Sarkozy-laïcité: derniers épisodes

Grâce à Rémy Fontaine (Sécularisme sournois ), de Présent, qui y consacre son excellent éditorial dans le numéro du 31 janvier 2008, j'ai pu avoir accès à deux articles parus dans le Monde: une analyse d'Henri Tincq (25 janvier), et une tribune de Régis Debray (24 janvier).



Henri Tincq

Après avoir, dans son introduction, émis l'hypothèse étonnante, qu'il fait manifestement sienne, que la laïcité pouvait encore "être un idéal ( ndr !!!) ... une ligne d'horizon capable de délimiter, d'affronter les défis de demain", il émet le constat qu'au contraire de la Grande-Bretagne, qui, en gros, a suffisamment perdu la partie pour s'avouer une nation "multiconfessionnelle", et de l'Italie et l'Espagne, qui se livrent à ce qu'on devine sous sa plume être un combat d'arrière-garde par épiscopat interposé, (il ose parler d'un "tabou qui a sauté, à propos de la Sapienza, et on devine sa joie mauvaise!), la France en est encore à une phase de transition.

Arrive cette énormité, en parlant du président: "On le dit également issu de la vieille droite maurrassienne"!!!
Je ne voudrais pas parler de ce que je connais mal, mais oser comparer Sarkozy à Maurras me paraît relever de la haute-voltige dans la confusion et la mauvaise foi. Je renvoie mes lecteurs à leur moteur de recherche... et à leur esprit critique.

La comparaison avec Napoléon, et son rapport cynique aux religions me semble moins mal venue, mais la citation "La société ne peut exister sans l'inégalité des fortunes et l'inégalité des fortunes ne peut subsister sans la religion" est tellemnt caricaturale qu'on se demande si elle n'a pas été inventée par l'auteur tout exprès pour l'occasion. L'usage de la faute citation est un exercice bien connu de tous les lycéens et étudiants.

La référence à la religiosité américaine "qui exclut toute suprématie confessionnelle" est sans doute le mieux vu dans l'analyse tincquienne. Mais de quelle Amérique parle-t'il?
Et il ne peut s'empêcher de conclure sur un ultime jet de venin, prétendant reprocher à Nicolas Sarkozy de "confondre laïcité et sécularisation".
En n'oubliant pas de reprocher la même "erreur" aux "épiscopats espagnol et italien inscrivant sur le compte d'offensives laïques l'affaiblissement de la mémoire chrétienne, le déclin des pratiques religieuses, l'enlisement de la foi dans les délices du matérialisme". Et de conclure: "est-ce à l'Etat de suppléer ce que le discours religieux a perdu de pertinence et de capacité à convaincre? "

N'est-ce pas plutôt lui qui confond, sciemment, bien sûr, laïcité et laïcisme?

Difficile de dire à quel point ce journal, qui se couvre du masque hypocrite de la neutralité, à cause du ton qu'il emploie (les gens qui le lisent régulièrement ne sont pas dupes un instant, mais qu'en est-il des élèves de classe préparatoires et des étudiants qu'on oblige à le lire, et qui le font à contrecoeur, mais le font quand même??) est néfaste.

Laïcité et religion civile, Henri Tincq



Regis Debray

Quant à Regis Debray, il n'en finit pas de se prendre pour le Pape. On a l'impression que son papier est une sorte de mauvaise copie sur un buvard (c'est-à-dire que tout est inversé) de l'encyclique Spe Salvi, qu'il s'effoirce de contredire laborieusement.

Exemples:
---------
- si aucune civilisation ne peut vivre sans valeur suprême, le temps est passé des messianismes de substitution qui demandaient à un accomplissement politique de pallier mort et finitude
- Tout citoyen à la recherche de ce qui le dépasse se verrait enjoint de regarder l'au-delà ?
- Faut-il, parce que les lendemains ne chantent plus, remettre aux détenteurs d'une Vérité unique le monopole du sens et de la dignité ?
- Entre l'utopie fracassée et le Jugement dernier, il y a ce que l'on se doit à soi-même, à sa patrie, à autrui, à l'éthique de connaissance, au démon artistique. Ces transcendances-là, qui se conjuguent au présent, sans dogme ni magistère, ne sont pas les seules, mais elles ont inspiré Marie Curie, Clemenceau, Jean Moulin, Braque, Jacques Monod et de Gaulle
...

Remarque:
-------------

Y-a-t'il du snobisme à utiliser l'anglais, pour se démarquer des ignares qui n'ont pas la chance, comme Régis Debray, de considérer le monde comme un village?
C'est fatigant de lire sous la plume d'un intellectuel français, même si c'est du second degré, high-life, top model, rich and famous, flashy, music-hall, "One Nation under God", big money, stock-options, serials télévisés: cela fait vraiment beaucoup, et il faut arriver à la fin de l'article pour trouver une forme d'auto-ironie, avec "anglicismes désormais de rigueur"...

Malaise de civilisation, Régis Debray



<<< Sarkozy et la laïcité à la française



Version imprimable