Démission de Mgr Marini

Un Marini remplace l'autre

Nous en avons déjà parlé ici: Nouveau cérémoniaire pontifical
-------------------
Le départ de Mgr Piero Marini a fait couler beaucoup d'encre dans le milieu traditionaliste (il suffit de visiter certains sites pour s'en convaincre).
(Photo dans La Croix)


 

La fantaisie des liturgies qu'il "mettait en scène" le faisait considérer, dans le Tradiland, comme une sorte de mauvais génie. Personnellement, il m'est surtout apparu comme un homme sincèrement dévoué au Saint-Père, qui, s'il l'éloigne, le fait sans précipitation (après deux ans et demi) et dans le grand style: selon John Allen, rien moins qu'une barrette de cardinal en vue. Et je note que lors des célébrations les plus récentes, la liturgie était devenue sobre, voire splendide, très éloignée des excès du temps de Jean-Paul II (voir par exemple la messe à Vienne, le dimanche 9 septembre, ou la messe d'ordination épiscopale du 29 septembre dernier). Il avait donc fait un effort d'adaptation

John Allen, comme d'habitude, ne juge ni ne prend position. Il se contente d'énoncer les faits, de faire parler ses sources - pour l'avenir - et de replacer l'évènement dans son contexte - pour le passé. C'est que j'apprécie chez lui, et c'est une forme de journalisme à laquelle nous ne sommes pas habitués en France.
Article original ici, sur le site de NCR: Vatican's top liturgical liberal steps down

Ma traduction


Une figure majeure de l'aile liturgique progressiste du Vatican démissionne
-------------------------------

A l'occasion d'un changement notable de personnel, à défaut de nom de famille, le Vatican a annoncé aujourd'hui que Monsignor Guido Marini remplacera l'archevêque Piero Marini en tant que maître des cérémonies du pape, c'est-à-dire fonctionnaire responsable de la façon dont le pape célèbre la messe et les autres rites de l'Eglise.

Le Marini sortant était depuis longtemps considéré comme le pendant plus laxiste du traditionalisme dur, au sein de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, l'instance définissant la politique de Vatican sur les sujets liturgiques. Les experts ont noté l'ironie selon laquelle les liturgies papales des grands évènements, organisées sous le contrôle de Marini, sont parfois plus innovatrices qu'une lecture stricte de la politique officielle ne le permettrait.

Le nouveau Marini, selon les observateurs italiens, n'introduit pas un profil idéologique nettement défini dans sa nouvelle position. Bien qu'il ait servi comme maître des cérémonies dans l'archidiocèse de Gênes pour des cardinaux Dionigi Tettamanzi et Tarcisio Bertone (aujourd'hui secrétaire d'état du Vatican), Guido Marini, 46 ans, a un parcours universitaire de droit canon et de spiritualité plutôt que la liturgie.

Piero Marini, 65ans , vient d'être nommé président de la Commission pontificale pour les congrès eucharistiques internationaux. Il a un doctorat en liturgie [..) et a beaucoup écrit sur les sujets liturgiques.

Les sources proches de Piero Marini ont indiqué aujourd'hui qu'on lui avait offert un poste d'évêque diocésain en Italie, mais il y a renoncé ayant passé pratiquement toute sa carrière au service de la Curie.

Ces sources ont également dit que le "timing" du départ de Marini est peut-être lié à la décision récente du pape Benoît XVI de libéraliser l'autorisation de célébrer la messe latine d'avant le Concile Vatican II (1962-65). Bien que Marini n'ait jamais pris une position publique sur le sujet, il est de notoriété publique qu'il a émis des réserves en privé. Puisqu'il est généralement admis à Rome que Benoît XVI lui-même célèbrera bientôt une messe selon l'ancien rite dans la basilique Saint-Pierre, l'annonce d'aujourd'hui pourrait avoir été une manière d'éviter de mettre Marini dans une position gênante quand cela arrivera.

Enfin, selon certaines sources, Benoît a émis l'idée que Marini pourrait éventuellement prendre la barre de la Congregation pour le Culte Divin après que son préfet actuel, le cardinal nigérien Francis Arinze, aura démissionné. Arinze a dépassé les 75 ans. Il n'est pas encore clair si la nomination d'aujourd'hui exclut cette possibilité.

Une des caractéristiques des conceptions liturgiques de Marini est une ouverture à l'inculturation, c'est-à-dire de permettre à la pratique rituelle de l'église d'être façonnée par les cultures locales. C'est une chose, avait dit Marini au cours d'une interviewe en 2003 qui faisait défaut dans la messe d' avant Vatican II.

