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Spe Salvi
Changements à l'Osservatore Romano

Le 29 septembre a été annoncé le changement de directeur du quotidien officieux du Saint-Siège. Mario Agnes, 76 ans en décembre, qui était à la tête de L’Osservatore Romano depuis 1984, a été nommé directeur émérite. Le nouveau directeur responsable du journal pontifical est Giovanni Maria Vian, 55 ans. Un vice-directeur a aussi été nommé, en la personne de Carlo Di Cicco, après 13 ans de “siège vacant”.
(source: ESM )

L'évènement a eu des échos inhabituels dans la presse française, juque dans "Libération" qui lui consacrait le 2 février dernier un article -en fait une dépêche AFP- pour une fois parfaitement informative, et pas du tout agressive.

Catherine a traduit la très intéressante chronique de John Allen, parue mardi dernier, veille de l'entrée en carême, et je la remercie de me donner l'occasion de revenir sur certains faits que j'avais relevés en leur temps sans trouver l'occasion d'en parler.

Pour commencer, je suis quand même un tout petit peu étonnée par ce qu'il écrit.
Déjà, la comparaison, même sur le ton de l'humour, avec la Pravda...



Par ailleurs, j'ai pendant quelque temps (c'était avant le changement de direction, et donc le changement de maquette) sauvegardé les "unes" de l'Osservatore Romano, disponibles chaque jour sur le site du Vatican; certaines étaient particulèrement belles, avec des textes poétiques, voire lyriques, et un utilisation assez large de la couleur. Tout à fait "glamour", pour reprendre un terme employé par John Allen...
Voir ici: L'Osservatore Romano
Et surtout:
- La pluie de la foi - à Mariazell
- La main du gardien - à Valence, voir ci-contre.
- Voeux d'anniversaire et Les "unes" festives - autour de Pâques 2007




 

J'ai cessé de le faire, à la fois parce que la nouvelle maquette me paraissait assez rébarbative, et aussi, je l'admets, parce que je n'y ai plus pensé, ou que j'ai manqué de temps...

Justement, de son côté Luigi Accattoli saluait le 28 octobre dernier les changements de la nouvelle édition en ces termes (traduction):
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Je remarque cinq signes de nouveautés qui me semblent bons, et je me hâte de les souligner, comme quelqu'un qui dépose une enveloppe pour un pari sur le futur : c'est ce numéro, ou ce nom qui sortira.
Le nouvel 'Osservatore' a moins de pages, moins de photos, moins de "jeux graphiques" et il n'a plus les en-tête (testatine) "à Rome" et "En Italie". L'édition d'aujourd'hui a seulement huit pages, contre les 12-14-16 des derniers temps. Il y a seulement huit photos contre 18 d'avant. Il n'y plus les fond grisés, les encacadrés, les "testatine" avec leur graphisme particulier (ces encadrés en tête de page avec - par exemple - le Colisée stylisé et la mention "à Rome"). Les titres sont moins variés dans leur graphisme et moins marqués dans les caractères... Qui peut dire s'il agit de choix, ou d'essais, ou de fruits du hasard : nous verrons.
En ce qui me concerne, ils me paraissent choisis dans le sens
de la sobrieté et de la clarté communicative. ...
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Les ajustements, au bout de 100 jours, confirment donc ce que j'avais ressenti, sans aller jusqu'à le formuler, et les nouveautés annoncées sont plus un réajustement et un retour partiel vers l'ancienne formule qu'une révolution!

Cela dit, la nouvelle maquette est effectivement "rajeunie", quant au contenu, il est difficile d'en juger à partir de la seule première page.

Texte original sur le site de NCR: New look the latest stage of revolution at pope's newspaper
Traduction de Catherine



John Allen

John Allen, 5 février 2008
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« Dans l’abstrait, si on avait du choisir un aspect de la vie romaine le moins susceptible d’affoler les foules, de délier les langues et faire relever les sourcils devant sa hardiesse, on aurait pu choisir un formidable candidat en la personne de la ‘dame grise’ de la scène journalistique italienne, L’Osservatore Romano, le « journal du pape ».

Sa réputation Pravda-esque d’ennuyeuse prévisibilité a longtemps semblé une constante de la vie romaine, comme les grèves sauvages et le bon vin de table. Ce profil rend les changements radicaux qui se sont produits récemment à l’Osservatore Romano d’autant plus remarquables, de sorte que certains observateurs parlent de rien moins qu’une ‘révolution’.

