Sarkozy plane dans sa bulle papale

A Rome, le chef de l’Etat défend la place de l’Eglise dans la société.
De notre correspondant à Rome ÉRIC JOZSEF

Elles ont l’habitude des révélations. Mais les petites sœurs religieuses françaises de Rome étaient malgré tout surprises et enthousiastes hier de la visite de Nicolas Sarkozy au Vatican et à Saint-Jean-de-Latran, où le Président français est venu prendre possession de son titre d’«unique chanoine honoraire» de la basilique, décerné à tous les chefs d’Etat français depuis Henri IV. L’occasion pour le Président de rencontrer le matin le pape Benoît XVI à Saint-Pierre, puis de prononcer avec force un discours sur la place de l’Eglise et des catholiques dans la société. S’il n’a pas franchi le seuil de la basilique à cheval, comme le voulait autrefois la tradition, le locataire de l’Elysée a tout de même provoqué les applaudissements des nonnes et d’une partie de l’assistance lorsqu’il martelé, sans oublier les autres «grands courants spirituels», que «les racines de la France sont essentiellement chrétiennes». «Je m’attendais à un discours conventionnel, il a exprimé ses propres positions», se félicite le vieux cardinal jésuite Albert Vanhoye. «Il a parlé de la nécessité de la transcendance et de l’apport de l’Eglise catholique dans la société. Comme président de la République française, il ne pouvait aller plus loin.»

«Paix civile». Dans les palais pontificaux, les propos sur la «République laïque [qui] a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle» ou «le besoin de la France d’avoir des catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et ce en quoi ils croient» ont en tout cas fait sensation. Tout en rappelant que «la laïcité est également un fait incontournable dans notre pays» et qu’elle est «devenue une condition de la paix civile», Sarkozy, un brin crispé au début de son allocution dans la salle où fut signé en 1929 le concordat entre l’Italie et le Vatican, a insisté : «J’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive […] qui ne considère pas que les religions sont un danger mais plutôt un atout.»

Du pain bénit pour Joseph Ratzinger, qui mène croisade contre le «relativisme». Entre les deux hommes, l’entrevue au Vatican a duré vingt-cinq minutes au cours desquelles le président français a remis au pape deux éditions inédites de Georges Bernanos et son propre ouvrage sur la République et les religions. Le chef de l’Etat n’a pas manqué l’occasion de présenter longuement au souverain pontife ses collaborateurs, dont Henri Guaino et Max Gallo, ou encore le prêtre des banlieues Guy Gilbert («Sarkozy, c’est mon pote») et l’humoriste Jean-Marie Bigard. Le spécialiste des «lâchers de salopes» était aussi ému que son ami le Président : «Si je suis là, c’est parce qu’il sait que je prie dix fois par jour. Il a dit au pape que j’étais un homme bien et que je remplissais le stade de France.» Le pape a apprécié. «Ils m’accompagnent autour du monde mais ils ne sont pas toujours gentils avec moi!», a enchaîné Nicolas Sarkozy avant d’emmener sa petite troupe manger un plat de tagliatelles dans un restaurant huppé de la ville.

Silhouette. Au Vatican, personne n’a osé évoquer la vie sentimentale du Président. «C’est la France que l’on reçoit aujourd’hui», s’est énervé le cardinal Poupard. «Il est divorcé ? C’est tellement courant que cela ne scandalise plus personne», a dit un prélat. Mais la petite foule de Romains devant le restaurant n’a pas eu ces égards, guettant en vain l’éventuelle silhouette de Carla Bruni. «Monsieur le Président, avez-vous commencé à apprendre l’italien ?», interroge une jeune femme. «La presse italienne s’intéresse ces jours-ci beaucoup à moi ?, feint le chef de l’Etat, sourire en coin. J’ai toujours aimé l’Italie, son ciel bleu.» Et le mélange des genres. La mère de Carla Bruni était, semble-t-il, dans les jardins du Vatican pendant que le Président s’entretenait avec le pape.
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