Les choix de Benoît


John Allen fait une analyse très chiffrée (et très américaine) des nominations au collège cardinalice du 17 octobre.
On observera avec amusement que les français font une autre lecture ( Nouveaux cardinaux ).
Et notre orgueil national en prendra un coup, en observant que Mgr Vingt-Trois n'est même pas mentionné.

Autre point intéressant, cette fois sur un plan géopolitique: il n'est pas sans signification qu'une analyse à caractère religieux relève ceci, que "l'évolution démographique du catholicisme Américain ... s'éloigne de son centre traditionnel sur la côte Est en direction du sud-ouest. Selon les estimations de la Conférence des évêques américains, près de 40% des catholiques aux Etats-Unis aujourd'hui sont hispaniques".

Article original en anglais ici: What's the significance of Benedict's picks?

Ma traduction:
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ANALYSE: Quelle est la signification des choix de Benoît?
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Chaque fois qu'un pape nomme de nouveaux membres dans ce qui est le club le plus "privé" de l'Eglise, il nous dit forcément quelque chose - sur ses priorités, sur la direction que prend l'Eglise et, en définitive, sur les hommes susceptibles de prendre la relève après lui.

Alors, que nous dit le Pape Benoît XVI ce matin en nommant 23 nouveaux cardinaux, dont 18 de moins de 80 ans et, par conséquent, en âge d'élire le prochain pape?

Au moins sept points viennent à l'esprit:

• Il reconnaît que le centre de gravité de la population catholique des Etats-Unis s'est déplacé de la côte Est vers le Sud-Ouest;
• Il souligne l'importance de l'église américaine en donnant au pays deux nouveaux cardinaux, mais les États-Unis sont déjà surreprésentés dans le Collège des Cardinaux par rapport à sa population catholique;
• Il ne redistribue pas de cardinaux au profit de l'hémisphère Sud, où vivent désormais les deux tiers des catholiques, mais à l'inverse il renforce légèrement la surreprésentation des Européens;
• Il conserve le pourcentage de "fonctionnaires" du Vatican parmi les électeurs, à peu près constant à 25%;
• Il marque sa sympathie pour l'Irak en nommant cardinal le patriarche chaldéen;
• Il confirme son intérêt pour la vie intellectuelle de l'église en donnant la barrette rouge à deux anciens recteurs des principales universités pontificales à Rome;
• Il présente au moins deux nouveaux candidats pour devenir le premier pape de l'hémisphère Sud: Oswald Gracias de Mumbai, en Inde, et John Lacs de Nairobi, au Kenya.

Benoît XVI a nomméau Collège des cardinaux Mgr Daniel DiNardo de Houston plutôt que celui qui était généralement regardé comme "favori", Mgr Donald Wuerl de Washington. Ce choix reflète sans doute l'évolution démographique du catholicisme Américain, qui s'éloigne de son centre traditionnel sur la côte Est en direction du sud-ouest. Selon les estimations de la Conférence des évêques américains, près de 40% des catholiques aux Etats-Unis aujourd'hui sont hispaniques, majoritairement concentrés dans la "Sun Belt" des Etats du Sud et du Sud-Ouest.

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La décision de Benoît de nommer deux nouveaux cardinaux américains peut aussi être lue comme un nouveau signe de l'importance qu'il attache à l'église d'ici, étant donné que les États-Unis ont maintenant 17 cardinaux, dont 13 électeurs, le deuxième plus grand nombre dans les deux Catégories après les Italiens. Les États-Unis ont plus de cardinaux que le Brésil, le Mexique et les Philippines combinés, les trois autres plus grands pays catholiques sur la terre, en dépit du fait que ces trois nations comptent 315 millions de catholiques contre quelque 70 millions aux États-Unis.

Benoît XVI nous envoie aussi un message, mais peut-être pas intentionnel, en nommant 11 Européens, parmi les 18 nouveaux cardinaux-électeurs.Avant les nouvelles nominations, 52 des 104 cardinaux électeurs, étaient Européens, soit exactement 50%. A présent, 63 des 122 cardinaux électeurs sont Européens -, ce qui porte leur part du vote total à 52%.

Benoît a nommé deux nouveaux cardinaux africains, un Indien et deux Latino-Américains.
Globalement, après le 24 novembre, 62 des 103 cardinaux électeurs - seront européens, 15 Américains du Nord (dont 13 en provenance des États-Unis), 20 seront Latino-Américains, 9 Africains, 13 Asiatiques et 2 de l'Océanie (Australie et Nouvelle Zealand). Le nombre de latino-américains est peut-être le plus frappant; malgré le fait que près de la moitié de la population catholique du monde, vit en Amérique latine, 16% seulement des cardinaux électeurs viennent de ce continent.

Sur les 11 nouveaux cardinaux, cinq sont italiens, quatre d'entre eux travaillent au Vatican. Tout compte fait, 6 des 18 nouveaux cardinaux sont des responsables du Vatican..

Une question clé que se posent les observateurs de l'Eglise quand un consistoire est annoncé, est de savoir qui, parmi les nouveaux porporati, comme disent les Italiens, peut être considéré comme "papabile" lors de l'élection d'un nouveau Pape.

Bien qu'aucun ne s'impose de manière évidente comme favori, au moins deux nouveaux cardinaux de l'hémisphère Sud pourraient émerger, le moment venu: Gracias, 62 ans, de Mumbai, en Inde; et Njue, 63 ans, de Nairobi.

Gracias s'est fait remarquer en Inde en naviguant astucieusement entre les éléments d'avant-garde de l'église locale, réclamant une plus grande inculturation et une approche théologique plus positive avec les religions non chrétiennes, et les traditionalistes de Rome, que ces positions mettent mal à l'aise. Il a été élu président de la Conférence des évêques catholiques de l'Inde avant sa nomination à Mumbai, ce qui reflète la confiance de ses frères évêques.

Njue, quant à lui, a une réputation de "voix de la conscience". Il a dénoncé le gouvernement kenyan pour la manipulation de l'enquête qui a suivi la mort d'un père missionnaire américain, en 2000.
En 2002, Njue a reçu des menaces de mort pour avoir mené une campagne contre la corruption politique. Ses collègues évêques au Kenya l'ont élu, pour trois mandats, en tant que président de la Conférence épiscopale.


Finalement, Benoît XVI a également témoigné sa gratitude envers la fidélité en nommant enfin l'archevêque John Foley au Collège cardinalice. Foley a servi en tant que président du Conseil pontifical pour les communications sociales depuis 1984 jusqu'à sa démission en juin dernier, et au cours de ces 23 années, Foley a observé 8 consistoires au cours desquels 214 autres hommes sont devenus cardinaux. Chaque fois, il a pu spéculer, avec bonne humeur, et sans se plaindre, sur les raisons pour lesquelles il n'avait pas été admis dans le collège.

La "touche catholique verte" de Benoît