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Spe Salvi
La dignité particulière de l’être humain

Au terme de leur colloque sur "l'identité changeante de l’individu", organisé par l'Académie pontificale des sciences, l'Académie pontificale des sciences sociales, l'Académie des sciences morales et politiques (France), l'Académie des sciences et l’Institut catholique de Paris, Benoît XVI a reçu les participants, se "réjouissant que, pour la première fois, une collaboration inter-académique de cette nature ait pu s’instaurer, ouvrant la voie à de larges recherches pluridisciplinaires toujours plus fécondes". (source VIS)

Le texte intégral de son intervention en français est à lire sur le site du Vatican.



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Le Pape salue la délégation, dans laquelle figure des membres de L'Académie des Sciences morales et politiques, dont il est membre.

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Comment pourrais-je oser commenter un texte aussi profond?
Tout au plus peut-on tenter de tisser des liens avec d'autres textes de sa main (où les notions effleurées ici sont traitées de façon plus approfondie), quand il ne le fait pas lui-même en citant son encyclique Deus Caritas Est.
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En lisant:
« L’homme n’est pas le fruit du hasard, ni d’un faisceau de convergences, ni de déterminismes, ni d’interactions physico-chimiques; il est un être jouissant d’une liberté qui, tout en prenant en compte sa nature, transcende cette dernière et qui est le signe du mystère d’altérité qui l’habite. »
je pense à son livre, "Au commencement, Dieu créa le Ciel et la terre" où il avait écrit:

« L'homme n'est pas une erreur, il est voulu, il est le fruit d'un amour. Il peut découvrir en lui-même, dans cet audacieux projet qu'il est, le langage de l'Esprit Créateur qui lui parle et l'encourage à dire : Oui, Père, Tu m'as voulu. »

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Le paragraphe "A l'époque moderne, se sont ouvertes de nouvelles dimensions du savoir, qui sont mises en valeur dans l'Université, surtout dans deux grands domaines: tout d'abord dans les sciences naturelles..." me renvoie au discours prononcé en août 2005 devant le Ratzinger Schülerkreis : Réflexion sur Création et évolution :
« Les sciences naturelles ont ouvert de grandes dimensions de la raison qui jusqu'à présent n'avaient pas été explorées, et elles nous ont transmis ainsi des nouvelles connaissances. Mais ... leurs résultats soulèvent des questions qui vont au-delà de la compétence de leurs canons méthodologiques et auxquelles il n'est pas possible d'apporter une réponse.
Toutefois, ce sont des questions que la raison doit poser et qui ne peuvent pas être laissé seulement au sentiment religieux... Ce sont les grandes questions fondamentales de la philosophie qui se présentent à nous sous une forme nouvelle: la question sur les origines et sur le futur de l'homme et du monde.
»

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Le discours qui aurait dû être prononcé à La Sapienza développe l'idée du second paragraphe, selon laquelle "les sciences, la philosophie et la théologie peuvent s’aider pour percevoir l’identité de l’homme ":
« A l'époque moderne, se sont ouvertes de nouvelles dimensions du savoir, qui sont mises en valeur dans l'Université, surtout dans deux grands domaines: tout d'abord dans les sciences naturelles, qui se sont développées à partir de la connexion entre l'expérimentation et une rationalité présupposée de la matière; en second lieu, dans les sciences historiques et humanistes, où l'homme, en scrutant le miroir de son histoire et en éclairant les dimensions de sa nature, cherche à mieux se comprendre lui-même... »

Quant aux considérations sur l'homme, "être jouissant d’une liberté qui, tout en prenant en compte sa nature, transcende cette dernière et ... fait [qu'il] peut orienter sa vie vers une fin", elles m'ont rappelé un passage de l'encyclique Spe Salvi (n°24):
" la liberté de l'homme est toujours nouvelle et [..] elle doit toujours prendre à nouveau ses décisions... "



Le discours du Pape

Alors que les sciences exactes, naturelles et humaines sont parvenues à de prodigieuses avancées sur la connaissance de l’homme et de son univers, la tentation est grande de vouloir circonscrire totalement l’identité de l’être humain et de l’enfermer dans le savoir que l’on peut en avoir.
Pour ne pas s’engager sur une telle voie, il importe de faire droit à la recherche anthropologique, philosophique et théologique, qui permet de faire apparaître et de maintenir en l’homme son mystère propre, car aucune science ne peut dire qui est l’homme, d’où il vient et où il va.
La science de l’homme devient donc la plus nécessaire de toutes les sciences. ...
L’homme est toujours au-delà de ce que l’on en voit ou de ce que l’on en perçoit par l’expérience. Négliger le questionnement sur l’être de l’homme conduit inévitablement à refuser de rechercher la vérité objective sur l’être dans son intégralité et, de ce fait, à ne plus être capable de reconnaître le fondement sur lequel repose la dignité de l’homme, de tout homme, depuis la période embryonnaire jusqu’à sa mort naturelle.