La révision graphique d’aujourd’hui, qui comprend l’utilisation de la couleur sur les légendaires pages de couverture grises, marque une autre étape de cette transformation. En 100 jours, l’Osservatore s’est transformé en un journal largement considéré comme créateur, provocateur, et une source d’information pratiquement indispensable sur les affaires de l’Eglise.
Si cela continue, la nomination par Benoit XVI en octobre dernier de Gian Maria Vian, un journaliste italien laïque, comme rédacteur en chef, pourra rester comme l’un des changements de personnel les plus conséquents de son pontificat.

Bien sûr, la ligne éditoriale de l’Osservatore reste fermement ancrée dans l’enseignement de l’Eglise Catholique et dans la pensée du pape Benoit XVI, qui en est l’éditeur officiel. L’innovation de Vian, cependant, aux yeux de beaucoup d’observateurs, est de la rendre pertinente, entrainant une audience beaucoup plus large que celle des publications vaticanes officielles.

Le journal a commencé à mener des interviews question-réponse sur les sujets du jour, souvent avec des cardinaux ou d’autres officiels de l’Eglise. Quelquefois ces entretiens ont donné des scoops sur l’existence de documents à venir, et d’autres fois ils ont été les premiers à donner le commentaire du Vatican sur les développements politiques et sociaux. Un responsable important du Vatican a dit à NCR que les cardinaux commençaient à prendre goût à ce genre d’entretiens, de telle sorte qu’à un certain nombre d’occasions, l’Osservatore avait pris de vitesse les canaux officiels et les autres média sur les développements imminents du Vatican.

Progressivement, ces interviews donnent aussi la voix à des personnalités importantes en dehors de l’Eglise Catholique, en particulier les dirigeants d’autres Eglises et d’autres religions. […] Aujourd’hui, le journal propose une série de questions réponses avec le Grand Rabbin de Rome, Riccardo di Segni. Chose intéressante, l’interview avec di Segni s’est concentré sur une lettre récente de Benoit XVI, dans laquelle le pape parlait d’urgence éducative, une idée que di Segni a paru minimiser, disant que les choses étaient encore pires sous l’ère fasciste. Cela signifie que les voix qui ne se calquent pas sur la ligne du pape ne seront pas boutées hors de l’Osservatore Romano.

Les signatures dans l’Osservatore Romano sont de plus en plus féminines, comme l’historienne juive Anna Foa, l’éditorialiste Eugenia Roccela, l’historienne des lois Giulia Galeotti, la scientifique Assuntina Morresi, et l’historienne Lucette Scaraffia. Dans une interview de janvier pour un journal italien, Vian a indiqué que l’effort pour augmenter la présence féminine d’auteurs, de rédacteurs en chef et de commentateurs avait été explicitement demandé par le pape Benoit XVI et le secrétaire d’Etat, le cardinal Tarcisio Bertone. […]
Un vaticaniste italien de longue date, a résumé l’effet cumulatif de ces changements en disant que « L’Osservatore est maintenant plus journalistique que l’Avvenire », se référant au journal officiel de la conférence des évêques italienne, longtemps perçu comme une version plus glamour, plus moderne que son rival sérieux et conservateur.

« Je n’aurais jamais pensé voir ça de mon vivant » a-t-il ajouté.

A ce jour, la révolution de Vian a ébranlé Rome, mais elle est en grande partie invisible ailleurs, puisque seulement la page de garde de l’Osservatore Romano est disponible en format PDF sur internet, et seulement en italien. Vian a fait savoir que dans un futur proche, l’édition entière sera disponible et par la suite dans d’autres langues.
Quand cela arrivera, l’Eglise Catholique Mondiale aura son journal quotidien, une véritable révolution en matière de communications.



Un article de Sandro Magister

Sur ce sujet, Sandro Magister avait écrit le 29 septembre 2007 un article profond et brillant, où il citait ce qu'il nommait un "texte d’intérêt exceptionnel, qui concerne toujours "L'Osservatore Romano":

« Ecrit par Giovanni Battista Montini, il est paru dans le supplément spécial de "L'Osservatore Romano" du 1er juillet 1961 pour le centième anniversaire du journal.
En 1961, Giovanni Battista Montini – le futur pape Paul VI – était archevêque de Milan. Mais auparavant, lorsqu’il était substitut de la secrétairerie d’état, il avait supervisé "L'Osservatore Romano" pendant plusieurs années.
Il connaissait donc parfaitement les caractéristiques uniques de ce journal "en partie officiel et en partie non".

