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Spe Salvi
Relations avec les musulmans

Des relations de l'Eglise avec l'islam en général, et de la prochaine visite d'intellectuels musulmans chez le Pape en particulier, il a été souvent question dans ces pages (Chrétiens et musulmans , Relations avec les musulmans , avec renvoi vers d'autres pages, etc..)
L'avis du "libéral" John Allen, interrogeant un jésuite lui aussi libéral, mais qui connaît bien le monde islamique, n'est pas négligeable, même si certaines de ses conclusions ne m'emballent pas, et contredisent peut-être même celles du Pape, pour qui j'avais pu comprendre à travers plusieurs discours que "la réciprocité" n'était pas une option, et encore moins une tractation commerciale .

Si ses idées ne sont pas les miennes, je dois leur reconnaître qu'elles reposent sur une connaissance de terrain - je parle évidemment du jésuite, véritable personnage de roman, à qui il donne la parole.

Je retiens cette phrase:
Le plus grand défi à la communauté musulmane "de la rue", c'est peut-être que de nombreux musulmans se débattent pour faire la distinction entre le ressentiment dirigé contre le gouvernement américain et la politique étrangère de l'administration Bush d'une part, et l'Occident en général et le christianisme d'autre part.

Même sans parler de Bush, il paraît évident que les musulmans peuvent pratiquer un dangreux amalgame, qu'il est nécessaire de contrer. Pour "l'homme de la rue musulman", tous les blancs sont des croisés...

Enfin, on apprend sans surprise (hypothèse d'école, bien sûr) que le monde musulman voterait "à une écrasante majorité" pour Obama aux élections américaines. Car il y a un tel sentiment que le monde a été dirigé par beaucoup d'hommes blancs -...
Les français aussi, voteraient Obama, d'ailleurs, si l'on en croit les sondages (après matraquage médiatique). Et il me vient le fort soupçon que John Allen aussi. Son opinion est respectable, mais nous savons qu'avant l'élection de Joseph Ratzinger à la chaire de Pierre, il avait trouvé une masse d'excellentes raisons pour convaincre que ce dernier ne convenait en aucune façon à la tâche, et n'avait de toutes façons aucune chance d'être élu.


Article original en anglais sur le site de NCR.
Ma traduction



Top Catholic Islamist takes a break

À tous égards, l'un des Américains parmi les plus remarquables à Rome, au cours du dernier quart de siècle, a été le jésuite Thomas Michel, natif de Saint-Louis, spécialiste de l'Islam, qui a servi au Vatican, au sein de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie et, depuis plus d'une décennie maintenant, à la tête du "Secrétariat des Jésuites pour le dialogue interreligieux".

Michel connaît le monde musulman de l'intérieur, parlant ses langues et connaissant son peuple. Il a étudié l'arabe et l'islam en Egypte et au Liban, fait sa thèse de doctorat sur l'érudit musulman du 14ème siècle Ibn Taymiyya, et a obtenu un doctorat sur la pensée islamique à l'Université de Chicago. Véritable citoyen du monde, Michel a prononcé ses vœux de jésuite en Indonésie, le pays musulman le plus peuplé au monde, et il est membre de la Province Jésuite indonésienne.

Je peux témoigner par expérience personnelle que Michel est l'une des rares personnes que je connaisse à Rome, qui soit capable de converser librement avec les serveurs de restaurants romains en italien, puis retourner en arrière et saluer dans leur propre langue les Egyptiens ou les Turcs ou les Libanais qui travaillent souvent dans les cuisines.
Inévitablement, cette toile de fond fait de Michel un objet de fascination. Par exemple, lorsque le défunt journaliste Tad Szulc écrivit un roman sur la tentative d'assassinat contre Jean-Paul II en 1981, intitulé "To kill the Pope", son héros était un jésuite américain spécialiste de l'Islam secrètement appelé par le Vatican pour enquêter. Szulc a en fait été contraint de préciser que c'était un personnage de fiction, et pas Michel.

Tout cela pour annoncer que Michel quitte Rome. Il a achevé son mandat à la tête du Secrétariat des jésuites pour le dialogue interreligieux, et va passer une année aux Etats-Unis, au Woodstock Theological Center à Washington après quoi, il pense qu'il va s'installer dans une paroisse jésuite en Turquie.

J'ai rencontré Michel le mardi de son dernier jour dans son bureau, avant son départ pour Washington. Nous avons discuté de l'état actuel des relations entre catholiques et musulmans et des perspectives de dialogue créées par la récente lettre de 138 universitaires et juristes musulmans adressée au Pape Benoît XVI et aux autres dirigeants chrétiens, qui propose l'amour de Dieu et du prochain comme terrain d'entente théologique. Le Pape Benoît XVI doit s'entretenir avec un groupe de signataires de cette lettre, dans le courant de l'année.
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Michel a dit ce sera la première fois, du moins dans l'ère moderne, qu'un pape prendra part à une conversation théologique sérieuse avec les musulmans.
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"Au cours du deuxième rassemblement inter-religieux d'Assise, en 1993, Jean-Paul II a écouté, tandis que les musulmans expliquaient leurs points de vue sur la paix», a dit Michel, qui a aidé à organiser les réunions des chef religieux à Assise, en 1986 et en 1993 alors qu'il était en poste au Conseil Pontifical pour le Dialogue interreligieux. "Il n'a pas seulement parlé, il a écouté. Mais il s'agissait d'une conversation beaucoup plus limitée."