Au cours de votre colloque, vous avez fait l’expérience que les sciences, la philosophie et la théologie peuvent s’aider pour percevoir l’identité de l’homme (ndr: dans le discours non prononcé à La sapienza, il dit: "Théologie et philosophie forment en cela un couple original, dans lequel aucune des deux ne peut être totalement détachée de l'autre et, où chacune doit cependant conserver sa propre tâche et sa propre identité"), qui est toujours en devenir.
À partir d’une interrogation sur le nouvel être issu de la fusion cellulaire, qui est porteur d’un patrimoine génétique nouveau et spécifique, vous avez fait apparaître des éléments essentiels du mystère de l’homme, marqué par l’altérité : être créé par Dieu, être à l’image de Dieu, être aimé fait pour aimer.
En tant qu’être humain, il n’est jamais clos sur lui-même ; il est toujours porteur d’altérité et il se trouve dès son origine en interaction avec d’autres êtres humains, comme nous le révèlent de plus en plus les sciences humaines. Comment ne pas évoquer ici la merveilleuse méditation du psalmiste sur l’être humain tissé dans le secret du ventre de sa mère et en même temps connu, dans son identité et dans son mystère, de Dieu seul, qui l’aime et le protège .

L’homme n’est pas le fruit du hasard, ni d’un faisceau de convergences, ni de déterminismes, ni d’interactions physico-chimiques; il est un être jouissant d’une liberté qui, tout en prenant en compte sa nature, transcende cette dernière et qui est le signe du mystère d’altérité qui l’habite. C’est dans cette perspective que le grand penseur Pascal disait que «l’homme passe infiniment l’homme».
Cette liberté, qui est le propre de l’être-homme, fait que ce dernier peut orienter sa vie vers une fin, qu’il peut, par les actes qu’il pose, se diriger vers le bonheur auquel il est appelé pour l’éternité. Cette liberté fait apparaître que l’existence de l’homme a un sens. Dans l’exercice de son authentique liberté, la personne réalise sa vocation; elle s’accomplit; elle donne forme à son identité profonde. C’est aussi dans la mise en œuvre de sa liberté qu’elle exerce sa responsabilité propre sur ses actes. En ce sens, la dignité particulière de l’être humain est à la fois un don de Dieu et la promesse d’un avenir.

L’homme porte en lui une capacité spécifique: discerner ce qui est bon et bien. Mise en lui par le Créateur comme un sceau, la syndérèse (ndr: remords de la conscience) le pousse à faire le bien. Mû par elle, l’homme est appelé à développer sa conscience par la formation et par l’exercice, pour se diriger librement dans l’existence, en se fondant sur les lois essentielles que sont la loi naturelle et la loi morale.

À notre époque où le développement des sciences attire et séduit par les possibilités offertes, il importe plus que jamais d’éduquer les consciences de nos contemporains, pour que la science ne devienne pas le critère du bien, et que l’homme soit respecté comme le centre de la création et qu’il ne soit pas l’objet de manipulations idéologiques, ni de décisions arbitraires ni non plus d’abus des plus forts sur les plus faibles.

Autant de dangers dont nous avons pu connaître les manifestations au cours de l’histoire humaine, et en particulier au cours du vingtième siècle.

Toute démarche scientifique doit aussi être une démarche d’amour, appelée à se mettre au service de l’homme et de l’humanité, et à apporter sa contribution à la construction de l’identité des personnes. En effet, comme je le soulignais dans l’encyclique Deus caritas est, «l’amour comprend la totalité de l’existence dans toutes ses dimensions, y compris celle du temps… L’amour est ‘extase’», c’est-à-dire, «chemin, exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément vers la découverte de soi-même» (n. 6). L’amour fait sortir de soi pour découvrir et reconnaître l’autre; en ouvrant à l’altérité, il affermit aussi l’identité du sujet, car l’autre me révèle à moi-même. Tout au long de la Bible, c’est l’expérience qui, à partir d’Abraham, a été faite par de nombreux croyants. Le modèle par excellence de l’amour est le Christ. C’est dans l’acte de donner sa vie pour ses frères, de se donner totalement, que se manifeste son identité profonde et que nous avons la clé de lecture du mystère insondable de son être et de sa mission.



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