Il faut absolument avoir lu le texte de Giovanni Battista Montini si l’on veut apprendre à lire "L'Osservatore Romano". Lui qui n’a jamais tenu de journal intime et qui parlait très rarement de sa vie personnelle a fait là une exception. La fine ironie avec laquelle il aborde certains aspects du journal est bien à lui.

Des aspects qui ont peu changé depuis. Certes, on ne trouve plus aujourd’hui le "spectacle de cour" de la page de chronique du Vatican, dépouillée de sa pompe précisément sous le pontificat de Paul VI. Mais l’essence est restée. Ce n’est pas pour rien que "L'Osservatore Romano" continue à être considéré comme le "journal du pape".

Voici donc [ce] texte-clé pour comprendre ce qu’est "L'Osservatore Romano". Avec ce changement de direction, c’est un nouveau chapitre de son histoire qui s’ouvre aujourd’hui: ... ».
Lire ici: "L'Osservatore Romano" change de directeur. Petit guide de lecture



La vraie vocation de l'OR

Le nouvel "Osservatore Romano" relaiera-t'il mieux que l'ancien la voix du Saint-Père?
Car c'est quand même sa vocation première, plus que de donner la parole à la voix à des personnalités importantes en dehors de l’Eglise Catholique (qui ont quand même beaucoup d'autres espaces pour s'exprimer), et de rechercher le 'scoop', en [prenant] de vitesse les canaux officiels et les autres média sur les développements imminents du Vatican.
Bref, il serait fâcheux, et surtout contre-productif, que cela tournât à la "guéguerre", avec la Salle de Presse du Vatican, par exemple.

Dernier épisode, relevé dans La Croix du 4 février:
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« Le Vatican corrige les chiffres de "l'Osservatore romano"

Le Vatican a corrigé mardi 5 février une information de son journal l'Osservatore Romano qui avait annoncé lundi une chute de 10% du nombre de religieux catholiques en un an, alors qu'elle n'a été en réalité que de 0,7%.
Le service de presse du Vatican, après avoir interrogé le bureau des statistiques du Saint-Siège, a indiqué oralement aux journalistes accrédités que l'Eglise catholique avait perdu 7.230 religieux et religieuses entre 2005 et 2006, un chiffre très inférieur aux 94.790 dont l'Osservatore Romano avait fait état.
L'information de l'Osservatore Romano avait été jugée suffisamment spectaculaire pour retenir l'attention de nombreux médias y compris celle du quotidien de l'Eglise italienne Avvenire.
L'erreur vient de la comparaison avec le chiffre de l'année précédente
...
L'Osservatore Romano avait publié en avant-première ces données à l'occasion de la "Journée mondiale de la vie consacrée" célébrée le 2 février. »
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Luigi Accattoli (encore lui!) le commente avec une mauvaise foi qui n'appartient qu'à lui sur son blog, dans un billet daté du 5 février:



Luigi Accattoli et le nouvel OR

Pour un journaliste, c'est une bonne nouvelle : même l'Osservatore Romano se trompe !
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Le nouvel OR de Gian Marie Vian et Carlo de Cicco anticipe par rapport aux nouvelles officielles, réalise des interviews sur le fait du jour, publie des inédits et - comme cela apparaît de manière évidente - il lui arrive d'être pris en défaut.
Dans l'édition d'avant hier - en anticipant sur des données inédites du Bureau central de statistique de l'Église - il signalait une baisse épouvantable du nombre des religieux et des religieuses, qui auraient diminué de 94.790 unités - sur un total de 945.210 - entre 2005 et 2006. La baisse a été en fait de de 7.230 unités : c'est la Salle de Presse du Vatican qui a fait cette mise au point, s'offrant ainsi une petite revanche après plusieurs d'informations qu'elle s'était vu anticiper par le quotidien vatican dans les cent jours de la nouvelle direction.
Hier encore, du reste, l'OR "coiffait" de nouveau la Salle de presse en publiant en exclusivité - c'est ce qui se disait de ce côté du Tibre (ndt: c'est-à-dire pas du côté du Vatican!) - la "note du Secrétariat d'État" avec la nouvelle prière pour les juifs à réciter le Vendredi Saint en correction du Missale Romanum de 1962.
Je sympathise avec le nouvel OR, et cette impayable erreur me le rend encore plus sympathique.



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