Le schéma normal lorsque les musulmans (ou les dirigeants d'autres religions), viennent au Vatican, selon Michel, est de participer à une cérémonie avec le pape, mais les conversations de fond ont lieu avec le président et le secrétaire du Conseil pour le Dialogue interreligieux. En ce sens, dit Michel, il est important que le pape lui-même soit à la table.

«Il est bon pour nous, pour l'Église et pour le pape d'être à l'écoute des musulmans", a-t-il dit. «Lorsque la conversation est à sens unique, il y a évidemment quelque chose qui fait défaut."

Michel dit que la lettre des 138 musulmans marque un tournant pour trois raisons:

Primo, elle reflète un «large spectre» de l'ensemble du monde islamique, représentant plus de 40 pays, et qui transcende l'histoire des conflits intra-musulman axés sur la secte, la langue et l'origine ethnique. En ce sens, suggére Michel, la lettre peut être aussi importante pour le dialogue entre les musulmans eux-mêmes que pour les relations musulmans/chrétiens.

Secundo, selon Michel: "Il est temps que quelqu'un déplace le débat des conflits géopolitiques vers les questions sur la foi."
Bien que certains fonctionnaires du Vatican aient fait valoir que le dialogue inter-religieux doit être considérée comme faisant partie d'un dialogue plus large entre les cultures, Michel dit qu'il ne partage pas ce point de vue. "La religion est déjà trop souvent relégué au statut de folklore, de simple artefact de la culture», dit-il. «Les musulmans nous ont rendus conscients du fait que si nous ne parlons directement de Dieu et de la religion, nous n'avancerons pas."

Tertio, Michel a fait remarquer que la lettre était une «initiative arabe», issue de la Fondation Al Bayt en Jordanie.
"Au cours des dernières décennies, la plupart des initiatives de dialogue de la part des musulmans sont venus de Turcs, d'Iraniens, d'Asiatiques du Sud et de musulmans vivant en Occident, dans la diaspora», dit-il. "Les pays arabes 'centraux' n'ont pas démontré beaucoup de leadership. Il est important de les voir revenir à leur rôle traditionnel».

J'ai demandé à Michel de donner son avis sur une question qui est certaine de faire surface dans une conversation entre chrétiens et musulmans: la "réciprocité", c'est-à-dire la requête que si les immigrants musulmans dans les pays occidentaux bénéficient de la liberté religieuse et de la protection de la loi, les minorités chrétiennes dans les 56 États à majorité musulmane dans le monde devraient obtenir le même deal.

«Nous devons être prudents», dit Michel. «La réciprocité n'est pas une valeur évangélique, mais quelque chose en relation avec la diplomatie et les négociations commerciales."

Il est tout à fait normal, dit Michel, d'insister pour que les musulmans traitent équitablement les minorités. D'autre part, selon lui, le respect de la dignité humaine ne peut pas devenir un marchandage dans les négociations. La véritable attitude chrétienne, a-t-il dit, est d'honorer les droits des autres à cause de leur valeur intrinsèque, plutôt que de menacer de refuser l'égalité de traitement dans le but d'influencer le comportement de quelqu'un d'autre.

Il a également déclaré que la perception de la réciprocité diffèrent grandement entre les musulmans et les chrétiens (?).

Quand je parle aux musulmans, il est très important de leur donner des exemples concrets du moment et de la façon dont nous avons respecté leurs droits", dit-il. "Par exemple, quand nous les avons aidés à ouvrir des mosquées, ou à avoir accès à la nourriture halal, ou à obtenir du temps libre pour prier le vendredi."

Il est important de raconter ces histoires, dit-il, parce que souvent, ce que les musulmans voient des médias ou en entendent dire dans la rue constitue des contre-exemples, comme les images récentes de la droite Allemande exposant des cochons sur un terrain où un groupe islamique souhaite construire une Mosquée. Michel dit qu'il a relevé des réactions à ces images dans des pays lointains comme le Bangladesh et l'Indonésie.

Le plus grand défi à la communauté musulmane "de la rue", dit Michel, c'est peut-être que de nombreux musulmans se débattent pour faire la distinction entre le ressentiment dirigé contre le gouvernement américain et la politique étrangère de l'administration Bush d'une part, et l'Occident en général et le christianisme d'autre part.

Dans ce contexte, Michel met carrément les pieds dans le plat de la politique américaine aujourd'hui. Si le monde musulman avait un vote, a-t-il dit, il est convaincu qu'il irait à une écrasante majorité vers le candidat démocrate Barak Obama.

J'étais en Indonésie, et à chaque fois que les gens ont vu que j'étais Américain, ils ont commencé à crier," Barak Obama! Barak Obama!
Il a comparé cela à son expérience d'il y a 40 ans, quand, entrant dans les camps de réfugiés palestiniens il voyait des images du président égyptien Gamal Nasser Abdle sur un mur et de John F. Kennedy sur l'autre.

"Kennedy représentait quelque chose de positif pour eux», dit Michel. «Il ya une aspiration à pouvoir soutenir l'idéal américain de liberté et de respect des droits des personnes, mais qui a été dynamité au cours des huit dernières années. L'Amérique est désormais considérée comme un oppresseur."
Quoi qu'on fasse du bien-fondé de cette perception, évidemment, elle est toujours intéressante comme baromètre d'une attitude globale. Dans ce contexte, Michel prédit qu'Obama exercerait une attraction particulière.

"Dans l'ensemble du tiers monde, et particulièrement dans le monde musulman, il y a un tel sentiment que le monde a été dirigé par beaucoup d'hommes blancs - de leur point de vue, mal - que quelqu'un d'autre, comme Obama serait le bienvenu... "



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