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Spe Salvi
Chrétiens et musulmans



Je viens d'acheter ce livre:
"Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans: des repères pour comprendre" (Editions de l'Oeuvre).
L'auteur est le Père François Jourdan, un prêtre eudiste, spécialiste des relations avec l'islam, et il est préfacé par Rémi Brague.
Au moment où le Saint-Père tente (en n'étant pas toujours compris) de renouer une forme de dialogue avec l'islam, et s'apprête à recevoir des représentants des signataires de la fameuse lettre des 138 ( Relations avec les musulmans ), le sujet du livre est brûlant d'actualité.
Il est important de s'informer sur la question, l'invective systématique des deux côtés ne pouvant pas constituer une base correcte de discussion.

La couverture, et surtout la belle préface de Rémi Brague sont, je l'avoue, ce qui m'a donné envie d'acheter le livre.
En voici un (trop long!) résumé. Cet exercice ne m'est plus familier depuis longtemps...

Attention, il ne s'agit nullement d'une critique du livre (je connais mes limites) ni d'une prise de position, encore moins d'une profession de foi.
Je dirais comme Benoît XVI après Ratisbonne: "Cela ne reflète en aucune façon ma propre pensée"...
Je m'informe, simplement.



La préface du livre (résumé)

La condition d'un dialogue authentique entre chrétiens et musulmans devrait être - au minimum - une bonne connaissance réciproque.
Elle est loin d'être avérée. "Les islamologues ne sont pas théologiens, les théologiens ne sont pas islamologues", et "ainsi, les deux équipes d'amateurs recouvrent leurs entreprises de fumigènes sentimentalistes".
Circonstance aggravante, il y a chez les "spécialistes" actuels une absence regrettable de culture classique, "les islamologues d'aujourd'hui sont en général passés par Langues O, et n'ont aucune idée de ce qu'est une religion". (ndr: j'ajoute que ce manque de culture ne se remarque pas que dans ce domaine, la plupart des spécialistes n'ont pas une vue d'ensemble des problèmes qu'ils abordent, faute de connaissances 'externes', il faut dire à leur décharge que le champ de plus en plus vaste des connaissances rend leur tâche difficile...).
En réalité, ce qui tient aujourd'hui lieu d'islamologie, c'est-à-dire propre à faire la "une" des medias, n'est rien d'autre qu'une "sociologie des populations musulmanes".

Pire, si on commence à poser dans un cénacle intellectuel la question "qu'est-ce que l'islam?", on se voit immédiatement brandir à la face comme une insulte l'accusation d'"essentialisme".
Or selon lui, si l'on parle de l'essence de l'islam, il convient déjà de distinguer la religion (islam, avec une minuscule) de la civilisation (Islam, avec une majuscule).

En ce qui concerne la religion, au-delà de toutes leurs différences, leurs antagonismes, et même leur haine, Rémy Brague cite les 4 points essentiels qui rassemblent tous les musulmans: le prophète Mahomet, le Coran, livre sacré, la prière en direction de La Mecque, et l'obligation du pélerinage à la Mecque.

Rémy Brague fait ensuite la liste de ce qu'il nomme les "fausses ressemblances", entre les religions chrétiennes et musulmanes.
Par paresse intellectuelle, on applique selon lui à l'Islam les schémas de la pensée chrétienne (ndr: mais la démarche est exactement la même quand on installe une forme de révisionisme historique en plaquant les schémas de pensée d'aujourd'hui sur les siècles passés, inutile de rentrer dans les détails).
"Ce n'est pas respecter l'autre, dit-il, que lui imposer des catégories qui lui sont étrangères"...
"De nos jours, on s'imagine que le dialogue sera plus facile si on insiste sur les points communs, et minimise les différences."

Or, "il y a ressemblance et ressemblance", et pour illustrer son propos, Rémi Brague a recours à cette belle métaphore: la ressemblance entre le christianisme et l'islam évoque pour lui la ressemblance entre un visage et son reflet dans le miroir; tout y est inversé ("on a changé tous les signes").
Il y voit une explication historique: l'islam naissant a dû se définir 'contre' les deux religions monothéistes déjà existantes, le judaïsme et le christianisme, ce qui en fait une sorte de "post-biblisme".
Il constate donc:

1. Il est impossible de comparer le Coran avec d'autres textes.
Contrairement à ce qui est sans doute une idée reçue, il n'y n'y a pas d'"écriture" en commun.
L'islam professe que les Ecritures ayant précédé le coran ont été "trafiquées" et ne représentent pas le vrai message de Moïse ou de Jésus.
Le coran prétendraient "confirmer" les livres qui l'ont précédés (formulation que Rémy Brague trouve étranfge, car inversée). Mais ce qu'il "confirme" ainsi, ce n'est ni l'Ancien, ni le Nouveau Testament (autrement dit les textes actuellement disponibles)... mais des textes introuvables, qui auraient existé avant la falsification.

2. Les concepts de "révélation" s'opposent.
D'un côté, la Bible fait précéder les prophètes par l'irruption de Dieu lui-même dans l'histoire. Dieu a choisi de mener une vie commune avec l'homme (ceci culmine, dans la religion chrétienne, avaec la vie de Jésus), et les prophètes de l'Ancien Testament n'ont pour tâche que de rappeler une alliance qui existe déjà. Jésus lui-même n'est pas un prophète, il n'est pas le porteur d'un message, il est lui-même le message, "le Verbe qui s'est fait chair", de l'Evangile selon Saint-Jean.
Alors que pour l'islam, "Dieu ne s'engage pas lui-même dans l'aventure humaine"
La révélation de Dieu est un message qui n'enseigne pas "qui Dieu est", mais "ce que Dieu veut".

3. Le prophète Mahomet.
Pour finir, Rémi Brague se pose la question de savoir si les chrétiens peuvent reconnaître en Mahomet un prophète.
Oui, sans doute, dans le sens métaphorique que l'on donne à ce mot en évoquant certains réformateurs, ou meneurs d'hommes.
Mais...
si un chrétien "prend le mot au sens fort d'envoyé, un musulman aura le droit de lui demander pourquoi... il ne se soumet pas à sa loi, et s'accroche à celle de Jésus, que Dieu a abrogée et remplacée par celle, définitive, de Mahomet.
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Note: Le livre se complète d'une série d'annexes, parmi lesquelles une rubrique intitulée"Quelques expressions fausses et très répandues". Et sont citées:
- L'expression "les religions du livre" (qui m'a toujours hérissée)
- La notion de "tronc commun".
- L'islam, religion révélée

Ce que Rémi Brague appelle "une triste anthologie de la confusion mentale"



Tout cela devrait donner envie de se plonger dans le livre



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