« C'était l'expression liturgique des pays du bassin méditerranéen, » a-t'il dit. « Avec la séparation des protestants, également en France, il restait l'Espagne, Italie, l'Autriche... l'église avait été réduite à quelque chose de relativement petit. Mais avec le nouveau monde, l'Amérique latine et les diverses missions en Afrique et en Asie, il était nécessaire de s'ouvrir à cette liturgie qui était proche des nouveaux peuples. Cela s'est produit avec le Concile Vatican II et avec les voyages du pape. »

Le contenu de cette interviewe de Marini en 2003 peut être trouvé ici : nationalcatholicreporter.org/

En tant que jeune ecclésiastique, Piero Marini a servi comme secrétaire personnel de l'archevêque Mgr Annibale Bugnini, qui dirigeait la commission spéciale du Vatican chargée de la réforme liturgique. Bugnini est devenu le paratonnerre pour ce que certains ont considéré comme les changements inadmissiblement radicaux, et sa chute du pouvoir en juillet 1975 était le début d'un renversement (?) qui s'est terminé par le retour à une langue et à des formes plus traditionnelles pendant les années de feu Jean-Paul II et maintenant sous Benoît XVI.

Un point sensible qui illustre cela est la danse liturgique. De façon officielle, la Congrégation pour le culte divin fait les gros yeux sur la danse dans la liturgie. En 1975, elle a publié un document intitulé "Danse dans la liturgie", qui se concluait ainsi « [La danse] ne peut être injectée d'aucune façon dans des célébrations liturgiques. Ce serait injecter dans la liturgie un élément parmi les plus désacralisés, et désacralisant qui soit; et cela reviendrait ainsi à créer une atmosphère de caractère profane qui rappellerait volontiers aux personnes présentes et aux participants, des endroits et des spectacles mondains. »

En 1998, la Congrégation a écrit à l'évêque de Honolulu pour interdire de danser le "hula" dans le moindre contexte liturgique, une coutume qui était devenue courante parmi des catholiques d'Hawaï. Pourtant quand Jean-Paul II s'est rendu à Bruxelles en 1995 pour la béatification du père Damien DeVeuster, le Saint célèbre des lépreux hawaïens, une danse de hula a été exécutée au milieu de la cérémonie.

Pour ceux qui connaissent le style de Marini, ce n'était pas vraiment une surprise. Quiconque a déjà assisté à une liturgie papale d'importance, telle qu'une messe des JMJ ou une messe importante de canonisation, a vu un nombre de danses comparable aux productions de Broadway. Pendant la messe des JMJ à Rome, durant l'été 2000, par exemple, une troupe de jeunes danseurs portant des drapeaux de différentes couleurs représentant les différents continents était l'un des points culminants de l'événement.

Au Mexique en 2002 quand Jean-Paul II a canonisé Juan Diego, des danseurs aztèques indigènes ont tournoyé sur une passerelle devant le pape dans la basilique de Notre-Dame de Guadalupe, tandis que la musique indigène retentissait. Le jour suivant, quand le pape a béatifié deux martyres maya au même endroit, un autre spectacle de chants et danses indigènes a été exécuté. Cette fois, ... il s'agissait d'un rituel de purification. La bénédiction indienne est censée traiter les maux spirituels et physiques en faisant sortir les esprits mauvais. Des femmes indiennes portant des pots fumants d'encens ont fait brûlert des herbes sur le Souverain Pontife, le cardinal de Mexico et d'autres prélat, tandis que la cérémonie se déroulait.

En effet, ces danseurs indigènes ont exorcizé le pape. Bien que ces choix ait provoqué la polémique à la fois au Mexique et à Rome, Marini a défendu l'utilisation d'un rituel indigène dans un cadre catholique.

« Nous avons longuement discuté ici, dans ce bureau, avec les parties responsables de l'église locale, » dit Marini en 2003. « J'ai parlé avec l'évêque. Au début, je dois dire que j'étais contre l'emploi de ce rite, que même eux ne semblaient pas très bien comprendre. Évidemment notre acte de pénitence est une chose, leur expression en est une autre. Mais nous avons continué de parler, et puis ce n'était pas pendant la célébration d'eucharistique, et l'évêque a voulu le rite à tout prix. »

« C'était important comme signe de respect pour les indigènes, mais c'est également une question d'histoire liturgique, » dit Marini. « Souvent, des rites qui n'étaient pas à l'origine chrétiens ont été `christianisés.' Si les indigènes ont ce rite, il peut avec le temps prendre une signification chrétienne au sujet de la purification des péchés. Tout comme nous employons l'eau bénite, qui pour nous rappelle l'eau du baptême, la rémission des péchés et la résurrection, ainsi pour eux cette fumée peut avoir un sens de libération et de rémission. C'est la raison pour laquelle à la fin nous avons accepté d'insérer cet élément. »

La nomination de Marini comme président de la Commission pontificale pour les Congrès eucharistiques internationaux pourrait éventuellement par la suite le mettre en position de devenir cardinal.

En attendant, Benoît XVI ne prévoit apparemment pas de maintenir le précédent instauré en 1998 par son prédécesseur, Jean-Paul II, de nommer ses deux secrétaires et son maître des cérémonies archevêques, du moins pas tout de suite. L'annonce d'aujourd'hui par le Vatican n'indique pas que le Marini entrant sera fait évêque.

Polémique sur la mort de Jean-Paul II
Réflexions d'un cardinal américain